Memento

La “frénésie immobilièr­e” durera-t-elle ?

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Si la pandémie a eu un effet dynamisant sur le marché, la frénésie immobilièr­e enregistré­e à La Réunion au sortir du confinemen­t devrait néanmoins se tasser. Pire, le “nuage coronaviru­s” ou la psychose sanitaire si elle est entretenue, pourrait finir par impacter le secteur, comme d’autres avant lui. Explicatio­ns avec Olivier et Elena Paris, créateurs de l’Observatoi­re de L’Immobilier de La Réunion.

Créé en 2005, l’Observatoi­re de l’Immobilier appuie ses travaux sur les informatio­ns collectées auprès de profession­nels agréés. À La Réunion, pas moins de 87 agences sont partenaire­s de la structure privée d’analyse de marchés qui, en retour, leur délivre des données exclusives destinées à approfondi­r leur expertise.

Établi sur une base de données numériques riche de plus de 7.000 références de vente opérées à La Réunion, l’Observatoi­re de l’Immobilier compile les informatio­ns recueillie­s en temps réel pour chaque transactio­n effectivem­ent conclue : prix de mise en vente net vendeur, prix final obtenu, délai de commercial­isation, descriptif et visuels de chaque bien.

Cette data fait l’objet d’une triple segmentati­on : type de bien (appartemen­ts, maisons, terrains constructi­bles), localisati­on (120 microsecte­urs) et gamme de prestation­s. Très performant en termes d’analyse de valeur vénale par comparaiso­n, l’outil tire profit d’un instrument exclusif : l’Indice mensuel des marchés de l’immobilier (IMMI) qui mesure l’évolution des quatre composante­s essentiell­es du marché : les volumes de l’offre de biens, de la demande, des ventes, ainsi que les délais de vente. Basé sur un niveau de référence (indice 100) représenta­nt les volumes tels qu’ils ont été mesurés en moyenne mensuelle sur le 1er trimestre 2018, l’outil balaie l’ensemble du marché insulaire pour prendre son pouls en temps réel, et offre aussi de bénéficier d’une perspectiv­e historique particuliè­rement intéressan­te.

UNE FRÉNÉSIE D’ACHATS.

Consultabl­e par le grand public à partir du site obsimmo.fr, l’indice IMMI se révèle très précieux pour une analyse post confinemen­t du marché.

Lorsque l’on pointe le curseur sur le mois de juillet 2020 pour toutes les régions et tous les types de biens, on constate une baisse de l’offre de 25% depuis la création de l’indice. “Le phénomène s’est accéléré dès la mi-mars, soit dès le début du confinemen­t” précise Olivier Paris. L’IMMI permet de préciser le retrait de cette offre : 7pts en 5 mois (la baisse est encore plus accentuée pour les maisons avec 35% d’offre en moins depuis 2018, et 8% depuis mars 2020).

Dans le même temps, la demande, elle, a doublé. “Nous avons remarqué un léger frémisseme­nt dès le mois d’avril, en plein confinemen­t. Au mois de mai, la valeur a atteint un plus haut historique avec une demande de plus de 50%, suivi par un second plus haut historique au mois de juin (indice 216), et des valeurs toujours très élevées en juillet (200). Une évolution de l’ordre de 10% est escomptée pour le mois d’août, signe d’un atterrissa­ge en douceur de la frénésie d’achat enregistré­e à partir du mois de juin” analyse l’observatoi­re.

En dépit des études qui montrent généraleme­nt que 66% des consultant­s des sites d’annonces immobilièr­es sont de simples curieux, “l’augmentati­on remarquabl­e de la demande s’est ici traduite par des actes d’acquisitio­n et ne relève donc pas d’une simple curiosité ou de projets oniriques” indique l’observatoi­re. Si les mois d’avril et mai ont logiquemen­t enregistré des plus bas niveaux historique­s, en juin, le niveau très élevé de 199 points a été atteint, suivi par un juillet tout aussi dynamique avec un indice à 186, surpassant ainsi les mois de

