La crise repense la formation
L’État comme les acteurs du secteur l’ont bien compris : la crise est une opportunité pour repenser la formation. Avec un budget alloué de 15,5 milliard d’euros, la création de nouveaux dispositifs et l’amélioration de ceux déjà existants, l’objectif est de maintenir les actifs en emploi et, le cas échéant, de les réorienter vers des secteurs porteurs.
Fin 2019 – début 2020, Ingrid Violeau, créatrice Job Y, solution de réinsertion professionnelles entame un processus de digitalisation de ses formations, “sans grand enthousiasme” avoue-t-elle, “parce qu’il n’y avait pas de réelle demande”. Mais l’annonce du confinement par le président de la République Emmanuel Macron, le 16 mars 2020, vient tout chambouler.
LA DEMANDE EN FAD A EXPLOSÉ. Confronté à cette situation inédite, le secteur de la formation, comme tous les autres, est alors dans l’obligation de se digitaliser au plus vite pour ne pas risquer la “rupture pédagogique”. Pendant le confinement, la demande en FAD
- formation à distance - a explosé. A titre d’exemple, l’École Française, organisme privé de formation, a durant cette période, enregistré plus de 1.000 demandes par jour. Pour le Cegos, la demande croît de 5 à 25%, de même que pour le CNAM de La Réunion qui passe de 33% des cours en distanciel à 60% actuellement ailleurs).
Même constat pour Job Y. Pendant les quinze premiers jours du confinement, Ingrid Violeau a travaillé d’arrache-pied pour accélérer la digitalisation de ses formations. “L’offre a tellement séduit que même des personnes de métropole m’ont contactée” témoigne la businesswoman. “Mon organisme de formation rayonne aujourd’hui au national” poursuit-elle. Une perspective qu’elle n’avait jamais envisagée, et ce, en lien avec les contraintes numériques du confinement. Elle a ainsi pu tripler son chiffre d’affaires en 2020.
Mon organisme de formation rayonne aujourd’hui au national
UN NOUVEAU BUDGET DE 15,5 MDS €. Ce genre d’anecdote dans le secteur de la formation n’est pas un cas isolé. D’ailleurs, nombreux sont ceux à vu en la crise sanitaire du Covid-19, un tremplin à la relance de la formation. L’État en tête de peloton. L’économie et l’emploi étant
les premiers impactés, le gouvernement a mis en place plusieurs leviers permettant aux actifs de se former. Le Fonds National pour l’Emploi (FNE) et la formation en situation de travail ont ainsi eu la faveur de certains syndicats (lire par ailleurs).
Le Premier ministre Jean Castex a annoncé, en septembre dernier, y consacrer 15,5 milliards d’euros dans le plan “France Relance”, avec un volet “compétences” qui vient renforcer le nouveau cadre législatif fixé en 2018 par la loi “liberté de choisir son avenir professionnel”. La mission s’avère
il faut des nouveaux dispositifs, des accords entre État et partenaires sociaux, des obligations de formation
toutefois difficile : les entreprises forment beaucoup moins en temps de crise, alors même que la formation continue se révèle déterminante pour anticiper la reprise de l’économie, selon une enquête du centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), publiée en juillet 2020.
REPENSER EN PROFONDEUR. Pour les chercheuses à l’origine de l’étude, “il faut des nouveaux dispositifs, des accords entre État et partenaires sociaux, des obligations de formation” pour inciter les entreprises à former dans ce contexte de crise sanitaire. Il faut s’aider des dispositifs existants pour en imaginer d’autres, la situation étant l’occasion pour les salariés de maintenir leur employabilité et leurs compétences.
Malgré tout, un point noir persiste : la multitude de dispositifs de formation lancés par la loi de 2018 n’a pas supprimé un lourd handicap, à savoir : le manque d’informations notamment dans les petites entreprises. Ainsi, le Céreq constate que, faute d’accompagnement, le CPF reste encore trop méconnu des salariés. Le dispositif demeurant selon lui, inégalitaire en terme d’accès, lequel privilégierait davantage les plus diplômés et les salariés des grandes entreprises.
Tout l’enjeu pour la France sera donc de réinventer son système de formation en y incluant l’ensemble des actifs. Mais aussi de créer des passerelles entre les secteurs porteurs et ceux en difficulté, d’alléger les formalités, et de mettre en place de réels dispositifs de transition professionnel, aujourd’hui encore insuffisants.