50 ans L’âge d’or du Mémento
Le magazine économique Le Mémento existe depuis 1971. S’il est toujours publié cinquante ans plus tard, malgré les crises successives de la presse écrite et les difficultés économiques qu’a connu l’île de La Réunion, c’est avant tout grâce à la détermination et la volonté d’une femme, Catherine Louapre, sa fondatrice ; et au désir de son fils, Georges-Guillaume Louapre-Pottier, de faire perdurer l’héritage familial. Récit.
Île de La Réunion, 1968. EDF inaugure la centrale hydraulique de Takamaka en présence de Michel Debré, ministre des Finances et Olivier Guichard, ministre de l’Industrie. À cette époque, le Boulevard Sud n’était que des maisons “en bois sous tôle”, des cases SATEC, Prisunic, premier supermarché de l’île, règne au centre de la rue Maréchal Leclerc, etc. C’est l’époque de l’exode rural pour le département, d’une société en mutation.
1968, l’installation des Louapre-Pottier
C’est dans ce contexte, en 1968 que Catherine Louapre (née Pottier) débarque à l’île de La Réunion, alors âgée de 25 ans. Quelques mois auparavant, elle s’est mariée avec Roger Louapre, un cadre expatrié qu’elle a rencontré à Paris, alors qu’il revenait d’un séjour de dix-sept ans au Sénégal. “Il aspirait à poursuivre sa carrière professionnelle en France, mais il n’ignorait pas qu’il aurait du mal à se réadapter aux us et coutumes de l’Hexagone” raconte leur fils, GeorgesGuillaume Louapre-Pottier.
C’est ainsi que Roger Louapre postule en vue d’un poste en Outre-Mer et devient le nouveau directeur administratif et financier de Ciments de Bourbon (devenu Holcim), accompagné de sa jeune femme. En l’épousant, Roger Louapre sait qu’il a scellé son destin avec celui d’une demoiselle au caractère bien trempé. L’avenir lui donnera vite raison.
La presse des deux camps
Quand elle débarque à La Réunion, Catherine Louapre-Pottier est tout à la fois séduite et stupéfaite : il y a d’un côté cette culture créole, foisonnante, bruyante, remplie de couleurs et de senteurs, que, par la suite, elle tentera de promouvoir chaque fois que l’occasion s’en présentera, et de l’autre côté le calme qui plane sur l’île en matière de presse et surtout d’activité publicitaire.
Alors qu’à Paris les médias foisonnent, ici, il n’existe encore que deux journaux : Témoignages, lancé en 1944 par le docteur Raymond Vergès, et le JIR, le Journal de l’Île de La Réunion, qui parait pour la première fois en 1951. Ce quotidien que son fondateur, Fernand Cazal, qualifiait d’apolitique, fut longtemps considéré comme un des moyens de communication de la droite locale, face aux communistes de Témoignages. Il faudra attendre 1976 pour qu’un troisième journal, Le Quotidien de La Réunion, vienne briser cette bipolarité. À ce moment- là, Catherine Louapre-Pottier a déjà prouvé que le premier magazine économique de l’océan Indien avait sa place dans le paysage réunionnais.
La Réunion, essor économique et social
En cette fin des années soixante, ce qui se pratique à La Réunion en matière de publicité reste très éloigné de ce qui se fait en Métropole. On ne peut d’ailleurs guère parler véritablement de création publicitaire, la mode étant encore à la “réclame”. Une seule régie, Havas, vend des espaces publicitaires, en intervenant essentiellement pour le compte de ce qui est encore une délégation en Outre-Mer de l’ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française), l’ancêtre de Réunion La Première.