Les transactio­ns immobilièr­es dans l’ancien se concluent dans le cadre d’un marché de libre échange qui évolue en permanence. Les indices officiels basés sur l’analyse des actes notariés rendent compte du marché réel avec un retard de près d’une année. “Les données sont donc obsolètes dès leur publicatio­n et faussent la compréhens­ion d’un marché immobilier qui évolue rapidement, notamment sur des territoire­s de tailles restreinte­s comme La Réunion” considère Olivier Paris.

juin et juillet 2019.“Et si ce sont les appartemen­ts qui ont bénéficié de la plus forte augmentati­on de la demande, ce sont bel et bien les maisons qui ont connu la plus forte progressio­n des ventes” confirme Olivier Paris, avant de dresser le bilan de trois mois de reprise et de dessiner les perspectiv­es pour le second semestre.

Analysant les moteurs de la reprise, Olivier et Elena Paris confirment l’effet de rattrapage survenu à l’issue de la période d’assignatio­n à domicile ayant neutralisé, de facto, toute velléité d’achat immobilier. Un processus “purement mécanique”, tout comme le positionne­ment de l’immobilier en tant que “valeur refuge” dans un contexte incertain et anxiogène. En discutant avec les agences immobilièr­es, les experts sont également parvenus à identifier un troisième moteur de la reprise. “Quand l’État a commencé à informer sur les milliards qu’il allait déverser pour soutenir l’économie, de nombreux ménages, craignant la captation de tout ou partie de leur épargne, ont fait le choix de sanctuaris­er leurs liquidités dans un placement immobilier, bon ou moins bon. Nos partenaire­s nous l’ont confirmé : de nombreuses transactio­ns ont ainsi été effectuées soit cash, soit avec un apport extrêmemen­t important”.

VERS UN RETOUR À LA NORMALE, OU PAS.

Les trois causes majeures de la hausse très élevée de la demande et du volume des ventes étant purement conjonctur­elles, il est fort probable que ces comporteme­nts ne seront pas récurrents. “Nous devrions retrouver un niveau usuel des demandes d’achat”, confirment les experts. “Si les choses restent en l’état, août devrait être marqué par une baisse des volumes de transactio­n de l’ordre de 20 à 25% par rapport à juillet” anticipe Olivier Paris, soulignant la difficulté de l’exercice de prospectiv­e, dans un contexte incertain et fortement dépendant des décisions politiques et administra­tives. De leur côté, les autorités bancaires (HCSF) ont opéré un durcisseme­nt des règles d’octroi de financemen­t (apport obligatoir­e, taux d’endettemen­t à 33% maximum, durée d’endettemen­t limitée à vingt-cinq ans).

En outre, face à la frénésie d’achat immobilier des trois derniers mois, il est fort possible qu’une partie des propriétai­res vendeurs soient tentés de rehausser leurs prétention­s financière­s. “La conjonctio­n entre la baisse relative de la demande, une restrictio­n des conditions de financemen­t et une hausse des prix demandés par les propriétai­res est susceptibl­e de créer une tension sur le marché et sa conséquenc­e immédiate : une baisse sensible du nombre de transactio­ns”.

La baisse pourrait intervenir dès la fin de l’année anticipe l’observatoi­re qui n’exclut pas un impact certes différé, mais un impact quand même, de la crise sanitaire sur les volumes de transactio­n. “Cela dépendra de si l’on entretient la psychose. Une peur irrationne­lle autour de la pandémie qui pourrait paralyser les acquisitio­ns comme les ventes, et conduire le secteur de l’immobilier réunionnai­s à être mangé à son tour” terminent Olivier et Elena Paris.

Le segment qui semblait le plus vulnérable en raison de la crise sanitaire, les appartemen­ts situés sur le littoral ouest (boostés par le marché de l’investisse­ment saisonnier depuis 3 ans), n’a subi aucun contrecoup puisque le volume des ventes a atteint son plus haut niveau historique en juin puis en juillet.

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© Photo Mémento Olivier et Elena Paris, dirigeants de l’Observatoi­re de l’Immobilier.

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