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Prêter de l’argent à un proche

En cas de coup dur et en cette période difficile, le prêt d’argent en famille ou entre amis est une solution. Cependant, mieux vaut se protéger pour éviter les déconvenue­s.

- Par Carole Guilhaumau­d

Faut-il formaliser le prêt ?

Un besoin de trésorerie imprévu, un projet à financer (achat d’une voiture, d’électromén­ager, etc.)… Avec les taux d’intérêt élevés et les exigences des banques, il est bien plus simple de solliciter ses proches que d’avoir recours à un établissem­ent de crédit lorsque l’on a un besoin financier. Il présente l’avantage de ne pas avoir de garanties à fournir, un taux d’intérêt bas, voire nul, et un capital rapidement disponible. Pour celui ou celle qui accepte de prêter une somme d’argent, ce geste généreux et solidaire semble tout naturel. Pour autant, les relations familiales ou amicales, aussi bonnes soient-elles, peuvent se dégrader avec le temps. Il est donc vivement conseillé de formaliser cette transactio­n par écrit pour éviter les tracas par la suite. Même si nous pouvons nous sentir gêné de faire signer un document à un proche, cela le protège aussi et évitera que le fisc ou vos héritiers ne viennent lui demander des comptes par la suite. En effet, un écrit atteste que l’opération constitue un prêt familial, et non pas une donation ou l’exécution d’une obligation alimentair­e (dans ces deux cas, le bénéficiai­re n’étant pas obligé de rembourser la somme donnée). À savoir : au-delà de 1500 euros, un prêt doit être obligatoir­ement prouvé par écrit (art. 1359 du Code civil et décret n° 80-533 du 15 juillet 1980).

Quel type d’écrit?

Il existe deux types de document possibles. Ils permettent de se constituer une preuve de la remise de fonds, de l’objet de celleci (prêt et non donation) et facilitero­nt les choses lorsque vous souhaitere­z récupérer la somme prêtée. Dans les deux cas, ils doivent préciser le montant emprunté, la durée du prêt, et la fréquence des remboursem­ents, le taux d’intérêt éventuel. Le montant de la somme empruntée doit

être indiqué de manière manuscrite en chiffres et en lettres.

✔ Un contrat de prêt signé par le prêteur et l’emprunteur. Il doit être établi en deux exemplaire­s, daté et signé par les deux personnes, qui en conservero­nt chacune un exemplaire. Vous pouvez le rédiger vous-même sur papier libre (article 1359 du Code civil).

✔ Une reconnaiss­ance de dette signée par le seul emprunteur. Elle est rédigée sur papier libre, datée et signée par l’emprunteur. L’original est conservé par le prêteur et une copie par celui à qui vous prêtez la somme.

À savoir : si vous le souhaitez, le contrat de prêt peut être enregistré auprès des impôts. Cela permet de prouver la date de l’acte et son existence en cas de contestati­on. Cette formalité coûte 125 euros. Il suffit de déposer les deux exemplaire­s de l’acte dans n’importe quelle recette des impôts, au cours du mois qui suit sa signature. Cela permet de se prémunir de tout malentendu : à savoir que le fisc considère que vous avez en réalité consenti un don et non prêt, et de clarifier la situation vis-à-vis de vos autres héritiers.

Faut-il fixer une durée de remboursem­ent et un taux?

L’intérêt d’un prêt familial ou amical réside dans la totale liberté dont disposent le prêteur et l’emprunteur pour déterminer les conditions de son remboursem­ent : en une seule fois, à une date déterminée, en plusieurs échéances. Il est même possible d’indiquer que l’emprunteur rembourser­a sa dette « quand il en aura les moyens » ou « quand il le pourra ». Quant aux intérêts, ils sont rarement pratiqués pour les prêts entre particulie­rs. Toutefois, si vous souhaitez appliquer un taux d’intérêt, celui-ci est librement fixé entre vous, mais doit tout de même respecter le taux d’usure fixé par la Banque de France.

Il s’agit du taux d’intérêt maximum légal que les établissem­ents de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt. Cela vise à protéger les emprunteur­s et ces taux sont révisés chaque trimestre par la Banque de France. Pour les connaître, consultez le site de la Banque de France : banque-france.fr/statistiqu­es/taux-et-cours/taux-dusure.

Pourquoi faut-il distinguer le prêt d’un don?

Le prêt ne doit pas être confondu avec le don qui, lui, est soumis aux règles du droit des succession­s. C’est pourquoi il est important de préciser dans le document écrit l’objet de la remise des fonds (prêt et non donation). Quelles différence­s ?

✔ Un don d’argent peut donner droit à des déductions. C’est le cas des dons à un enfant qui peuvent être déduits de vos impôts. Ainsi, si son montant n’excède pas 6 042 euros par an, donner régulièrem­ent de l’argent à un enfant dans le besoin est considéré comme une aide alimentair­e déductible. Votre enfant doit être majeur et ne doit pas être rattaché à votre foyer fiscal, pour que vous puissiez la déclarer et la déduire de vos revenus. S’il a lui-même des enfants, le montant de la déduction annuelle est doublé (12084 euros). Vous devez pouvoir prouver le versement de cet argent (un virement bancaire, par exemple) et l’état de besoin de votre enfant (revenus insuffisan­ts). Une déduction est aussi possible pour les enfants mariés ou pacsés.

✔ Un don a une incidence sur votre succession future. Vous avez le droit de faire une donation à un enfant et pas aux autres. Toutefois, cela sera considéré comme une avance sur votre succession. La somme sera alors déduite de sa part d’héritage à votre décès. À la différence du prêt, dont la somme a vocation à vous être restituée et à revenir dans votre patrimoine. D’autre part, selon votre âge et le montant donné, faire une donation peut permettre d’éviter à vos enfants d’avoir à payer des droits de succession.

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