PASCAL DE IZAGUIRRE
Pdg de Corsair
Venu spécialement dans notre île pour l'inauguration du deuxième Airbus A330neo de Corsair, Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair a accepté d'aborder avec le Mémento des questions de fond quant à la situation actuelle et à l'avenir de la compagnie aérienne. Rencontre.
Mémento : Quelle est la situation de Corsair aujourd’hui ?
Nous avons pu boucler un plan de financement d'environ 300 millions d'euros à la fin de l'année 2020, avec le soutien fort de l'État et de nouveaux actionnaires, majoritairement ultramarins. Cela nous donne une certaine assurance et une visibilité sur le plan financier, de quoi traverser la crise et envisager l'avenir.
Dans la conjoncture actuelle, nous sommes, comme toutes les autres compagnies aériennes, tributaires d'un environnement sanitaire, avec très peu de destinations ouvertes. Aujourd'hui nous ne desservons que les Antilles, La Réunion, Mayotte et la Côte d'Ivoire, avec un niveau très faible d'activité. Nous attendons que la situation se clarifie sur le plan sanitaire.
Sur l'aspect social, un gros travail a été réalisé pour établir une compétitivité structurelle de la compagnie, notamment en matière de réduction d'effectifs et de renégociation des conditions de travail. Notre masse salariale a diminué de 15 à 20%. L'idée est d'être plus compétitif afin de soutenir les guerres de prix et de pouvoir offrir les tarifs plus bas à notre clientèle, c'est l'ADN de Corsair. L'autre levier qui nous permet de proposer des tarifs compétitifs, est le renouvellement et la modernisation de la flotte, puisque l'A330neo affiche un coût au siège inférieur aux avions de génération plus ancienne.
M : La crise sanitaire a ébranlé le secteur de l’aérien, comment la compagnie Corsair l’a-t-elle traversée ?
Nous l'avons vécu comme toutes les autres compagnies. La priorité a été de limiter la sortie de cash et de négocier un plan de sauvetage financier qui nous a permis de redémarrer avec des soutiens financiers assez massifs, et de nouveaux actionnaires. Nous avons fait un « reset », pour redémarrer l'année 2021 sur de nouvelles bases. Après cela, nous avons cherché à développer notre activité sur le fret. Nous nous sommes adaptés. L'une des grandes caractéristiques de Corsair est de faire preuve d'agilité, d'adaptabilité et de réactivité.
M : Comment voyez-vous l’avenir?
Nous n'avons pas d'inquiétude quant à notre pérennité. Nos problèmes de financement ont été réglés. Nous ne sommes pas satisfaits de voir que la situation liée à la crise sanitaire a perduré pendant des mois, mais commençons à voir le bout du tunnel. Nous avons déjà une reprise des réservations depuis que les mesures de déconfinement ont été annoncées. Nous espérons qu'il n'y aura pas de nouveaux stop and go, et que la vaccination nous mènera vers une libéralisation.
M : Parmi vos 20 investisseurs, vous avez une majorité d’ultramarins. Pourquoi ?
Ce sont eux qui nous ont choisi. Les actionnaires précédents souhaitaient se désengager, j'ai dû en trouver de nouveaux. Des investisseurs ultramarins se sont manifestés et nous avons pu faire affaire. Étant implantés outre-mer, ils ont considéré qu'il était stratégique de maintenir une intensité concurrentielle forte sur les lignes de l'outre-mer et donc de ne pas rendre possible une réduction du nombre de compagnies autorisées. Quand on a une entreprise à La Réunion ou aux Antilles, il est vital qu'il y ait une bonne desserte aérienne, du choix, de la concurrence par les prix, de l'émulation par la qualité du service et du produit. Ça a été le raisonnement fait également par l'État dans le choix de soutenir Corsair, qui a considéré que la compagnie remplissait un rôle stratégique sur la desserte des départements d'outre-mer, et qu'il fallait maintenir une offre importante pour ces destinations.
M : Comment vous situez vous dans l’océan Indien par rapport aux autres compagnies aériennes qui desservent La Réunion et Mayotte ?
Nous desservons la Réunion depuis 31 ans, nous serons toujours présents aux côtés des Réunionnais. Nous sommes très confiants. À partir du 7 juin, seul l'A330neo desservira l'océan-Indien. C'est un argument commercial et marketing très fort, puisque les passagers qui voyageront avec Corsair auront l'assurance d'être à bord du dernier-né de la flotte, qui est aussi le plus confortable et le plus performant. Nous allons améliorer notre programme de vol, en proposant douze vols par semaine en juillet/ août dont deux vers Lyon et Marseille, et jusqu'à deux vols par jour à la fin de l'année. Nous sommes offensifs et avons confiance en notre produit qui est économique, qui répond aux contraintes en matière de développement durable, qui est de bien meilleure qualité, et offre un meilleur confort. Nous avons repris nos vols sur Mayotte le 11 décembre dernier et en sommes très satisfaits. Nous avons prévu de passer à quatre vols sur Mayotte cet hiver.
M : Comment a réagi Corsair face à la politique agressive d’Air France ?
Cela nous inquiète, mais nous ne sommes pas les seuls. L'augmentation des capacités d'Air France sur l'océan Indien, en pointe cet hiver avec plus de 52% de sièges sur La Réunion par rapport à l'hiver 2019, nous parait décorrélée de la réalité du marché. Cette surcapacité inutile n'est pas justifiée par l'élasticité du marché, d'autant plus qu'à La Réunion, la levée des restrictions sanitaires se fait très progressivement. Il ne faudrait pas qu'il y ait une mauvaise utilisation de l'argent public et que les subsides massifs dont profite Air France, et que je n'ai jamais remis en cause, se traduisent par une distorsion de concurrence, au détriment des autres transporteurs français.
M : Dans ce nouvel avion, Corsair a volontairement augmenté la capacité d’accueil de ses classes Prémium et Business, pourquoi cette stratégie ?
Même si nous avons un trafic majoritairement Économique et Loisir, nous voulons nous attaquer à la clientèle Prémium et Business. La création de la classe Business sur Corsair qui date de 2017 est relativement récente. Compte tenu du succès que nous avons rencontré, de notre positionnement marketing parfaitement adapté, et de nos tarifs compétitifs, nous considérons que nous avons vocation à nous positionner sur ce marché. Nous avons une carte à jouer. C'est une demande que nous ont exprimé les clients entreprises, mais également les clients loisirs désireux de se faire plaisir en voyageant dans de meilleures conditions.
M : Malgré la crise sanitaire, Corsair ouvre de nouvelles lignes sur Lyon et Marseille et a investi dans de nouveaux avions. C’est un pari ?
C'est toujours un pari. Nous n'avons jamais la certitude de rencontrer le succès et d'avoir une ligne qui va être profitable. C'est en revanche un pari que l'on considère comme étant raisonnablement risqué. Les choses ont été très mûries. Nous avons étudié diverses opportunités et avons considéré, compte tenu de nos atouts, que c'était un pari raisonnable. Il y a un marché au départ de la province française que desservait XL Airways, notamment en direction d'une communauté Mahoraise très importante sur Marseille. Nous avons également des partenariats avec des toursopérateurs et des réseaux d'agences de voyage très bien implantés dans ces régions de province qui nous laissent penser que Corsair a de nombreux atouts pour réussir ce pari. Nous sommes optimistes.