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C’est tendance !

De l’engouement mondial pour Downton Abbey au succès de la Chronique des Bridgerton, les séries historique­s nous fascinent ! Tant mieux, on y apprend une foule de choses!

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Pourquoi les séries en costumes nous fascinent

Des robes de bal d’une élégance rare, des manoirs anglais décorés avec un goût exquis, une campagne verdoyante et des falaises battues par les vagues… Si ces images vous font tomber en pâmoison, vous faites probableme­nt partie des fans de Downton Abbey, d’Outlander ou de Poldark ! Depuis le début des années 2000, les drames historique­s enchantent le public et battent des records d’audience. La dernière série en date, La Chronique des Bridgerton, a conquis plus de 82 millions de spectateur­s dans le monde entier.

Un besoin de s’évader Regarder une série en costumes est un festin pour les yeux ! « C’est un délice de voir les employés de maison cuisiner de beaux produits, dresser le couvert avec soin. Il y a un respect

des traditions que l’on ne voit plus, un vrai souci de rendre le quotidien plus beau qui fait du bien ! », s’enthousias­me Laure, 50 ans, qui n’a pas raté un épisode de Downton Abbey et de Peaky Blinders, une série qui se déroule dans le Birmingham criminel d’avant-guerre. « Dans toutes les séries en costumes, il y a un soin particulie­r apporté à l’esthétique. Tout est fait pour rendre la série attrayante », note Ioanis Deroide, historien et spécialist­e des séries britanniqu­es*. Calista, étudiante en histoire de l’art, qui a découvert ces séries grâce à sa mère, se passionne pour les costumes d’époque au point d’y consacrer ses études. « Je suis très sensible aux habits, mais j’aime aussi me retrouver dans différente­s époques, découvrir de nouveaux lieux: les

Cornouaill­es, avec Poldark ; les Highlands, avec Outlander ; ou le Canada, avec Anne with an “E”. » Se plonger dans une période historique dépourvue des gadgets modernes omniprésen­ts offre un bol d’oxygène. « Quand je regarde une série historique, j’ai vraiment la sensation de m’extraire de mon quotidien », ajoute Laure. « La réalité des personnage­s est très éloignée de la mienne, moi qui passe une partie de ma journée devant un ordinateur ! » Cette quête d’évasion s’avère bien la première motivation de tous les accros. « Retrouver un univers qui est en contradict­ion avec le nôtre, nous apaise, nous repose, nous fait nous sentir mieux », analyse Rémy Oudghiri, sociologue**. « À l’époque, les rythmes étaient plus lents. On parlait moins vite, il y avait davantage de cérémonie, de rituels. Ces séries sont une échappatoi­re ! »

En écho de sujets plus contempora­ins

Pour autant, les séries en costume ne s’empêchent pas d’aborder des thématique­s et des sujets d’actualité, qui nous rattachent à notre présent. « Le passé est un cadre dans lequel on met ce qu’on veut », note Ioanis Deroide.

Ainsi, la récente série de Canal+, Paris Police 1900, évoque ouvertemen­t violences policières, antisémiti­sme et misogynie, des sujets d’actualité. Laure est très sensible à la façon dont la condition des femmes est abordée et apprécie, depuis Downton Abbey, « le chemin qu’on a fait, même si tout le monde n’est pas d’accord avec moi », remarque-telle. « La série historique est faite avec le regard d’aujourd’hui : dans toutes ces production­s récentes, il y a toujours au moins un des personnage­s féminins pour qui se pose la question de l’émancipati­on, vis-à-vis de sa famille, de son milieu ou de son époque », souligne Ioanis Deroide. « Sous couvert de codes et convention­s surannées, ces séries nous invitent à réfléchir sur la société actuelle, tel un miroir déformant », confirme Marion Miclet, journalist­e spécialisé­e dans les séries et la pop culture. La Chronique des Bridgerton aborde ainsi la visibilité des minorités de manière très directe : le jeune héros, un duc de la Régence, est noir, tout comme la reine et la créatrice de la série, Shonda Rhimes. Une façon de promouvoir l’égalité des chances jusque dans la fiction historique. Qu’importe la réalité d’alors, l’important est de faire passer des idées d’aujourd’hui.

Un effet rassurant

Au fond, ce que cherchent les spectateur­s et spectatric­es, c’est la promesse d’un cocon familier. « Avant même d’allumer votre écran, vous savez que les costumes et les décors seront beaux, que l’atmosphère vous sera familière », remarque Ioanis Deroide. En effet, Sylvie, 55 ans, oublie son quotidien parfois stressant lorsqu’elle regarde Downton Abbey ou même Mad Men, qui se passe dans les années 1950 et 1960. « Je me plonge dans une époque de progrès, où l’avenir semblait devant soi, alors qu’aujourd’hui, il semble bien sombre », souligne-t-elle. Calista reconnaît, elle aussi, y retrouver une part d’enfance. « Ces séries sont en quelque sorte la suite logique des contes avec des princesses que l’on découvre enfant. Les personnage­s masculins sont de vrais gentlemen ! Il y a des châteaux, des robes grandioses. C’est une vision du monde idéalisée », souligne la jeune femme. Un sentiment confirmé par Ioanis Deroide: « On peut rêver d’être à l’époque de Jane Austen, alors qu’en lisant ses romans, la période ne semble pas très drôle. Les gens ne rêvaient que d’argent et de possibilit­és de s’en sortir ! Mais aujourd’hui, on s’en fait une vision pleine de charme. » Pour le sociologue Rémy Oudghiri, c’est la même vague de nostalgie – même illusoire – qui nous pousse, jeune ou moins jeune, à regarder des séries historique­s. « On veut croire à une douceur de vivre liée au fait que le futur était ouvert. Aujourd’hui, et ce même avant la crise sanitaire, il est très difficile de se projeter dans le futur. C’est ce que j’appelle l’éclipse de l’avenir. » Face au manque de perspectiv­e ou de confiance dans les années à venir, on peut toujours se rassurer en retournant dans un passé rêvé, qui nous fait nous sentir bien !

 ??  ?? La reine et ses suivantes, dans La Chronique des Bridgerton.
La reine et ses suivantes, dans La Chronique des Bridgerton.
 ??  ?? Dans les coulisses de Buckingham, avec The Crown.
Dans les coulisses de Buckingham, avec The Crown.
 ??  ?? Bal chez les Crawley, au domaine de Downton Abbey.
Bal chez les Crawley, au domaine de Downton Abbey.
 ??  ?? Ci-contre, à gauche, Ross Poldark, personnage principal de la série Poldark, incarné par Aidan Turner.
Ci-contre, à gauche, Ross Poldark, personnage principal de la série Poldark, incarné par Aidan Turner.

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