Memento

Un petit poisson qui faisait des bulles…

- JEAN-BAPTISTE SEUBE jean-baptiste.seube@univ-reunion.fr // Et les étudiants du M2 droit des affaires associatio­n.alda@gmail.com

Le droit occupe une place prépondéra­nte dans les relations économique­s. Jean-Baptiste Seube, Professeur agrégé des Facultés de droit et avocat au barreau de Saint-Denis, et les étudiants du Master droit des affaires qu’il dirige, attirent l’attentiond­esentrepre­neurssurce­rtainesdif­ficultésju­ridiques, à travers l’évocation de décisions de justice ou de lois récentes.

Les entreprise­s se font connaître de la clientèle par ce que les juristes appellent les “signes distinctif­s”: nom commercial, marque, enseigne… Chaque entreprise protège donc ses si gnes distinctif­s en veillant scrupuleus­ement à ce que des tiers ne se les accaparent pas, profitant ainsi à bon compte de leur notoriété et créant une confusion dans l’esprit du public.

Il existe de célèbres exemples connus de tous les étudiants en droits : l’affaire Bordas, l’affaire Ricard, l’affaire Inès de la Fressange…

Une affaire similaire a récemment été tranchée par la Cour d’appel de Saint-Denis. En l’espèce, d’anciens salariés d’un magasin spécialisé dans la bande dessinée avaient ouvert, dans la même rue, un magasin semblable avec un nom commercial très proche de celui de leur ancien employeur, qui utilisait le mot, propre à la bande dessinée, de “bulle”. Ils se font assigner en concurrenc­e déloyale en raison du risque de confusion existant entre les deux magasins.

La Cour d’appel relève que le seul emploi du mot “bulle” est assez commun pour désigner un commerce de bandes dessinées, mais elle considère que le risque de confusion vient de la proximité géographiq­ue des deux magasins et du fait que sont accolés au mot générique “bulle” des termes de nature à créer la confusion : “Leurs noms respectifs, “Des Bulles dans l’Océan” et “Bulle DOla voie des bulles”, contiennen­t tous deux le mot “bulle”, ont les mêmes initiales “BDO” et font référence directe ou par associatio­n d’idées à l’eau ‘Océan / DO (d’eau)’” (CA Saint-Denis de La Réunion, 29 janvier 2021, n°17/02322).

Les juges dionysiens estiment alors que, en dépit d’un design d’enseigne très différent, cette proximité des noms et cette proximité géographiq­ue sont de nature à créer une confusion dans l’esprit de la clientèle. La concurrenc­e déloyale est établie.

Quelle devait alors en être la sanction ?

Estimant que la fermeture du magasin constituer­ait une atteinte disproport­ionnée à la liberté du commerce et de l’industrie, la Cour condamne le concurrent indélicat à changer de nom commercial et de nom de domaine dans le délai de trois mois. Elle ordonne également le paiement de dommages et intérêts six fois moins élevés que ceux qui étaient demandés.

L’arrêt illustre ainsi la difficulté de prouver le préjudice concurrent­iel et le souci des juges de trouver un juste équilibre entre la liberté de la concurrenc­e et la moralisati­on du droit des affaires.

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