Cependant, le monde économique local frémit d’un souffle nouveau, d’autant que la stature de Michel Debré, élu député de la première circonscription de La Réunion en 1963 (mandat qu’il conservera jusqu’en 1988) contribue à faire connaître l’île au niveau national. “Ma mère avait eu l’occasion de rencontrer Michel Debré. Elle le considérait comme un Monsieur qui avait beaucoup oeuvré pour le développement de La
Nous sommes des privilégiés qui vivent leur passion à travers leur métier. C’est une chance, mais nous avons su la saisir ou, peut-être, la créer
Catherine LOUAPRE-POTTIER Fondatrice du Mémento
Réunion”, précise Georges-Guillaume LouaprePottier. Michel Debré signera d’ailleurs un texte d’une page, intitulé “Essor économique humain et social de La Réunion”, dans le premier numéro du Mémento Industriel et Commercial Réunionnais.
Création et naissance d’un magazine
“En cette année 1971, 25e anniversaire de la départementalisation de La Réunion, le bilan du développement de notre département est largement positif ”, analyse en préambule le député et ministre d’État, chargé de la Défense Nationale. “L’île de La Réunion est en pleine transformation économique, humaine et sociale”. Il évoque ensuite les secteurs qui bougent : l’agriculture qui se diversifie ; les “opérations d’industrialisation telles que des conserveries de poissons” en cours de réalisation et celles qui sont discutées (il cite les projets d’une raffinerie, d’une minoterie et d’une huilerie); le tourisme “qui n’en est qu’au stade de démarrage”, mais qui “doit bientôt prendre un plein développement”; l’essor de l’enseignement technique et de la formation professionnelle.
Adoptant un raisonnement similaire à celui de Michel Debré, Catherine Louapre-Pottier sent que l’île se métamorphose, qu’elle se trouve à un tournant qui dessinera son avenir. Pourquoi ne pas accompagner cette évolution en mettant en lumière ses acteurs, ceux qui bâtissent le futur du département ? Son projet mûrit. Elle songe à lancer un magazine économique, aucune publication de ce type n’étant éditée dans la zone. Il y a un créneau à occuper et, qui plus est, un créneau qui l’intéresse. “À dire vrai, la presse technique et féminine me rassure, me passionne. Cette bestiole, en vérité, je l’aime”, confiera-telle dans une interview parue dans le numéro 110 du Mémento.
Une “Une” en bichromie Son mari l’encourage et son père l’épaule: c’est lui qui trouve un titre à ce nouveau magazine. Ensemble, ils déposent cette “marque” : Le Mémento Industriel et Commercial Réunionnais ne tardera pas à devenir une réalité de papier. Parallèlement et toujours soutenue par son père, Catherine Louapre-Pottier monte, dès octobre 1970, les Éditions du Kapokier, entreprise de presse qui éditera le Mémento. Le premier numéro de ce nouveau magazine sort en décembre 1971.
La “Une”, en deux couleurs (noir et bleu), annonce : “Expansion industrielle de La Réunion: l’usine des Ciments de Bourbon”, à côté d’une photo des “nouveaux silos” de ladite usine. Cependant, le reportage consacré au “Ciment Volcan” fabriqué par Ciments de Bourbon ne sera inséré que dans le numéro 2 du Mémento, qui, plus généralement, réservera une large place au BTP : salon Batimat, coup de projecteur sur les matières plastiques dans l’industrie du bâtiment, articles sur le bagapan, l’entreprise Tomi ou encore SOPECO, “la première fabrique de peintures à La Réunion”, etc. C’est un vaste tour d’horizon qui sera promis aux lecteurs.
A4, 56 pages, 300 francs CFA Mais revenons au premier numéro. Vendu 300 francs CFA à La Réunion, ce magazine au
format A4 s’étale sur 56 pages. Sa ligne éditoriale se résume en une incitation, que l’on retrouve dans les dernières pages : “En vous abonnant au Mémento Industriel et Commercial Réunionnais, en nous confiant votre promotion, vous participez à la promotion des intérêts économiques de La Réunion”.
