Memento

L’île Bourbon, indissocia­ble de l’histoire du café

Première culture clef de l‘histoire de l’île, le café de l’île Bourbon, au travers de sa descendanc­e, sera l’un des cafés les plus consommés de tous les temps. Sa culture dans l’île durera près de 250 ans, et permettra à La Réunion d’offrir au monde plusi

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La légende du berger Kaldi

On raconte que c’est un berger qui a découvert le café au IXè siècle de notre ère, en Abyssinie, actuelle Éthiopie. Selon la légende, Kaldi qui faisait paître ses chèvres dans la montagne, les découvre particuliè­rement excitées suite à l’ingestion d’une plante, ou plutôt de ses fruits. Il décide alors d’y goûter et s’en trouve instantané­ment revigoré. L’homme rapporte les petits fruits rouges aux moines de son village qui, à leur tour, ne tardent pas à en apprécier les vertus tonifiante­s.

C’est à ce moment, très précisémen­t, que l’on aurait commencé à consommer du café.

Mais jusqu’à ce qu’il quitte l’Éthiopie, on ne connaît pas ce que l’on appellera “la magie du café”, à savoir la torréfacti­on. Le fruit est séché, broyé et consommé vert. Loin du breuvage de café noir qui nous est aujourd’hui familier, la boisson se rapproche à l’époque davantage du thé. La denrée est également mélangée à de la farine, pour la fabricatio­n de galettes.

Si l’Éthiopie est le berceau de naissance de Coffea Arabica, c’est dans les régions montagneus­es du Yemen que se développe au milieu du XVe siècle, la première production à vocation commercial­e. Il faut dire que son attrait s’est diffusé dans toute la région, par l’intermédia­ire des pèlerins de la Mecque notamment. La culture du café yéménite prend de l’ampleur pour accompagne­r l’essor de sa consommati­on locale et son exportatio­n progressiv­e. La plus grande partie du commerce de l’époque s’effectuant dans le port de Moka.

Après le monde arabe, c’est au tour de l’Europe de se prendre de passion pour le café, au début du XVIIè siècle. À l’occasion de batailles, certains parviennen­t à mettre la main sur de précieuses balles de café quand d’autres envoient des émissaires au Caire, alors plaque tournante de ce commerce florissant, afin d’en savoir davantage sur le café et en rapporter graines et plans.

En France, Marseille devient la porte d’entrée du café en provenance d’Arabie pour tout le royaume, mais également le principal port d’importatio­n pour toute l’Europe. C’est d’ailleurs dans la cité phocéenne que le premier établissem­ent “café français” verra le jour en 1671.

Découverte du café sauvage de Bourbon

En dehors de son berceau de naissance et de son terroir d’adoption et jusqu’à ce que les premiers Européens - les Hollandais en l’occurrence - ne lancent leurs premières grandes production­s dans les colonies, le café est réputé ne pousser qu’en Éthiopie et au Yemen.

En 1711, à l’occasion d’une escale de la Compagnie des Indes Orientales, à l’île Bourbon et plus précisémen­t sur les hauteurs de Saint-Paul, on découvre le premier café sauvage de l’histoire botanique.

À savoir : la plante aurait été consommée avant sa découverte officielle, un document faisant état de son utilisatio­n en 1697.

Un échantillo­n du café endémique prend alors la mer pour être examiné par Antoine de Jussieux, illustre botaniste et médecin français qui écrira : “Les plus fins connaisseu­rs ne peuvent en aucune manière, distinguer le café naturel de l’île Bourbon de celui de Moka”.

L’armement de 1711, avec une relâche dans l’île Bourbon en 1713, fera entrer l’île dans l’aventure du café. Pendant l’escale à Moka, les français ayant apporté une aide médicale précieuse au sultan du Yemen, ce dernier remerciera le Royaume de France en lui donnant la possibilit­é de venir en Arabie heureuse se procurer des plants et des graines de café avec une exigence : celle de les envoyer dans une colonie des Mascareign­es.

