Le Coco n’a rien d’une économie à la noix
La noix de coco est devenue pour de nombreuses îles et territoires un enjeu économique. Jamais elle n’aura connu un tel engouement, les cours s’enflamment et les productions s’étendent… sauf à La Réunion où pourtant un homme se bat pour que l’on reconnaisse ce fruit à sa juste valeur.
Imaginez un végétal à partir duquel on pourrait à la fois faire de la farine, du sucre, de l’huile, des chips, du lait, du paillage, de la fibre isolante, et même de l’artisanat. Impossible ? Et pourtant, il s’agit tout simplement du cocotier, dont chaque partie, de la racine à la feuille, est exploitable et rentable, “or c’est une économie boudée” à La Réunion, regrette Didier Solesse, responsable technique de la Maison du Coco à Saint-Leu.
UN ARBRE ORNEMENTAL.
Pour Didier Solesse et sa femme, tout commence en 2006, lorsqu’ils reprennent le domaine de la Pointe des Châteaux et décident d’en faire une ferme pédagogique, un verger créole et un jardin des aromates. Sur la dizaine d’hectares, ils plantent aussi des cocotiers, et très vite ils se rendent compte du potentiel économique de l’arbre fruitier et de ses produits transformés.
Quatre ans plus tard, c’est la naissance de la Maison du Coco qui met en avant cette espèce de palmiers si représentatifs des îles, et pourtant si peu visibles à La Réunion. “La Réunion ne compte que deux cocoteraies et aucune filière, reprend le responsable des lieux. Ici le cocotier est ornemental et il sert surtout aux hindous”. Le fruit symbolise pour ce peuple l’offrande la plus pure faite aux dieux (lire encadré).
UN PROCÉDÉ UNIQUE EN EUROPE.
Mais les époux Solesse, eux, veulent construire autour de ce fruit un agrotourisme, riche d’expériences. Ils investissent alors dans une presse manuelle qui produit de l’huile de coco vierge. “L’outil ne demandait aucune autre énergie fossile que la force humaine et permettait un procédé de DME – direct micro expelling, pour en tirer une huile extra-vierge*, faite en moins d’une heure” explique Didier Solesse. Le pari est réussi puisque très vite, la Maison du Coco devient l’activité touristique par excellence à Saint-Leu.
Mais hélas, La Réunion n’a rien à voir avec le Brésil ou encore la Polynésie française qui ont su mettre en place une vraie filière du coco. Ici, la production est minime, infime et de fait, le prix du coco est cher, très cher. Deux problèmes en résultent : la production est insuffisante pour répondre à la demande des clients de la Maison du Coco, et les produits transformés sont jugés trop coûteux par rapport aux produits importés qui se retrouvent sur le marché local.
UNE FILIÈRE INEXISTANTE.
Une réalité qui attriste Didier Solesse, d’autant “que la Maison du Coco est le seul producteur en Europe à faire de l’huile de coco extra-vierge en DME” insiste-t-il. Tous les autres départements d’outre-mer qui en produisent le font sous forme d’huile de coprah, où il y a beaucoup plus d’oxydation à l’air et qui donc perd en qualité. Un temps, Didier Solesse a envisagé de se tourner vers Madagascar pour se fournir en cocos, mais l’ambition première est de sensibiliser les agriculteurs et les chambres consulaires de l’île au potentiel économique des cocotiers.
Les seules cocoteraies de l’île sont centenaires et n’ont jamais évolué (Étang Saint-Paul, SaintLouis et Sainte-Rose), la filière non structurée, or, il existe un vrai potentiel à développer le palmier sur l’île. “Dans une période où l’on parle de chômage et de diversification de l’agriculture, les cocotiers s’imposent comme une solution”, assure Didier Solesse.
2 FOIS PLUS RENTABLE.
Ils se plantent jusqu’à 400 mètres d’altitude et à moins de 400 mètres de la mer, et, l’espacement de 15 mètres entre chaque spécimen permet de conserver une seconde culture (cannes à sucre, ananas, etc.). “Quelques centaines d’hectares suffiraient”, estime le responsable technique, qui lui n’exploite aujourd’hui que deux hectares sur son domaine. Pour la variété, il conseillerait les hybrides d’Hawaï, rentables 4/5 ans après plantation, bien plus rentables que le Bleu de SaintPaul par exemple, avec lequel il faut attendre plus de 10 ans avant d’en recueillir les fruits.
Pour l’heure, Didier Solesse patiente encore pour ses rêves de production industrielle, il se contente de sa petite production et voit la Maison du Coco comme une activité pédagogique, ludique, qui montre le potentiel du coco et de ses produits transformés. Pourtant, rien que pour le sucre, les chiffres auraient de quoi convaincre : un hectare de cocotier produit 2 fois plus de sucre qu’un hectare de cannes.
UNE ÉCONOMIE DURABLE.
D’autant que le cocotier possède une forte valeur ajoutée, un fort pouvoir sucrant, mais un très fiable indice glycémique. L’ONU l’a même déclaré “sucre durable”, puisqu’il est très peu gourmand en intrants chimiques et son rendement est bien plus élevé que les autres sources sucrières. De plus, rien n’est détruit dans le processus, les cocotiers restent en place et continuent à donner des bourgeons qui servent à faire soit du sucre, soit des noix de coco.
Miser sur l’agrotourisme plutôt que sur l’agroalimentaire semble être une alternative payante pour Didier Solesse. La Maison du Coco consiste ainsi en un atelier participatif autour du cocotier, à la découverte des secrets du palmier et de son fruit. Les visiteurs apprennent à râper, éplucher, faire du lait de coco, récolter l’eau et même concocter un punch coco maison. Il y a également une initiation au tressage et une présentation de tous les produits dérivés et transformés. Grâce à ce positionnement atypique, Didier
Solesse et sa femme ont réussi à faire de la Maison du Coco l’une des activités touristiques les plus incontournables de l’ouest de l’île en terme d’agrotourisme, et à redonner ses lettres de noblesse à ce fruit, encore aujourd’hui boudé par l’économie de La Réunion. Mais le responsable technique n’a pas perdu espoir de créer une filière et une réelle économie du coco à La Réunion, et lance en conclusion que “dans une ère où l’économie se pense sous le prisme du développement durable, le cocotier en est le symbole”.
*La noix de coco est râpée, séchée et pressée en moins d’une heure, ce qui réduit au maximum son oxydation à l’air et permet de conserver une qualité exceptionnelle.