Seules la couverture et la quatrième de couverture bénéficient d’un traitement en deux couleurs, le reste est imprimé en noir et blanc. Directrice et rédactrice en cheffe, tandis que son père assume les postes d’éditeur délégué et de directeur de la publication, Catherine Louapre-Pottier réussi un premier numéro remarquable, soigné et fourni.
Michel Debré, un parrain Michel Debré, déjà cité plus haut, se fait en quelque sorte le parrain du magazine. “Il était bon qu’un organe d’information sérieux et documenté tel que le Mémento Industriel et Commercial Réunionnais se mette au service de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité locale et qui s’attachent au développement économique, social et culturel de l’île”, écrit-il.
“Cette revue vient opportunément jouer un rôle de liaison, de diffusion et d’incitation, en un moment où La Réunion va connaître un regain d’activités, dont la trame doit s’enrichir et se diversifier. Elle apporte ainsi une contribution à l’oeuvre de progrès poursuivie par les pouvoirs publics dans le département et, à ce titre, elle mérite ma sympathie et mes encouragements pour une pleine réussite”, poursuit-il.
Des articles de plus en plus pointus
Le Memento peut également se prévaloir d’un correspondant à New York (le directeur sur place du bureau d’Inter Flash Publicité), Jean Callewaert, qui se fend d’un article titré “Dirigeant, qui es-tu ?”. Les pages suivantes se penchent sur “Les révolutions du commerce – Prospectives pour les 15 ans à venir”, sous la plume de Maurice Pariat, de l’Académie des Sciences Commerciales. À ces analyses s’ajoutent des papiers traitant de l’actualité nationale et locale dans divers domaines.
Ce premier numéro constitue le début d’une aventure que le microcosme économique observe avec des regards quelque peu narquois. Qu’une jeune femme d’à peine 28 ans puisse écrire, faire des photos, monter une revue innovante, le tout alors qu’elle vient de mettre au monde son deuxième enfant, GeorgesGuillaume (né en avril 1971). Il n’y a pas grandmonde pour miser sur le succès de cette initiative ! Pourtant, le magazine peu à peu s’enracine dans l’univers de la presse locale. 4 numéros en 1972, puis, en 1973, seulement 2 en 1974, mais 6 en 1975, puis à nouveau 4 en 1976.
Plumes extérieures et thématiques diverses
Jusqu’en 1973, on retrouvera encore quelques plumes extérieures, Pierre Lagourgue, président du Conseil Général (ancien Département), évoque, par exemple, “Le secteur industriel et le problème de l’emploi à La Réunion” dans le numéro 2 tandis que Georges Pottier rédige un papier sur “L’expansion à la Japonaise, ou comment conduire un pays vers la prospérité en défiant toutes les lois de la politique financière”.
Cet apport tendra ensuite à se raréfier. Le bâtiment, la construction et les travaux publics dans le développement économique de La Réunion, ainsi que des focus sur les usines fourniront les éléments principaux des numéros 2, 3 et 4. Puis, viendra le temps des pubs en “Une”, avant que le Mémento se reconcentre, allant jusqu’à vouer l’ensemble de chacun de ses numéros à une seule thématique : agriculture, foire de BrasPanon, commerce, industrie, BTP, bureautique et informatique, tour automobile, transitaires et transports. “Ma mère ambitionnait de promouvoir l’industrie et le commerce à La Réunion, sans verser dans la polémique. C’est un fil conducteur qui nous guide encore aujourd’hui”, commente Georges-Guillaume Louapre-Pottier.
Il était bon qu’un organe d’information sérieux et documenté tel que le Mémento Industriel et Commercial Réunionnais se mette au service de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité locale et qui s’attachent au développement économique, social et culturel de l’île
Michel DEBRÉ
Un “Madame Mémento” Dès le numéro 8 (1973), Catherine Louapre-Pottier introduit un élément qu’elle estimait de la plus haute importance : un supplément “Madame Mémento” qui se résume alors à 16 pages de shopping. La fondatrice du Mémento mettra par la suite en exergue l’implication des femmes dans la vie économique de l’île, en proposant des numéros entiers baptisés “Madame Mémento” qui adopteront cette devise – reprise en sommaire du numéro 26, sorti fin 1977 : “Le cerveau n’a pas de sexe”.
