“L’ Etat doit jouer le jeu”
En dépit d’une première alerte lancée sous la bannière Production Locale Réunie en juillet dernier, hormis la filière canne-sucre ayant reçu quelques réponses, la production animale réunionnaise demeure dans l’incertitude la plus totale. Réunis sur une exploitation à Sainte-Suzanne, une dizaine de représentants de la filière animale péi, inquiets et en colère, ont une nouvelle fois convoqué la presse afin de relayer leurs inquiétudes.
Bâti depuis 40 ans, le modèle de “ferme réunionnaise” repose sur les efforts de développement et de structuration opérés par les éleveurs, appuyés sur des coopératives, sociétés d’intérêts collectifs agricoles et structures interprofessionnelles autour de grands objectifs: favoriser l’installation de petites exploitations familiales dans les hauts de l’île, structurer les filières d’élevage et mutualiser les outils de production et de transformation, garantir un prix de reprise aux éleveurs, développer une production répondant aux attentes du marché à un prix le plus accessible possible.
Soucieux de préserver une qualité respectueuse de l’environnement, améliorer la compétitivité de leurs produits, répondre aux attentes du marché et contribuer à l’insertion professionnelle des jeunes réunionnais, les quelque 750 éleveurs de La Réunion, dont l’activité génère près de 5.000 emplois directs et indirects, ont élaboré un projet interprofessionnel de développement: DEFI responsable 2018-2025 intégrant des objectifs de responsabilité économique, sociale et environnementale. Un modèle “socioéconomique” encouragé et soutenu par l’Europe au travers du dispositif POSEI auquel s’ajoute le soutien de l’État par l’intermédiaire du Comité interministériel de l’Outre-mer, qui complète l’aide européenne avec une enveloppe CIOM.
Couplé à la production, ce soutien national, dont les fonds sont plafonnés à 40M€ pour toutes filières agricoles des DOM confondues, bénéficie depuis 2014 à l’élevage réunionnais, plus développé et mieux structuré que celui des autres territoires, à hauteur de 22,3M€ “quand les besoins de l’interprofession s’établissent à 24M€” indique Martha Mussard, présidente de la Sicalait.
Une enveloppe insuffisante dès 2018
Depuis plusieurs années, l’élevage réunionnais, en constant développement et engagé sur la voie de la modernisation, bénéficiait du reliquat des crédits non consommés dans les autres DOM. 2018 a été la première année pour laquelle l’excédent de 1,5M€, demandé par les filières réunionnaises par rapport à l’enveloppe initiale, ne sera pas payé, l’enveloppe globale ayant été intégralement consommée. Au vu du développement de la production prévue par les filières de l’ARIBEV ARIV, ce dépassement sera dorénavant systématique, et croissant : les prévisions pour 2019 faisant état de 2M€ nécessaires à la poursuite des mesures pour répondre aux exigences gouvernementales en termes d’accessibilité, de réponse à la demande des consommateurs, de verdissement de l’agriculture, et d’installation de jeunes agriculteurs réunionnais.
“Chaque mois, nos organisations examinent les demandes d’adhésion de dizaines de jeunes, par ailleurs parfaitement formés et préparés à l’exercice de nos métiers. Que devons-nous répondre à ces postulants? Dans quelle mesure pouvons-nous les autoriser à s’endetter (coût moyen d’une installation: 50.000€), sans être en mesure de leur donner la moindre visibilité?” s’interrogent les éleveurs de bovins, lapins, porcs et volailles dénonçant l’immobilisme de l’État en dépit des courriers et réunions menées avec les Ministères de l’Agriculture et des Outre-mer en avril dernier.
Dénonçant un manque de volonté et une inaction de nature à compromettre les efforts de 40 ans, les éleveurs énumèrent les risques que fait aujourd’hui peser l’inaction du gouvernement sur la filière animale: suspension des installations (malgré le soutien fort du département), arrêt de production, hausse de prix, voire à terme, arrêt de l’ensemble de la production et fin des alternatives aux importations de piètre qualité… avant de promettre des actions fortes destinées à défendre l’économie, le territoire, la population.