ENQUËTE
Un club au service de l’export des entreprises locales
À cause d’une logistique complexe, des coûts et de la contrainte des normes, l’export rebute plus d’un dirigeant, alors que le marché international représente une aubaine économique capitale pour l’île de La Réunion. Afin d’y convaincre les TPME, le Club Export a travaillé sur une solution de logistique simple et sans contraintes, pour exporter vers des pays de la zone, notamment les Seychelles.
La crise sanitaire de la Covid-19, qui a touché l’ensemble de la planète, a révélé plusieurs choses, entre autres que les îles de la zone Océan Indien étaient beaucoup trop dépendantes du monde extérieur. Si la subordination de La Réunion vis-à-vis de la métropole n’était plus à prouver, en termes d’importation des produits de première nécessité, on connaissait moins celle des Seychelles avec les Émirats Arabes Unis et Rungis (Île-de-France).
Système de coopération.
“Lorsque le monde s’est confiné, les Seychellois ont lancé un appel (à l’aide) à La Réunion, parce qu’ils avaient des difficultés à s’approvisionner” raconte Laurent Lemaitre, président du Club Export de La Réunion. Le souhait était de pouvoir s’approvisionner via l’île, “et c’était quelque chose d’assez exceptionnel, tant en termes idéologique que politique et économique” rappelle le président.
Or, ce sujet d’une relation économique entre les différents pays de la zone est récurrent au Club Export ; les sociétés locales cherchent constamment de nouveaux marchés d’export, mais se heurtent aux problématiques des taxes, de la logistique et du relationnel avec les autorités locales, etc. L’idée était donc de partir des réflexions déjà faites pour initier “un système qui permettrait aux entreprises péi de grouper leurs produits et les faire distribuer aux Seychelles, sans difficulté” poursuit Laurent Lemaitre.
Catalogue et logistique.
Très vite, le Club Export se réunit et décide de mettre en place une collaboration entre ses adhérents et salariés afin de créer un catalogue dans lequel seraient référencés les produits locaux dédiés à l’export : un catalogue simple et lisible, avec un listing des produits et leur prix de vente.
“Encore faut-il convaincre les entreprises de La Réunion de s’exporter” regrette Laurent Lemaitre. Pour le président du Club Export, il y a encore une nécessité à persuader les patrons de La Réunion du bien-fondé de l’export : “Il ne faut pas attendre que le marché soit restreint et que les difficultés se fassent sentir. L’export est une solution de développement pour l’île” insiste Laurent Lemaitre.
Les industriels en avant.
Mais l’export et ses contraintes en répugnent plus d’un : il faut passer un accord avec les compagnies aériennes et le fret maritime, les transporteurs, les douanes, être à jour des normes de l’export, etc. L’objectif était donc de créer un catalogue à proposer aux retailers des Seychelles, mais aussi de simplifier la chaîne logistique pour que les entreprises de La Réunion adhèrent à la démarche. “Si une partie de l’avenir du territoire doit se faire à l’export, il faut aider les professionnels à s’orga
niser” s’enthousiasme Laurent Lemaitre.
C’est Royal Bourbon Industrie, portée par Daniel Moreau, également président de l’ADIR, qui impulse le premier le mouvement. Dans le catalogue, on retrouve ainsi presque une centaine de ses références-produits, aux côtés de ceux de la Société de production des Huiles de Bourbon, Grand Sud Production, Drinks Distribution, la SARL Chan Ou Teung, Réunimer, la Société Industrielle du Nord, EMR, Réuni PUB, ou encore Bolloré Logistics.
90% d’importation.
Si aujourd’hui le catalogue existe et qu’il est distribué à plusieurs retailers aux Seychelles, aucune commande n’a eu lieu pour l’instant. En cause ? “Le manque de devise étrangère dans le pays qui les empêche de pouvoir honorer un quelconque engagement” explique Kévin Thémyr, chargé de coopération économique Seychelles-Réunion. Actuellement, les Seychelles sont encore en difficulté face à l’épidémie de Coronavirus. Les touristes manquant à l’appel, les devises étrangères également, or, c’est ce dont a besoin le pays pour importer les produits de consommation qui représentent 90% de ce qu’utilise la population locale.
Ce n’est donc qu’une question de temps, avant que le premier container de marchandise ne parcoure les 1.826 kilomètres qui séparent les deux îles. Le Club Export, en la personne de Kévin
Thémyr, est confiant sur ce nouveau partenariat entre La Réunion et les Seychelles. “Ils ont apprécié le catalogue, dans sa forme et dans l’effort de solidarité dont on fait preuve” poursuit le coordinateur. Un point capital, quand on sait qu’en face, les concurrents viennent de l’Afrique du Nord.
L’export vers l’Afrique.
“Ce premier catalogue va nous permettre également d’avoir une base afin de pouvoir démarcher les autres pays de la zone Océan Indien”, envisage Laurent Lemaitre. Pour le président du Club Export, aucune raison que cette initiative ne soit pas déployée ailleurs, en coordination avec Madagascar par exemple, ou pourquoi pas le Kenya, la Tanzanie et l’Afrique du Sud.
Pour le Club Export, l’enjeu est de pouvoir diversifier l’offre d’exportation depuis La Réunion, “se lancer” à la conquête de l’ailleurs. Cette initiative est également l’occasion d’identifier un marketing territorial, grâce à des produits groupés sous une même étiquette : “Île de La Réunion”.
“Cette demande de la part des Seychelles a enclenché une réflexion sur l’identité commerciale que doit porter le territoire dans la zone, poursuit le président du club, comment faire valoir la culture et le savoir-faire péi”.
Valoriser le savoir-faire.
D’autant que ces pays “ont très peu de supermarchés et également des produits non diversifiés, qui plus est, venant de l’étranger” intervient Kévin Thémyr. Y intégrer des produits de qualité est une occasion pour l’île de faire connaître et de transmettre son savoir-faire, “mais aussi de pérenniser l’économie régionale” insiste Laurent Lemaitre.
Pour l’instant, l’essentiel des produits présentés dans le catalogue sont issus de l’agroalimentaire, comme les conserves, les boissons, les poissons surgelés, etc., mais “on peut très bien imaginer des produits issus de l’artisanat et des produits d’exception” s’enthousiasme Laurent Lemaitre. À cet effet, le Club Export vient de signer un partenariat avec la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de La Réunion (lire encadré). L’appel est donc lancé.
Si une partie de l’avenir du territoire doit se faire à l’export, il faut aider les professionnels à s’organiser