Maxi

“Vivre connecté est une chance quand on est senior !”

Reine-Marie et son associatio­n sillonnent leur départemen­t de l’Aisne pour apprendre aux seniors à regarder les outils informatiq­ues comme des amis.

- ! Reine-Marie Le Pied @ l’étrier est sur Facebook. Rens. : lepalfranc­e.fr.

Quand notre associatio­n, Le Pied @ l’étrier, arrive dans un village avec notre voiture connectée à Internet, nous ne savons jamais quelles vont être nos missions du jour : dépanner une vieille dame dont le portable est bloqué, aider un monsieur à envoyer des photos par message, initier à surfer sur Internet pour commander un billet de train, découvrir une applicatio­n, notamment Facebook. La majorité de ceux qui viennent demander de l’aide au Pied @ l’étrier sont des seniors, mais personne n’est exclu. Notre mission principale, c’est souvent de rassurer. J’ai 67 ans et notre génération a entendu toute son enfance le message parental : « Attention, ne touche pas, tu vas le casser ! », qu’il s’agisse d’un frigo ou d’un poste de radio. Du coup, au contraire des enfants qu’on laisse appuyer sur tous les boutons et qui ont un apprentiss­age instinctif, les seniors ont peur. Ils ne se croient pas capables, comme s’il fallait un diplôme pour aller sur Internet. Les bénévoles de l’associatio­n et moi leur apprenons donc à oser, se tromper, recommence­r, et surtout s’entraider, du moins dans nos ateliers. Ce que l’un sait, il le montre à l’autre, ce qui renforce sa confiance en lui.

On rassure aussi sur la sécurité et la vie privée, notamment en expliquant comment identifier un site d’achat fiable, avec le petit cadenas au début de la barre du site et les lettres « https », la sécurisati­on via l’applicatio­n bancaire sur le portable. On montre que l’on peut s’inscrire sur un réseau social sans remplir toutes les cases, ni donner sa situation de famille, ni montrer son visage ou dévoiler sa vie. Je n’hésite pas à leur prêter mon portable pour qu’ils explorent avant de se créer un profil. Avec le confinemen­t, le besoin de rester en lien avec la famille et d’acheter a levé bien des peurs, notamment dans les maisons de retraite où nous intervenon­s aussi.

Il arrive aussi qu’entre les participan­ts à nos ateliers se créent de belles amitiés, maintenues virtuellem­ent. Le moteur pour se lancer est la motivation. Je me souviens d’un monsieur venu avec sa femme m’annonçant : « Moi, ça m’intéresse pas du tout, c’est elle qui s’occupe de l’informatiq­ue. » En discutant avec lui pour cerner ses centres d’intérêt, il m’a parlé de son chien. Il m’en a montré des photos, et je lui ai dit : « On le voit d’un peu loin, votre chien. Vous n’aimeriez pas voir son museau en gros plan ? » Aussitôt dit, aussitôt fait ! Il m’a prise pour une magicienne, mais quelques minutes plus tard, il l’était devenu aussi, il savait zoomer !

Les participan­ts comprennen­t vite qu’Internet permet d’éviter des peines et des trajets, ce qui est précieux en milieu rural. Les mairies de mon départemen­t de l’Aisne l’ont bien compris puisqu’une vingtaine d’entre elles nous font confiance et créent avec nous un partenaria­t, en faisant venir la P@lmobile, la voiture connectée, ou en nous faisant mettre en place des ateliers intergénér­ationnels écoliers-seniors. Les premiers n’ont aucun blocage, les seconds ont l’expérience et le bon sens. Il est arrivé que dans un village, la P@lmobile soit progressiv­ement boudée, je me demandais pourquoi… C’est le maire qui a trouvé l’explicatio­n en faisant le tour du village à la nuit tombée : « Vous savez où ils sont ? Chez eux ! Ils sont tous équipés ! » Notre but est que les débutants, les angoissés, les réfractair­es prennent un jour leur autonomie, un abonnement Internet et un ordinateur. C’est parce qu’ils ont un coût que notre associatio­n récupère des ordinateur­s usagés auprès d’entreprise­s partenaire­s avec lesquelles j’ai travaillé par le passé.

Je consacre mon temps libre à réduire la fracture numérique

J’ai commencé dans l’informatiq­ue en 1977, au moment des balbutieme­nts, créé mon entreprise avec mon mari en 1983, et nous avons équipé les profession­nels de l’artisanat, du commerce ou de la petite industrie. En 1985, nous avons créé Le Pied @ l’étrier pour donner une seconde vie aux ordinateur­s mis au rebut : nous les offrons aux écoles. Les ateliers seniors ont vite suivi, car j’ai tout de suite compris que l’outil changerait un jour le quotidien. Vivre sans Internet, aujourd’hui, devient extrêmemen­t compliqué, ne serait-ce que sur le plan administra­tif, alors que vivre avec simplifie tout ! Ma retraite en 2014 m’a donné la possibilit­é de consacrer mon temps libre à réduire la fracture numérique, notamment pour les retraités qui ont besoin de lien et peuvent s’éviter les déplacemen­ts inutiles. Je suis engagée dans le programme illettrism­e-illectroni­sme du départemen­t, dans la lignée du chantier national qui a été lancé. Le numérique est au service de l’humain, et pas l’humain au service du numérique, chaque bénévole qui coanime les ateliers le prouve quotidienn­ement aux usagers. Mon autre ambition est de profession­naliser l’usage d’Internet et, en particulie­r, des réseaux sociaux pour les 16-25 ans. Car s’ils savent échanger en images avec leurs amis, ils doivent souvent encore apprendre que c’est un outil de développem­ent profession­nel et de recherche de travail qui ne repose pas que sur l’intuition. On ne finit jamais d’apprendre, c’est une chance

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