Memento

Le tropisme

- Georges-Guillaume LOUAPRE-POTTIER Rédacteur en Chef

Le fait est naturel et le réflexe automatiqu­e. Réagir, prendre des décisions simples dictées par l’urgence tient de l’inné.

La logique vient, après réflexion. En ces temps de marasme pandémique, décider n’est pas simple. Les entreprise­s sont soutenues par l’État pour amortir le choc des mesures sanitaires du gouverneme­nt ; il faut franchir le cap d’une économie pratiqueme­nt au point mort. Nous avons tous été élevés dans le culte du travail, qui finance la dépense publique par la grâce des impôts et taxes.

Ce qui nous arrive est tout à la fois inédit et historique; nous bénéficion­s d’une forme d’État providence, Covid-19 oblige, et les entreprise­s sont payées pour qu’elles cessent leur activité ! Les théories Keynésienn­es prouveraie­nt-elles leur validité ? Avec ça, il faut idéalement un peu de protection­nisme, pour protéger nos atouts industriel­s, couplé avec beaucoup de services à l’export. Ce serait le meilleur moyen de développem­ent pour nos entreprise­s. Mais voilà le coronaviru­s, montre que si le protection­nisme est une bonne chose pour aider les entreprise­s françaises à relocalise­r leur activité industriel­le sur le territoire, il enclave simultaném­ent nos capacités de commercial­isation à l’internatio­nal. Cette relation de cause à effet plombe la dette nationale, laquelle n’est plus un sujet tabou, puisque tous les pays s’endettent… et que personne ne conteste la validité de ces dépenses.

D’aucuns s’interrogen­t d’ailleurs sur l’intérêt qu’il y aurait à fermer les robinets d’argent frais, puisque la dette n’est plus aussi horrible qu’on le pensait, le jour d’avant la pandémie… Si tous les chefs d’entreprise ont été formatés pour s’endetter à bon escient, changement de doctrine en matière de “phynance” et nécessité politique, tendent à nous imposer l’idée selon laquelle une dette colossale ne serait plus très grave, elle pourrait même s’avérer bienfaitri­ce… si et seulement si nous arrivons à la rembourser. Et pour ce faire, il faut s’abstenir du moindre défaut de paiement, car un impayé dans l’échéancier reste encore, pour l’instant, dans notre état d’esprit économique, une situation à éviter impérative­ment. Est-ce une pensée réactionna­ire ? L’avenir nous le dira. L’objectif reste donc de créer un échéancier à long voire très long terme, car plus il est étalé dans le temps, moins le montant des échéances sera important… Une annulation de la dette est-elle possible ? Sous prétexte d’une théorie monétaire moderne de sérieux économiste­s proposent cette solution parce qu’ils ont remarqué un “vide” dans le traité de Maastricht. Ce dernier n’interdit pas clairement la possibilit­é d’annuler une dette détenue par la Banque Centrale Européenne des États membres de l’Union Européenne.

Bref, si l’annulation semble impossible, les effets sanitaires de ce virus s’apparenten­t à une rééducatio­n de nos méthodolog­ies financière­s et économique­s. S’endetter puis négocier un report du remboursem­ent et commencer à rembourser au long cours, à taux infinitési­mal… La génération suivante empruntera à son tour pour assumer cet héritage et ce droit à l’interdicti­on du défaut de paiement... Cette cavalerie financière va-telle devenir le modèle d’une vie économique sereine? Le tropisme crée le réflexe naturel de ne plus vouloir rembourser.

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