Quant à la couleur, elle fera d’abord sporadiquement son apparition, avec notamment une “Une” en quadri exceptionnelle pour le numéro 4, ainsi que l’insertion de publicités d’abord en deux couleurs, puis en quadri, le reste demeurant dans un premier temps en noir et blanc. La quadri s’installera peu ou prou régulièrement en Une à partir de 1975 et, en pages intérieures, à partir de 1995 (et du numéro 170). Parallèlement, de plus en plus, Catherine Louapre-Pottier associera sa revue à des évènements qui marqueront de leur empreinte l’essor et la modernisation de l’île.
Impression et périodicité
Fin 1977, la directrice du Mémento se débrouille pour que le magazine soit imprimé à La Réunion. Elle signe, pour ce faire, un partenariat avec AGM. Cette collaboration s’opère dans un premier temps en alternance, le Mémento persistant jusqu’en 1980 à recourir plus ou moins ponctuellement aux services de l’imprimerie Portier.
De fait, la périodicité de la revue augmente : 7 numéros en 1977, 5 en 1978 et 1979, 8 en 1980. Les années suivantes, le magazine paraît en moyenne 9 fois par an (parfois plus, 12 numéros en 1989 par exemple). Dès 1982, le mot “bimestriel” disparaît d’ailleurs de la “Une”. À partir de 1986, le Mémento se définit comme “La première revue économique internationale de La Réunion et de l’océan Indien”. Le fait est que, peu à peu, le magazine élargit ses horizons en s’intéressant aussi à l’actualité économique des îles et pays alentours.
Aux côtés des faiseurs
Dans le même temps, Catherine Louapre-Pottier multiplie les initiatives auxquelles elle associe son magazine, qu’elle considère comme son sixième bébé (à Wilhelmine et GeorgesGuillaume, se sont joints Napoléon, en février 1973, puis, Jérôme, en septembre 1974. En collaboration avec Paul Moreau, le maire de BrasPanon, elle contribue à créer la première foire agricole et commerciale de La Réunion.
Toujours prompte à soutenir les projets qu’elle estime porteurs pour La Réunion, Catherine Louapre-Pottier est également aux côtés de Jean-Marc Péquin lorsque celui-ci décide d’orchestrer le premier salon de l’informatique. Ce fut à Saint-André, ville qui avait montré des dispositions de pionnière en procédant à son informatisation dès 1978, que le premier “Mini-Salon du Micro-ordinateur” se déroula, du 12 au 15 décembre 1980. L’année suivante, il fut rebaptisé “Salon de la bureautique”, dénomination qu’il conserva jusqu’à ce qu’il devienne “Le Cyber”, en 1996.
Un fort investissement dans la vie économique
Ce désir d’accompagner la métamorphose de l’île, elle l’appliqua en imaginant et en menant à terme des initiatives originales et avant-gardistes. Ainsi lança-t-elle les Trophées du Mémento pour distinguer des chefs d’entreprise dynamiques. Dans le même temps, elle milita activement pour l’entreprenariat des femmes et implanta l’association “Femmes Chefs d’Entreprises”, la FCE, à La Réunion.
Son activisme ne valut pas que des admirateurs à Catherine Louapre-Pottier. Ses détracteurs, sans être légion, exigeaient parfois d’elle qu’elle se défende plus qu’il ne fallût. Parallèlement, elle dut faire face à de nouveaux concurrents. Très logiquement, elle s’attacha, en réponse, à moderniser son magazine.
Relooké en pages intérieures dès 1989, avec une division plus cadrée des articles (enquête, dossier, portrait, gros plan, têtes d’affiche, etc.), il s’offrit un véritable remodelage pour son vingtième anniversaire et la sortie de son 135e numéro.
