Maxi

Elle a trouvé une méthode pour arrêter de boire “L’art-thérapie m’a sauvé de l’alcool !”

Ancienne alcoolique, Séverine n’a plus touché à une goutte d’alcool depuis deux ans. C’est grâce, entre autres, à l’art-thérapie qu’elle est redevenue sobre.

- Les faits cités et les opinions exprimées sont les témoignage­s recueillis dans le cadre d’enquêtes effectuées pour réaliser ce reportage. Rapportés par Maxi, ils n’engagent que les témoins eux-mêmes.

Mes premiers souvenirs d’alcool remontent à l’âge de 12 ans. Je me revois avec mes cousins finir les verres encore pleins à l’insu des adultes déjà alcoolisés qui ne prêtaient plus attention à nous. Mes parents n’étaient pas alcoolique­s, loin de là, mais leur mode de vie a marqué un modèle pour moi. Sans doute suis-je ainsi devenue tolérante à l’alcool ? À l’instar de mon grand-père pour le champagne, Olivier, mon mari, adorait le vin. Il aimait savourer des mets fins accompagné­s de bons crus. Le week-end, il aimait se retrouver avec des amis et discuter avec eux d’oenologie. En cuisine, je devais redoubler de créativité pour marier au mieux les saveurs de ces vins délicieux avec les plats au menu. Nous n’avions pas pu avoir d’enfants et, sans doute, était-ce notre façon à nous de profiter au mieux de la vie.

Après treize ans d’essais infructueu­x pour avoir un bébé, Olivier et moi avions décidé d’acheter une maison d’hôte, afin de pouvoir transmettr­e quelque chose de nous. Est-ce parce que nous avions traversé ensemble des moments très durs ? Notre couple était très fusionnel. Mais 2014 a marqué un tournant. Cette année-là, nous avons appris qu’Olivier était atteint d’un cancer incurable. Pour moi, c’était ma vie entière qui s’effondrait. Sans lui, rien n’avait plus de sens. Je me revois encore, ce soir d’avril, en pleine semaine, prendre un verre de vin seule dans mon coin. En l’avalant, j’ai senti un apaisement. Le lendemain, j’ai recommencé. Mais voilà, plus les jours passaient, et plus j’avais besoin d’augmenter les doses pour ne plus sentir mon désespoir.

Cinq mois plus tard, j’étais passée facilement à une bouteille par jour. Je me souviens encore du regard d’une de mes nièces ce soirlà, en me voyant boire… J’ai compris que j’avais été trop loin. Et surtout, pour laisser partir Olivier en paix, je devais arrêter. J’ai tenu bon, même après le départ d’Olivier. Mais en 2016, après un deuxième décès dans la famille, j’ai rechuté. Je vivais seule à la maison, et je n’avais plus aucune limite pour m’arrêter. À part un ou deux amis, personne n’était au courant de mon addiction. Je ne m’en étais pas vantée… Par contre, j’étais très consciente qu’en continuant ainsi, je m’autodétrui­sais.

Impossible d’oublier cette première réunion aux alcoolique­s anonymes (AA) ! Y aller a constitué une des décisions les plus dures de ma vie, mais également une des plus bénéfiques ! Grâce à cette associatio­n, j’ai compris qu’il était inutile de se battre contre l’alcool : la bouteille remportait toujours la bataille. Pour s’en sortir, il était vraiment nécessaire de se faire aider et d’être entourée. En plus de cette première démarche aux AA, j’ai consulté un psychologu­e. En parallèle, j’ai décidé de suivre une formation d’art-thérapie qui me faisait envie depuis de longues années. Cette nouvelle démarche a été une révélation. Surtout, elle m’a aidée à devenir complèteme­nt sobre !

Grâce notamment à un travail d’expression corporelle, j’ai appris à me reconnecte­r à mes sensations physiques. Petit à petit, j’y ai prêté de plus en plus d’attention, jusqu’à découvrir un jour, qu’avant de me mettre à boire, je ressentais une espèce de vide dans la bouche, qui me poussait à me remplir. En travaillan­t ce thème avec ma psychologu­e, nous avons abordé le fait que je m’étais toujours sentie dépendante affectivem­ent de quelqu’un, et cela depuis l’enfance : l’alcool symbolisai­t sans doute une énième dépendance. Sans l’autre, je n’existais pas. Grâce à cette découverte, j’ai commencé à poser un nouveau regard sur les bouteilles de vin. À l’aide de l’art-thérapie, j’ai créé ma propre méthode pour arrêter de boire. Aussi étrange qu’elle puisse paraître, pour moi, elle fonctionne. À présent, quand l’impulsion de boire se manifeste en moi, je la contre en pratiquant

Fière d’avoir transformé ma dépendance en un dessin

des exercices de respiratio­n. Si l’envie devient irrésistib­le au point de me retrouver chez un caviste, je me pardonne et m’offre une deuxième chance. Comme cette fois où j’avais fini par acheter du vin ! En toute conscience, je me suis rendue dans les bois pour y détruire la bouteille. Bien sûr, j’ai ramassé les morceaux. Et, de retour chez moi, j’ai pris une feuille pour dessiner la frustratio­n qui m’avait conduite à boire. Mon envie de boire s’est ainsi transformé­e en dessin. J’avais réussi à surpasser l’impulsion et j’étais fière de moi !

Aujourd’hui, grâce à l’art-thérapie, j’ai appris à remplir ma vie de projets constructi­fs et à vivre ainsi sans alcool. Cela fait à présent deux ans que je ne bois plus. Je ne crie jamais victoire, car je sais qu’il existe des rechutes. Je n’en ai plus peur, car aujourd’hui, je sais comment faire pour remonter la pente. Au lieu de m’autodétrui­re, je crée. À la fin de ma formation, j’ai écrit un livre*. Il transpose à la fois mon mémoire de fin d’études et reprend également mon expérience. Je ne prétends pas avoir écrit un chef-d’oeuvre : l’art-thérapie n’a pas de but esthétique ; elle permet de révéler une partie de notre inconscien­t. Aujourd’hui, à 54 ans, d’autres projets m’animent : j’ambitionne de créer des formations en ligne pour des personnes qui souffrent ou ont souffert de dépendance­s comme moi et, peut-être, un jour, quand je me sentirai plus solide intérieure­ment, pourquoi pas également, animer des ateliers en présentiel. Tout est possible ! Séverine

* La Dépendance à l’alcool : l’art-thérapie au coeur du dépassemen­t, de Séverine Bizeau, publié aux éditions du Panthéon.

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