Memento

Gilles Fontaine : Un pirate Saint-Paulois

On parle beaucoup des capitaines de piraterie, moins souvent des matelots.

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“Évoquer Gilles Fontaine plutôt que la Buse a du sens à La Réunion puisqu’il y est né. Engagé en piraterie durant 5 ans, il a participé à de grandes batailles aux côtés de pirates illustres en leur temps” explique Christian Desseigne. Le spécialist­e des navires et des naufrages consacre au pirate créole l’une des nombreuses conférence­s organisées tout du long de l’année par la Confrérie des Gens de la Mer.

Qui était Gilles Fontaine ?

Gilles Fontaine est né le 16 février 1679 à St Paul. Son père, Jacques Fontaine dit “le parisien”, arrive en juillet 1665 à Bourbon, sur le navire de la Compagnie des Indes orientales Françaises : le Taureau. Il est menuisier de métier. “À l’époque, ne débarquaie­nt à La Réunion que ceux qui avaient un métier nécessaire à l’épanouisse­ment de la colonie” rappelle Christian Desseigne. Avec son épouse, une Malgache arrivée en 1671 à Bourbon, il aura neuf enfants parmi lesquels Jeanne, épouse de pirate.

Soif d’aventure et de fortune !

L’arrivée en 1701 dans la famille Fontaine, d’Eustache Leroy, pirate rescapé d’un navire-forban, est peut-être à l’origine de l’engagement de Gilles Fontaine dans la flibusteri­e.

Comme tous les pirates, Eustache Leroy est un bon parti. “À l’époque de la Compagnie des Indes, Il n’y avait pas d’argent sonnant et trébuchant à La Réunion. Les seuls à pouvoir payer (et non troquer) les marchandis­es, c’étaient les pirates” rappelle Christian Desseigne.

Au-delà de l’appât du gain, c’est aussi peut-être tout simplement pour étancher sa soif d’aventure que le jeune Gilles Fontaine s’engage, en avril 1701 en compagnie de quelques créoles, sur le sloop de John Bowen. Direction Madagascar où la fine équipe parvient à mettre la main sur un Brigantin français et un navire de la compagnie écossaise des Indes britanniqu­es : le Speedy Return.

Des prises obtenues de nuit, par simple ruse. Dans l’imaginaire collectif, un abordage est forcément un évènement sanglant. Il y en a eu effectivem­ent, et Gilles Fontaine y a participé, mais le plus souvent possible, pour éviter d’être blessés ou tués, les pirates s’arrangeaie­nt pour prendre le bâtiment convoité par la filouterie.

5 années de flibusteri­e

L’équipage est désormais à la tête de deux bâtiments. À la tête du Speedy Return, John Bowen fait route vers Saint-Paul dans l’objectif de s’emparer du Corbeau, qui lui a été signalé. Ce dernier n’étant pas là où escompté, l’équipage profite de l’escale

pour faire le plein de vivres. “Les pirates ne volent pas, ils achètent les denrées à la population, bien contente de pouvoir récupérer un peu d’argent, même si la pratique demeure interdite” explique le conférenci­er.

Le fait que les bâtiments pirates n’étaient inscrits dans aucun port et n’embarquait aucun écrivain de bord complique la tâche des historiens qui ne disposent que de bribes pour remonter le temps. Si les zones d’ombres restent nombreuses, on trouve néanmoins de nombreuses traces de l’activité du pirate Gilles Fontaine dans l’océan indien.

A la Noël 1702, il est à bord du Speedy Return dans la région des Comores.

En mars 1703, en rade de Mayotte et sous les ordres de Bowen, il participe à l’abordage du Penn Brock.

En avril 1704, à bord du Défi, un bâtiment d’une capacité de 64 hommes et 56 canons, pris au large des côtes indiennes et qui vient remplacer le Speedy Return vieillissa­nt, Gilles Fontaine fait de nouveau route vers Bourbon. Un retour qui signera la fin de la carrière de Bowen.

Désormais sous le commandeme­nt de Thomas White, Gilles Fontaine opèrera encore à de nombreuses prises, dont celle du Malabar, un vaisseau de 1000 tonneaux enlevé une nouvelle fois à l’abordage et qui viendra remplacer le Défi fortement endommagé. Après avoir arraisonné un navire portugais, un bâtiment anglais, puis un ketch, c’est à bord de la Dorothée ou Dorothea que Gilles Fontaine rentrera à Bourbon où, à son tour, il rangera son sabre.

Retour à Bourbon

Le 18 décembre 1706, le pirate Saint-Paulois retrouve sa terre natale et entame sa vie de colon, appuyé sur un magot de 2000 écus, une fortune amassée durant 5 années de piraterie.

Le 8 février 1707, il épouse Françoise Lauret, alors âgée de 16 ans, avec qui il aura 9 enfants. En 1722, Gilles Fontaine obtient, en échange de la terre saint-pauloise dont il a hérité, une concession au Gol et commence à planter des caféiers. En 1729, alors qu’il attend sa première belle récolte, arrive de Madagascar un navire marchand duquel débarquero­nt des esclaves, en même temps que la variole… L’épidémie sera l’une des plus importante­s de La Réunion. Gilles Fontaine mourra “à son habitation” le 1er juin 1729 et sera enterré, dès le lendemain, au petit cimetière du Gol. Son épouse, malgré toutes les précaution­s prises, décèdera le 30 juin. Au total, l’épidémie emportera 10 membres de la famille Fontaine.

À l’époque de la Compagnie des Indes,

Il n’y avait pas d’argent sonnant et trébuchant à La Réunion. Les seuls à pouvoir payer (et non troquer) les marchandis­es, c’étaient les pirates

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Dans l’imaginaire collectif, le pirate, c’est Jack Sparrow. “Dans les faits, la piraterie est très différente” confirme Christian Desseigne. À l’occasion du tournage du docu-fiction “La Buse, l’or maudit des pirates”, le chargé de recherches de La Confrérie des Gens de La Mer a endossé le costume avec davantage de réalisme.

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