20 ans et une première modernisation
Une “Une” plus détaillée, un rédactionnel plus musclé : voilà ce que Catherine Louapre-Pottier propose ce mois-là à ses fidèles lecteurs. “Une maquette entièrement revue, de nouvelles rubriques et davantage d’articles à lire, voilà le cadeau d’anniversaire que le Mémento fait à ses lecteurs pour sa vingtième année d’existence”, se félicite-t-elle dans son édito.
“Le premier magazine économique de La Réunion et de l’océan Indien a vu le jour en 1970, sans grands moyens, sans l’appui d’un groupe de presse, mais avec seulement l’opiniâtreté nécessaire et la volonté clairement affichée de parler des entreprises et de ceux qui les font. Une idée neuve, il y a vingt ans, alors que les journaux de l’époque s’intéressaient surtout à la vie politique et aux faits divers” poursuit-elle.
Ses enfants, ses bras droits
Le fait est que, même si elle se veut une femme d’affaires, même si elle déborde d’activisme pour faire évoluer son magazine, Catherine LouaprePottier se révèle une mère très présente. Ses enfants ayant grandi, elle les implique dans les rouages de son magazine. Wilhelmine devient peu à peu son bras droit. “Ma mère, ayant besoin de quelqu’un de confiance, a décidé de la former”, explique Georges-Guillaume Louapre-Pottier. Wilhelmine se familiarise d’abord avec l’art de la photographie: son surnom “Mimine” apparaît dans l’Ours du Mémento, puis, elle acquiert des notions d’informatique. Elle saisit le fichier clients, lance les premiers mailings.
Georges-Guillaume lui-même n’a pas tardé à être sollicité par sa mère. Aussi peu féru d’études que son aînée, il a interrompu sa scolarité aprèsbac et se définit comme un autodidacte. Adolescent révolté bien que toujours poli, il obéit à sa mère lorsque celle-ci lui enjoint de livrer, à scooter, tel ou tel pli pour le Mémento. “Elle préférait que je travaille pour elle, plutôt que de me laisser discuter sur le trottoir avec les copains”, rigole-t-il.
36.000 francs pour l’avenir informatique
Il décroche son permis de conduire, ce qui lui permet de régulièrement officier en tant que chauffeur de sa mère, assiste à des conférences de presse, puis, se met à arpenter les couloirs de l’imprimerie AGM. Son intérêt pour l’informatique est né. Au début des années 90, il convainc sa mère d’acquérir un Mac IICI noir et blanc. “Cet ordinateur disposait d’à peine 512 ko de mémoire, mais j’avais vu que les imprimeurs étaient calés sur le système Mac et, après m’être renseigné dans des revues spécialisées et des livres, j’étais persuadé que cet investissement pouvait s’avérer rentable” raconte-t-il.
Surtout que, sur cet ordinateur, pouvait être installé un nouveau logiciel : Quark XPress, qui permettait de faciliter grandement la mise en page. “Pour moi, le temps des puzzles, du collage à la main était révolu” poursuit Georges-Guillaume Louapre-Pottier. Le Mac IICI valait plus de 36 000 francs de l’époque: c’était un achat conséquent et Catherine Louapre-Pottier dans l’obligation de souscrire un prêt pour le financer. “Mais peu importait, elle avait réalisé, comme moi, que cette machine incarnait l’avenir”, relate-t-il.
Initiation à la PAO
Pascal Lauret, le maquettiste du Mémento de l’époque, prend les commandes de ce nouvel engin. Georges-Guillaume l’observe dans sa tache de PAO (Publication Assistée par Ordinateur) et, le soir, s’assoie à sa place. Il s’initie sur le tas au fonctionnement de Quark XPress. Dès 1992, il a alors 21 ans, son travail à la maquette, sous la houlette de Mailing Express & PAO Services, est salué dans l’Ours du Mémento.