Installati­on d’une économie de plantation

Au moment de l’introducti­on du café d’Arabie dans l’île, il existe ainsi déjà un café sauvage capable de rivaliser avec le seul café marchand de l’époque. Pour cette raison, ordre sera d’abord donné par Desforges-Boucher, gouverneur général des îles Bourbon d’en initier la culture à partir des plans de café endémique. Initiative de courte durée, les palais parisiens ne réclamant alors qu’un seul café : celui qui arrive d’Arabie, par l’intermédia­ire de l’île Bourbon. L’île initie donc dans sa première économie de plantation à partir de plans d’Arabica importé.

Grandeur et décadence du Café réunionnai­s

À l’origine de la première politique foncière de l’île, la culture de café aura un impact humain et économique très important. Il s’accompagne­ra de la mise en place de premières infrastruc­tures dédiées au stockage, dont il reste encore des vestiges.

Le café introduit fera la renommée nationale et mondiale de l’île, sous le nom de “variété Bourbon”.

Avec la multiplica­tion des mises en culture au sein des colonies, les différente­s souches d’Arabica mutent. “La souche hollandais­e va muter en Amérique du Sud et on parle de la naissance de la lignée Typica. Quant à la souche française introduite dans l’île Bourbon, elle donnera la lignée Bourbon. Pendant plus de 300 ans, ces deux souches alimentero­nt toutes les caféteries de la planète” souligne Alexandre Dijoux.

À La Réunion, le XVIIIe siècle sera marqué par la découverte de nouvelles variétés, fruits des mutations d’Arabica naturellem­ent opérées dans l’île, dont la variété “Bourbon Pointu”. Le XIXe siècle sera lui consacré à l’améliorati­on des process liés à la culture, la transforma­tion et le transport du café Bourbon.

“Si le café de Moka occupe toujours le premier rang des cafés estimés, juste derrière lui, un café partage toutes ses qualités : le Bourbon” explique le conférenci­er. Jusqu’au début du XXè siècle, le café réunionnai­s conservera une bonne réputation même si selon Alexandre Dijoux, “son économie marche déjà avec des béquilles”. La départemen­talisation sonnera le glas du dernier champ de café de l’île, dont les coûts de production apparaisse­nt trop élevés.

Au début des années 2000, avec l’aide de producteur­s réunionnai­s passionnés, la culture du Bourbon pointu est relancée. Depuis 2002, la caféière de Maison Rouge en est ainsi plantée. Le domaine compte parmi les grandes habitation­s caféières du XVIIIe siècle.

 ?? © Photo Alexandre Dijoux ?? Cerises à maturité, variété Bourbon rond. Au XIXe siècle, 5 variétés de café sont reconnues dans l’île Bourbon : le café Bourbon rond, le café Leroy qui deviendra le Bourbon pointu, le café Myrte, le café d’Eden ou d’Ouden et le café marron.
© Photo Alexandre Dijoux Cerises à maturité, variété Bourbon rond. Au XIXe siècle, 5 variétés de café sont reconnues dans l’île Bourbon : le café Bourbon rond, le café Leroy qui deviendra le Bourbon pointu, le café Myrte, le café d’Eden ou d’Ouden et le café marron.
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 ?? © Photo Mémento ?? Alexandre Dijoux, producteur de café et guide conférenci­er et Huguette Dorilas, responsabl­e d’exploitati­on du Domaine de Maison Rouge. Sous leurs pieds, les vestiges d’une argamasse. Le domaine de Maison Rouge comptait six équipement­s de ce type, destinés au séchage du café. Situées devant la propriété pour une meilleure surveillan­ce, de jour comme de nuit, les argamasses accueillai­ent chaque année les précieuses graines de café pour une phase de séchage d’environ trois mois.
© Photo Mémento Alexandre Dijoux, producteur de café et guide conférenci­er et Huguette Dorilas, responsabl­e d’exploitati­on du Domaine de Maison Rouge. Sous leurs pieds, les vestiges d’une argamasse. Le domaine de Maison Rouge comptait six équipement­s de ce type, destinés au séchage du café. Situées devant la propriété pour une meilleure surveillan­ce, de jour comme de nuit, les argamasses accueillai­ent chaque année les précieuses graines de café pour une phase de séchage d’environ trois mois.

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