L’industrie à l’heure de l’éco-conception
Les crèmes solaires sont nocives pour les océans en raison de leurs composés chimiques pouvant altérer les coraux. Des alternatives à leur utilisation existent pourtant comme les produits des Laboratoires de Biarritz. Cette PME de 20 personnes s’appuie sur des principes personnels, familiaux et environnementaux propres à leur fondateurs.Dès le départ, en 2011, leur objectif était de créer des protections solaires biologiques, innovantes de très grande qualité à base d’extraits d’algues rouges.
THINK+, AGENCE D’ÉCO-INNOVATION. Depuis 2015, les Laboratoires de Biarritz ont mis à disposition de la mairie, pour ses plages ainsi que pour des évènements sportifs et/ou culturels, des distributeurs de crèmes solaires destinés aux estivants. Cependant pour rendre l’expérience pérenne, les laboratoires ont dû faire évoluer le modèle de distributeur dont la première version ne correspondait pas au cahier des charges d’un outil pratique et transportable.
Pour ce faire, les Laboratoires de Biarritz ont fait appel à Think+, une agence d’éco-innovation qui prend ses quartiers dans le sud-ouest de la France, au Pays Basque. Avec l’équipe de Vincent Follet, directeur et fondateur de l’agence, la PME a conçu un nouveau distributeur de crème solaire libre-service en intégrant la dimension environnementale et les attentes des parties prenantes. Son poids a ainsi été divisé par deux, sa durée de vie multipliée par 3 et sa conception entièrement réalisée en Nouvelle Aquitaine, soit à moins de 100 kilomètres de l’entreprise. Un outil de communication et de sensibilisation aux enjeux de protection de l’océan a également été mis en place.
LES MODES DE CONSOMMATION ONT CHANGÉ. C’est là la définition même de l’éco-conception. Vincent Collet a d’ailleurs réalisé, aux côtés de son chef de projet éco-innovation Jean-Marie Chevallier et Véronique Stern, chargée de mission à Nexa, une web-conférence sur le thème. “Il y a beaucoup de croyances autour du concept”, entame Vincent Collet, “mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’actuellement en France, le cadre réglementaire est propice et même incitatif à l’éco-conception”.
Et le fondateur et directeur de l’agence Think+ de rappeller que cette mise en avant de l’écoconception par les entreprises et les industriels répond à une demande de la société, “plus particulièrement la nouvelle génération (Z) qui n’a pas les mêmes modes de vie et de consommation que ses aînés”. 76% des Français* attendent des marques qu’elles montrent des engagements responsables, mais aussi de la transparence, des preuves et des faits, comme du local, du Made In France, la toxicologie des produits ou encore l’impact sur la biodiversité, etc.
UNE MARGE BÉNÉFICIAIRE DE 12%. Ce qu’il faut comprendre, “c’est que le modèle de consommation est en mutation, et cela amène un changement de paradigme” poursuit Vincent Collet. Et c’est là qu’intervient Think+. L’agence et son équipe de quatre personnes aident les entreprises de tous secteurs à adopter des pratiques de développement d’affaires et d’innovation responsable. “Pour cela, Think+ se base sur l’analyse et la compréhension des enjeux et opportunités environnementaux et sociétaux”, explique le directeur d’agence.
Et pour les sceptiques qui douteraient de la performance économique de l’éco-innovation, Vincent Collet apporte des chiffres : “La
Le modèle de consommation est en mutation, et cela amène un changement de paradigme
marge bénéficiaire des produits éco-conçus est supérieure en moyenne de 12% et 96% des projets d’éco-conception ont eu un effet positif ”, souligne ce dernier. Pour autant, il faut savoir définir et cerner l’éco-conception / l’éco-innovation. “il s’agit d’une démarche et non d’un résultat” insiste le directeur de Think+.
UNE HISTOIRE DE COMPROMIS. Ainsi, selon les grandes définitions, l’éco-conception est un moyen imaginé pour produire de façon plus durable. En somme, une démarche qui prend en compte la préservation des ressources et de l’environnement et ce dès l’élaboration d’un produit et/ ou d’un service. “Cette vision a pour objectif d’assurer aux entreprises une amélioration de leurs performances et une pérennité dans le développement de leurs affaires, sans mettre en péril les générations futures” peut-on lire en introduction sur le site de Think+.
Il existe donc, selon l’agence d’éco-innovation six étapes clés à l’éco-conception : identifier les enjeux pour l’entreprise, évaluer l’impact environnemental, rechercher des pistes à partir de cette analyse, aider à la décision, évaluer l’impact environnemental comparatif, et enfin communiquer et informer. Jean-Marie Chevallier, chef de projet à Think+ résume ainsi les enjeux de l’éco-conception : “C’est une histoire de compromis entre la maîtrise des coûts, les attentes des clients et la faisabilité technique”. Un produit éco-conçu n’est pas un produit POUR l’environnement mais dans lequel on incorpore cet aspect de durabilité. C’est un produit adapté.
APPEL À PROJETS. Les entreprises à l’avoir compris sont nombreuses : Décathlon, CCI des Landes, les Laboratoires Biarritz (entre autres), se sont fait accompagner en ce sens par Think+. En 2020, intiment convaincue du levier économique que représente l’éco-conception pour l’économie de La Réunion, NEXA, agence régionale de développement, d’investissement et d’innovation, a lancé un appel à projets à l’attention des entreprises du territoire afin qu’elles réfléchissent à leur propre diagnostic sous le prisme de l’éco-innovation.
Sur vingt structures candidates, cinq projets ont été retenus : Mascarin, Pépé José, Aquaponie Réunion, Air Austral et l’association FIE. Nexa et l’agence Think+ les a donc accompagnées dans le diagnostic de leurs pratiques. Les ateliers et rencontres réalisés entre ces structures et l’agence ont permis d’identifier les enjeux spécifiques propres à chaque entité, de donner des éléments de veille et de bonnes pratiques environnementales, d’évaluer le produit et/ou le service, et enfin d’identifier les pistes d’amélioration via un plan d’actions.
L’ÉCO-CONCEPTION & GREEN-WASHING. Pour Pépé José par exemple, qui propose un service de livraison de plats à domicile innovant, les équipes ont mis en exergue plusieurs points : la multitude des contenants. “Pépé José était conscient de cette problématique plusieurs fois signalée par les clients. L’accompagnement de Think+, pragmatique et pratique nous a permis d’envisager plusieurs pistes de réflexions pour y remédier”, explique Mickaël Rivière, gérant de la start-up.
Même constat du côté d’Air Austral. “Certes, Air Austral est une entreprise mature, mais ce diagnostic a permis d’améliorer les coûts de production, d’achats et de packagings, et de rassembler des actions auparavant disparates” renchérit Magali Maingard, responsable Santé Sécurité au Travail, développement durable et RSE pour la compagnie aérienne.
Les bénéfices de l’éco-conception sont nombreux. “Il ne s’agit pas de faire du greenwashing” prévient tout de même Jean-Marie Chevallier, “mais de réellement penser un produit plus durable, facile à utiliser, économique à l’achat”. Économiquement viable et écologiquement résiliente, la démarché d’éco-innovation semble la porte d’entrée pour réinventer l’industrie locale.
* Selon un sondage réalisé par l’institut Growth from Knowledge (GfK).