Après le départ de l’entreprise du maquettiste, il le remplace, tout en continuant à s’occuper des factures impayées et à couvrir des conférences de presse. Début 1996, soit à partir du numéro 184, il hérite du titre de “manager” du magazine, sa mère assumant toujours le poste de “directrice et rédactrice en cheffe” et ainsi que “fondatrice”.
Une farouche envie de poursuivre l’oeuvre de sa mère Le Mémento aurait pu disparaître avec sa fondatrice. Il n’en est rien. De Catherine LouaprePottier, l’on retiendra encore ces quelques mots, qu’elle prononça après avoir reçu le Prix Madame Commerce de France DOM-TOM, fin 1987 : “Nous sommes des privilégiés qui vivent leur passion à travers leur métier. C’est une chance, mais nous avons su la saisir ou, peutêtre, la créer”. Le père, Roger Louapre, le dernier fils, Jérôme et Georges-Guillaume LouaprePottier héritent des actifs.
Le temps de la reprise Georges-Guillaume Louapre-Pottier est un jeune homme obstiné : il ne peut envisager que cette entreprise qu’il juge “passionnante” puisse mourir. Il est têtu et bénéficie d’un soutien qui renforce sa position : celui de son grand-père maternel, Georges Pottier (décédé en 2004). Il faut croire que Georges-Guillaume tient de la fondatrice du Mémento : il baisse d’autant moins les bras qu’on lui annonce des lendemains difficiles. Il fallait apurer certaines dettes.
Entre évolution et réorganisation
Il n’y aura finalement aucune coupure: le numéro 191 du Mémento sort dès novembre 1996. Depuis, le magazine n’a cessé d’évoluer. Son équipe s’est étoffée et son contenu, tout comme son image, se sont considérablement professionnalisés. Ayant, contraint et forcé, repris les rênes du Mémento, GeorgesGuillaume Louapre-Pottier s’attèle, dans un premier temps, à procéder à une réorganisation interne. Il sépare le pôle journalistique du pôle commercial et qu’importe si son équipe ne comporte alors que deux salariés en sus de lui.
Parallèlement, il enfourche ce qui reste aujourd’hui encore son cheval de bataille : s’escrimer à se rapprocher au maximum d’un équilibre entre efficacité, service rendu aux lecteurs et maîtrise extrêmement rigoureuse des coûts. Ainsi que l’explique son épouse, Corinne Louapre-Pottier, il s’attache à obtenir “une visibilité économique sur le long terme” et, du coup, préfère cantonner le Mémento au statut de “petite entreprise familiale” gérée au plus juste, en s’ingéniant cependant à diversifier les activités des Éditions du Kapokier, quitte, parfois, paradoxalement, à nourrir des rêves de grandeur.
Petites économies et grands investissements
En 1997, en tout cas, l’heure, pour lui est aux investissements. Il n’hésite pas à renouveler le parc d’ordinateurs et à acquérir une flasheuse, outils qui, estime-t-il, conditionnent l’ancrage dans l’avenir du magazine. Il crée un parc de véhicules. Il s’évertue à aplanir chaque poste de dépense, s’interroge sur l’utilité et le montant de chaque facture ou presque, tout en s’imposant de maintenir qualité de vie au travail pour ses salariés. Ce sera sa patte et sa méthode pour résister à des concurrents qui ne voient d’abord dans le Mémento, affaibli par une série de tragédies, “un jeune qu’il sera facile de croquer”.
300 : Cure de jouvence
Le temps passe et Georges-Guillaume Louapre-Pottier réussi à se faire le digne successeur de l’entreprise de sa mère, s’épanouissant à son tour dans le rôle de businessman et de père de famille. Il a eu avec Corinne, quatre enfants, Anaïs, les jumeaux Thomas et Guillaume, et Matthieu. En 2006, il y eut, une autre révolution. À l’occasion de son 300e numéro, le Mémento fut entièrement remodelé. Nouvelle maquette, en “Une”, mais aussi en pages intérieures.
