Très jeune, elle a été aidante familiale ‘‘Je suis heureuse d’avoir pu soutenir mon grand-père !’’
De 19 ans à 27 ans, Pauline a été l’aidante familiale de ses grands-parents et en particulier de son papy, victime de deux AVC. Une belle aventure familiale à laquelle la jeune femme s’est consacrée avec dévouement.
J’adore mes grands-parents maternels ! Nous avons toujours été très liés. Avant leur retraite, ils habitaient à 500 mètres de chez mes parents. Du coup, quand j’étais petite, ils me récupéraient à la sortie de l’école et me gardaient ; je passais toutes mes vacances avec eux et, durant l’été, mes parents nous rejoignaient en Aveyron, berceau de notre famille. J’ai des milliers de beaux souvenirs de ces années. Mon enfance comme mon adolescence ont été bercées de moments extraordinaires avec ma grand-mère et mon grand-père : les baignades dans les lacs, les pique-niques, les parties de jeux de société, les balades… Je ne me suis jamais ennuyée avec eux. J’aimais les blagues de mon grand-père, sa joie de vivre, sa générosité… Il était bavard, aimait parler de tout et rien, de l’actualité…
Mais quand j’ai eu 19 ans, tout a changé ! Il avait alors 73 ans. Durant l’hiver 2013, il a fait un AVC. Sur le coup, personne ne s’en est rendu compte : mes parents et mon petit frère, qui a 8 ans de moins que moi, venaient de passer quelques jours chez mes grands-parents, installés alors en Aveyron. Le matin du départ, mon grand-père était pieds nus, ce qui ne lui arrivait jamais. Il faisait très froid et, pourtant, il était dehors en tee-shirt. Il passait son temps à dire qu’il devait aller faire son lit… Ça ne lui ressemblait pas du tout ! Ces comportements un peu bizarres auraient dû nous mettre la puce à l’oreille, mais on ignorait alors que les troubles du comportement peuvent révéler un AVC. Finalement, ma grand-mère a contacté le médecin, qui est venu poser quelques questions simples à mon grandpère : « En quelle année sommes-nous ? » « Qui est président de la république ? » Mon papy, qui lisait son journal chaque jour, n’a pas su répondre à cette question. Du coup, le médecin a prescrit un scanner, qui a montré un hématome frontal de 4 cm. Mon grand-père a été transféré d’urgence à l’hôpital de Toulouse où il a fait un second AVC. Il a été opéré immédiatement. Moi, j’étais restée à Paris car j’étais alors à l’université. Quand je me suis rendue à Toulouse pour le voir, ce n’était plus le même homme : son côté droit était entièrement paralysé, il ne parlait plus du tout, son regard était vide… Cela a été un choc de le retrouver ainsi !
L’équipe soignante nous avait prévenus qu’après un AVC, la personne disposait de trois années pour retrouver sa motricité et son agilité. Au-delà, certaines facultés disparaissaient à jamais. Dès lors, ma famille et moi avons engagé une course contre la montre : chaque jour, on se relayait à son chevet pour le stimuler. On le faisait écrire, on lui amenait son journal, on le forçait à lire à haute voix, quand il butait sur un mot, on lui demandait ce qu’il signifiait… On s’est vite aperçus qu’il ne connaissait plus certains noms, verbes et autres : il ne parvenait plus à les prononcer ni à se souvenir de leur sens. J’avais beaucoup de mal à supporter cette situation : pour moi, ce n’était plus lui. Je me sentais totalement démunie. Pendant un an et demi, j’ai fait des allers-retours Paris-Rodez, en alternance avec mes parents et ma tante : je faisais les courses de ma grandmère, son ménage, je l’aidais dans le suivi des papiers administratifs, pour lui obtenir des aides comme l’APA, par exemple. Fin 2014, nous leur avons trouvé un petit appartement à côté de chez nous pour cesser ces déplacements qui nous fatiguaient beaucoup. Bien sûr, j’ai continué à m’occuper d’eux : outre les tâches ménagères et administratives, je faisais des petites balades avec mon grand-père qui avait retrouvé l’usage de la marche. On passait des dimanches tous ensemble à jouer à des jeux de société qui le stimulaient doucement : s’il ne comprenait pas bien les règles, on voyait qu’il était bien. Il disait qu’il était heureux d’être avec nous. Tout cela a duré 7 ans.
Mon grand-père disait qu’il était heureux d’être avec nous.
En 2019, son état a commencé à décliner sérieusement : on a découvert qu’il avait, en plus, un dérèglement de la thyroïde. Il avait des sautes d’humeur et devenait très agressif. Je n’osais plus le sortir, tant il pouvait devenir incontrôlable, violent… Nous étions en train de chercher une maison pour le placer quand la crise du coronavirus et le premier confinement se sont invités dans nos vies : ces quelques semaines ont été infernales. Il n’était plus du tout lucide, s’énervait pour tout et rien… On était tous épuisés. En juin 2020, il a eu une place en Ehpad. Dans l’unité pour personnes désorientées qu’il intégrait, il y avait un auxiliaire de vie pour douze personnes. Le premier jour, il a chuté cinq fois ! Quelques jours plus tard, une nouvelle chute lui a été fatale : il est décédé dix-huit jours plus tard. Je l’ai accompagné jusqu’au bout et depuis, il me manque beaucoup. Mais je sais que j’ai fait ce qu’il fallait pour lui : durant toutes ces années, je n’ai pas eu la même vie que les filles de mon âge : quand après les cours, des camarades me proposaient d’aller au cinéma, de prendre un verre ou de travailler à la bibliothèque, je refusais, car j’allais voir mes grandsparents. De même, je n’ai pas pu m’investir dans une vie amoureuse : je n’avais pas assez de temps pour pouvoir m’y consacrer. Mais je suis heureuse et fière d’avoir pu être aux côtés de mon grand-père. Lui qui avait tant donné aux autres, il était normal de lui offrir une fin de vie entourée des siens ! Pauline