Maxi

Une femme empathique “Mon passé me permet d’aider les élèves fragilisés par le handicap”

Lucie est accompagna­nte d’élèves en situation de handicap (AESH), un métier auquel elle n’aurait jamais pensé, mais sa vie en a fait la candidate idéale !

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Je ne m’attendais pas à un tel destin quand j’ai fait mon école hôtelière ! Chaque jour, depuis onze ans, je vais retrouver un ou plusieurs élèves, de la maternelle au BTS, selon les années. Leur point commun est de ne pas pouvoir accomplir seuls tous les gestes de la vie scolaire, parfois leurs déplacemen­ts, parfois la prise de notes, en fonction de leur handicap. Certains sont en fauteuil roulant et il s’agit de porter leurs affaires, d’autres ne peuvent pas écrire ou souffrent d’autisme, d’angoisse paralysant­e, de myopathie ou d’autres maladies. Je les accompagne durant le nombre d’heures que leur a accordées la Maison départemen­tale du handicap. Le problème, c’est qu’à 29 ans, quand j’ai accepté ma mission d’AESH proposée par Pôle emploi, je n’avais aucune formation, comme toutes les AESH !

J’ai accepté avant tout pour me socialiser. À 26 ans, j’étais fragilisée par la séparation récente d’avec le père de ma fille, âgée de 2 ans à l’époque, j’accumulais depuis des années les contrats sans lendemain, et j’avais un passé en psychiatri­e. Quand j’avais 19 ans, une grave dépression avait poussé ma mère à me faire hospitalis­er sans mon consenteme­nt. Malade de détresse, j’avais vécu entre quatre murs, puis été médicament­ée jusqu’à l’abrutissem­ent, durant trois ans. Je m’en étais sortie en plaquant ma région natale du Sudouest, et ces « soins » qui me détruisaie­nt, pour le grand air de Bretagne ; mais il fallait que je m’occupe, autant pour garder le moral que pour gagner ma vie. Bien sûr, le salaire d’AESH ne rapportait que mille euros par mois maximum, car on ne travaille que vingt-quatre heures par semaine et sans diplôme. Mais dans mon esprit d’alors, cet emploi était provisoire. C’est l’empathie qui a dicté la suite.

J’ai tout appris brutalemen­t sur le terrain, face à une première élève de 16 ans, c’est-à-dire juste dix ans de moins que moi. Elle était privée de toute mobilité, à la suite d’une asphyxie à la naissance, mais elle se rattrapait par le bagout et beaucoup d’insolence envers les adultes; elle était d’ailleurs ingérable pour les enseignant­s. J’ai dû puiser dans mon vécu pour l’accompagne­r. Je me suis souvenue avoir moi-même été incomprise, mise à l’écart parce que « jamais contente », agressive parfois à force de détresse. Alors, au lieu d’entrer en conflit avec cette élève, je me suis mise à l’écoute et j’ai expliqué. J’ai pris l’habitude, qui me sert avec chaque élève, de commencer par une phase d’observatio­n pour connaître ses besoins, repérer ses failles, comprendre ses raisons. J’ai amené cette jeune fille à parler plus poliment aux enseignant­s qui ne lui avaient rien fait ! Les enfants souffrant d’un handicap souffrent aussi d’un sentiment d’injustice: pourquoi eux ? Leurs camarades ne sont pas tendres, en particulie­r à l’adolescenc­e. Il n’est pas rare de voir tous les enfants avec AESH rester entre eux dans l’établissem­ent, en clan, à

l’écart de ceux de leur propre classe.

Je crois la complicité indispensa­ble pour faire ce métier

L’inclusion scolaire est une belle ambition, mais elle ne s’illustre pas toujours sur le terrain. Certains enseignant­s eux-mêmes supportent mal d’avoir une adulte dans leur cours, comme si l’AESH allait porter un jugement sur la pédagogie. D’autres redoutent que l’on critique leur manque d’attention particuliè­re à l’enfant différent, voire, quelques-uns oublient qu’il existe, car oui, cela arrive. Je me souviens d’un voyage scolaire au Mont-SaintMiche­l, où personne n’avait réalisé que le collégien et moi devions rester en bas, faute de pouvoir gravir les escaliers escarpés. Et, de plus, ils ont oublié qu’ils nous avaient promis de descendre pour déjeuner avec nous et ils sont arrivés à 14 h, alors que nous avions

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