“Il fallait passer par cette étape pour que le magazine commence à se débarrasser de son image vieillotte”, reconnaît Georges-Guillaume Louapre-Pottier.
Georges-Guillaume LOUAPRE-POTTIER est un jeune homme obstiné : il ne peut envisager que cette entreprise qu’il juge “passionnante” puisse mourir.
Jérôme LOUAPRE-POTTIER, Directeur de Mailing Réunion, participe et soutient activement Le Mémento depuis toujours. Les fréres ne se sont jamais quittés. Ils collaborent en permanence. Son implication est précieuse.
Dépliant commercial ou revue économique ?
“Il est vrai qu’à partir du moment où j’ai pu obtenir l’impression des pages intérieures en quadri, j’ai probablement abusé de cette possibilité. Je mettais de la couleur partout, sans m’apercevoir que cela conférait au journal une image de patchwork bariolé pas très sérieuse. Je crois que je pâtissais aussi de mon envie de vulgariser l’économie : intéresser le plus large public, c’est le but que je me suis toujours efforcé d’atteindre” confie le rédacteur en chef.
Le Mémento s’offre alors une cure de sobriété. Ne reste plus ensuite qu’à en muscler le contenu, en produisant des dossiers plus complets et en chassant, un stylo à la main, – une mission qui était dévolue à Roger Louapre – les fautes d’orthographe qui, jusque-là, étaient malheureusement légion.
Le Mémento et les projets
Cette formule a depuis prouvé son succès. Le Mémento a creusé son sillon et a trouvé sa place dans la cour des grands. Il s’est ouvert à d’autres horizons, s’est enrichi de nouvelles actualités et a persisté dans ce qui était sa vocation initiale, voulue par sa fondatrice : accompagner l’essor de l’économie locale, à La Réunion, mais aussi dans l’ensemble des territoires d’Outre-Mer. Il fut un temps où Georges-Guillaume Louapre-Pottier ne détestait pas servir sa réputation de passionné capable de coups de tête impulsifs et instinctifs. Il le regrette parfois, mais en approchant de la cinquantaine, il s’est assagi.
Lui s’est toujours défini comme un “assoiffé de savoirs utiles”, qui aime à décortiquer les théories économiques, tout autant que lire des ouvrages historiques, il avoue aujourd’hui “y réfléchir à deux fois” avant de foncer dans un nouveau projet. “Jusqu’à récemment, je fonctionnais beaucoup au feeling, mais j’ai perdu cette sorte d’insouciance. Je me montre beaucoup plus prudent. Du coup, je rigole sans doute moins. C’est ainsi. Je m’impose désormais de mieux ficeler mes projets”, souligne-t-il.
Les classiques et les spéciaux Cependant, réfléchir ne l’empêche pas de persister à agir. Le fait est qu’on a parfois l’impression que cet homme est doué d’un don d’ubiquité et qu’il accumule les expériences comme d’autres collectionnent les bons points. Animé par une logique d’expansion, car, martèle-t-il, il a très vite jugé “qu’un développement régional était primordial pour la croissance du Mémento”, il a tout d’abord décidé d’exporter son magazine vers d’autres régions d’Outre-Mer. Première destination : Maurice.
Puis ce sont les Antilles, et encore après Madagascar et Mayotte. À, l’intérieur, le magazine se repositionne également, chaque numéro, thématique, touche un secteur phare de l’économie : industrie, développement durable, finances, agro-alimentaire, etc., À ces numéros “classiques” se sont ajoutés, au fil du temps, des “spéciaux”, ce qui permet au Mémento de sortir 14 à 15 éditions par an. Le premier d’entre eux à avoir vu le jour est le Manuel des Acteurs de la Communication (le MAC).
