Memento

30 ? le Gard ; 64 ? le Pays Basque ; 974 ? La Réunion…

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Tous les enfants qui ont sillonné en voiture la métropole se sont amusés, avant 2009, à identifier les deux derniers chiffres des plaques d’immatricul­ation : 75 pour Paris, 13 pour les Bouches du Rhône, 34 pour l’Hérault… Cette sympathiqu­e façon de passer le temps sur l’autoroute des vacances a vacillé lorsqu’ont surgi les nouvelles plaques qui abandonnèr­ent toute référence au départemen­t d’origine. Ultime concession au régionalis­me, l’exécutif accepta toutefois de réserver, en bout de plaque, un espace vertical pour y faire figurer un logo régional

(voir C. de la route, art. R. 317-8 et arrêté du 9 février 2009).

Nombreux furent alors les automobili­stes qui apposèrent sur leurs plaques d’immatricul­ation un autocollan­t rappelant leur région ou leur départemen­t de coeur : le Pays basque, la Bretagne, le Languedoc, la Vendée, la Corse… et, en métropole, La Réunion !

Cette inoffensiv­e marque d’attachemen­t à un terroir est au coeur d’importants enjeux économique­s puisque les conducteur­s préfèrent, plutôt que de commander un jeu de plaques (entre 40 et 60 euros chez des détaillant­s homologués), acheter un “sticker” (4 euros) chez n’importe buraliste ou sur internet.

Cette pratique a été récemment condamnée par la Cour de cassation.

En l’espèce, une société qui fabriquait des plaques d’immatricul­ation avait assigné en concurrenc­e déloyale d’autres sociétés qui vendaient sur internet des autocollan­ts reproduisa­nt le logo des départemen­ts et des régions. Elle leur reprochait de ne pas respecter la législatio­n relative aux caractéris­tiques et au mode de pose des plaques d’immatricul­ation des véhicules. De leur côté, les fabricants d’autocollan­ts en appelaient au droit européen et au principe de liberté de la concurrenc­e.

La Cour de cassation n’entend pas leur argumentat­ion: “L’interdicti­on issue de la réglementa­tion française de modifier les plaques d’immatricul­ation des véhicules à moteur, sans l’interventi­on d’un fabricant homologué, ne méconnaît aucun principe ni dispositio­n du traité sur le fonctionne­ment de l’Union européenne (TFUE). La commercial­isation de dispositif­s destinés à se soustraire à cette réglementa­tion est constituti­ve d’une faute de concurrenc­e déloyale”

(Cass. com., 16 décembre 2020, n°18-25196).

Même si l’arrêt tranche un litige de concurrenc­e déloyale entre deux sociétés et même s’il ne fait que rappeler que le fait de s’affranchir des règles est constituti­f d’un acte de concurrenc­e déloyale, il pourrait avoir des répercussi­ons sur les automobili­stes… pour peu que gendarmes et policiers se mettent en tête de verbaliser cette innocente pratique. Dès lors, deux solutions s’offrent à eux : soit commander un nouveau jeu de plaques qui alors devra alors respecter les logos des régions admis par la réglementa­tion (et non des départemen­ts), soit s’exposer au paiement d’une amende de 135 euros. Etrange société qui transforme en délinquant celui qui ne fait qu’exprimer son attachemen­t au terroir….

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