Encourager la créativité publicitaire
Parallèlement, le Mémento a assumé un rôle d’organisateur d’évènements qui visent à valoriser et à structurer le monde de la communication à La Réunion. “Le magazine vit, bien entendu, essentiellement de la publicité”, se justifie son directeur. “Si nous pouvons y insérer de belles publicités,
nous ne nous en portons que mieux”. C’est ainsi que la première édition des Créatives a lieu en 2001. Un concours au terme duquel un jury de professionnels décerne des prix aux meilleures campagnes publicitaires des DOM-TOM et de l’océan Indien, et qui se donne pour objectif d’encourager la créativité. On le constate: le rédacteur en chef du Mémento ne s’est pas limité au seul domaine de la presse économique dans la zone. Il a, au contraire, au fil des années, exploré bien d’autres territoires. Il a innové, s’est aventuré en terrain inconnu, s’est parfois cassé la figure, mais n’a jamais mis en danger son titre phare. On peut citer entre autres: 100% Jazz, Kanal Austral, Éco-Sud, etc.
Valoriser le travail de l’Outre-Mer
L’éventail très large de ses initiatives peut apparaître comme une tendance à la dispersion. Georges-Guillaume Louapre-Pottier s’en défend, arguant un fil conducteur qui, dit-il, l’a toujours animé : “Je veux valoriser le travail de l’OutreMer”, assène-t-il. “Aujourd’hui, en métropole, les gens savent mieux nous situer géographiquement, mais ils sont encore nombreux à ne pas connaitre le dynamisme et professionnalisme existant à La Réunion”. Plus généralement, le directeur du Mémento continue à façonner l’avenir du magazine dont il est le patron, mais pas le seul acteur. De fait, il s’appuie sur ses salariés ainsi que sur son frère, Jérôme, qui fut directement employé par le Mémento
Entre 2002 et 2008, avant de monter sa propre structure : Mailing Réunion. Bien qu’aujourd’hui à son compte, Jérôme Louapre assure toujours le routage du magazine. Autre personnage clé de cette société : Corinne Louapre-Pottier qui intervient régulièrement en secours. Elle récupère des dossiers de presse, se transforme en photographe lorsque cela s’avère nécessaire et, de l’avis de son mari, sait entretenir à la perfection le réseau relationnel du journal. “Elle a des idées”, salue son époux. 500e édition pour
50 ans
En 2021, le Mémento publie son cinq-centième numéro et fête ses cinquante ans. L’occasion pour son dirigeant, Georges-Guillaume LouaprePottier, également directeur de la publication, de raconter son histoire, son parcours, avec ce que cela implique de difficultés, de sacrifices et d’investissements (interview complète à lire à la rubrique “Dirigeant du Mois”). Aussi sur ce qui distingue aujourd’hui le magazine dans le panorama de la presse régionale.
Entre sentiment de réussite et de fierté, il tient avant tout à remercier son équipe, “des personnes qui ont plaisir à partager cette passion, de réaliser du bon travail. Mon équipe actuellement est superbe, et j’espère pouvoir continuer à préserver cet enthousiasme dont ils font preuve”. Une équipe rajeunie, dans laquelle on retrouve d’ailleurs l’un de ses fils, Thomas, au poste d’assistant de direction. Son jumeau, Guillaume lui est responsable de la distillerie Louapre, qui crée depuis trois ans maintenant “un whisky péi”, l’England Forest.
Georges-Guillaume Louapre-Pottier n’en a pas fini avec les projets… “Cela va rassurer un certain nombre de personnes, mais je ne réussis pas toujours, mais cela ne m’empêche pas de recommencer”, mais pour l’heure, il regarde en arrière et savoure ce “moment magnifique, de fêter une cinq-centième édition, que peu de magazine parviennent à réaliser”.
Anaïs LOUAPRE-POTTIER, spécialiste de la communication digitale, contribue au rayonnement numérique du Mémento. Grâce à son savoir faire le titre est de plus en plus présent sur la toile.