Memento

DAVID AMIOUNI

P.D-G de Keep Cool

- Propos recueillis par : Laurie Ferrère

Avec 7 millions de pratiquant­s de fitness en Hexagone et plus de 65 millions en Europe, la salle de sport est une filière en plein essor. En France, la chaîne Keep Cool s’affiche comme le n°1 du secteur. Mais au-delà de la performanc­e, c’est un “bien-être” pour tous qu’offrent les salles aux couleurs toniques vert et rose. David Amiouni, le P.D-G de Keep Cool revient pour Le Mémento sur son parcours et ce qui le pousse à l’innovation.

Avec 7 millions de pratiquant­s de fitness en Hexagone et plus de 65 millions en Europe, la salle de sport est une filière en plein essor. En France, la chaîne Keep Cool s’affiche comme le n°1 du secteur. Mais au-delà de la performanc­e, c’est un “bien-être” pour tous qu’offrent les salles aux couleurs toniques vert et rose. David Amiouni, le P.D-G de Keep Cool revient pour Le Mémento sur son parcours et ce qui le pousse à l’innovation.

Le Mémento : Bonjour David Amiouni. Plutôt réservé, il est rare de vous voir dans les médias locaux. Pourriez-vous vous présenter ?

David Amiouni : Je suis d’origine libanaise, et après des études entre La France et le Mexique, je débarque à l’île de La Réunion en 2009 pour une mission de conseils pour SFR. Et là, j’ai un véritable coup de coeur pour le territoire, un truc assez tripal. Je retrouve en ses gens, dans ses paysages, quelque chose du Liban d’avant-guerre. Je devais y rester trois semaines et je ne suis jamais reparti. Je décide alors avec un ami, devenu associé, Grégory de Radiguès, de créer ma propre entreprise.

Le Mémento : Il ne s’agissait pas de sport à l’époque, mais de tout autre chose, c’est cela ?

D. A. : Oui, c’est ma première vie profession­nelle. À l’époque, avec Grégory nous faisons le constat qu’il n’existe pas de cabinet de conseils qui soit structuré. Il n’y a que des SS2I, mais aucune structure capable de dispenser à la fois des conseils en stratégies, gestion ou en organisati­on. On investit alors ce marché en créant OMD – devenu aujourd’hui Verso Consulting, un cabinet en conseils et transforma­tion des Outre-Mer. Très vite, l’activité se développe et s’exporte en Guyane, Martinique et Mayotte.

Le Mémento : Exporter des services depuis l’île de La Réunion… Déjà à l’époque, vous alliez à contre-courant de la pensée commune ?

D. A.: C’est exact, et ça va être le fil rouge de ma carrière ; de dire qu’il existe une réelle capacité à La Réunion – qui vient de la façon dont fonctionne l’île, à incuber des projets à très forte technicité, à très forte valeur ajoutée et à les exporter ; et donc, de construire quelque chose qui soit national et internatio­nal, depuis La Réunion. Ce qui est, comme vous le dites à contrecour­ant de ce que les gens pensent ici, parce que globalemen­t on a tendance à importer et à très peu exporter. Mais, moi, j’ai ce sentiment-là et je construis le conseil sur cette base, ce principe, et cela fonctionne, très bien même. Verso Consulting crée même une filiale dans le domaine de la e-santé, à Paris et à Nantes, tout cela depuis ici.

Le Mémento : Pourtant, aujourd’hui, ce n’est pas le conseil qui vous propulse mais la chaîne de salles de sport Keep Cool. À quel moment s’est opéré le changement de cap ?

D. A. : Je tiens avant tout à préciser que Verso Consulting continue d’exister, et que même si je ne m’occupe plus de la structure opérationn­ellement, j’en reste actionnair­e.

Pour la deuxième vie profession­nelle, l’histoire commence à peu près en même temps. Un an après mon installati­on dans l’île, un ami qui travaille pour Keep Cool, une chaîne émergeante de salles de sport, me propose d’en créer une à La Réunion. On est en 2010, il n’existe que dix salles en Métropole, aucune en Outre-Mer, et très honnêtemen­t, j’ignorais dans quoi je mettais les pieds. J’ai alors 25 ans et avec mon associé on emprunte 600.000€ pour l’ouverture de cette première salle, sous franchise.

Au rythme d’une ouverture de salle par an, on comprend qu’il faut accélérer le développem­ent ; on s’étend alors à l’île Maurice, à la Belgique, à l’Ouest de la France, à La Réunion ; très vite on devient le franchisé le plus important du groupe.

Après c’est une question d’opportunit­é. Il y a deux ans, j’apprends que Keep Cool, la société est à la recherche d’un nouveau souffle, je décide alors de la racheter. Keep Cool en 2021, c’est 270 salles, un modèle hybride qui mixe succursale­s et franchisés, ce qui permet un développem­ent équilibré. C’est aussi 1.500 salariés dont 70 à La Réunion et 120 millions € de chiffre d’affaires.

Le Mémento : Des chaînes de salles de sport, il y en a pléthore aujourd’hui. Qu’est-ce qui a fait, selon vous, le succès de Keep Cool ?

D. A. : On va dire que la marque était créatrice, précurseur­e de “la salle en libre accès”, et sa spécificit­é c’est l’hyperproxi­mité, avec des salles plus petites. L’objectif étant que chaque personne ait une salle à moins d’un quart d’heure de chez soi. Ici, le client ne vient pas chercher la performanc­e mais le bien-être, le “se sentir mieux”.

Le Mémento : Mais la crise du COVID-19 est venue chambouler le secteur. Quels sont les impacts liés à cette période trouble ?

Keep Cool en 2021, c’est 270 salles, un modèle hybride qui mixe succursale­s et franchisés... C’est aussi 1.500 salariés dont 70 à La Réunion et 120 millions € de chiffre d’affaires

D. A. : On a perdu entre 30 à 40% des clients adhérents depuis mars 2020. Mais le défi est justement là : partir à leur reconquête. Un objectif que l’on devrait atteindre d’ici 12 à 18 mois. En réalité, je suis plutôt confiant sur le marché qui se montre résilient.

La crise du Covid-19 a mis à mal le secteur mais a également révélé le besoin des Français de prendre “soin de soi”, leur “bien-être” est devenu une priorité. Et l’ambition est d’aller chercher ces nouveaux clients, avoir plus d’adhérents pour faire davantage de croissance et c’est pour cela que Keep Cool inaugure de nouvelles salles, malgré tout.

Le Mémento : On discerne bien votre envie de transforme­r Keep Cool. La dernière annonce en ce sens est d’en faire une “salle gratuite, pour tous”. Pouvez-vous nous expliquer cette innovation ?

D. A.: La crise sanitaire était un moment d’introspect­ion pour tous, également pour Keep Cool et au sortir de celle-ci on s’est posé une question structuran­te. On a donc décidé de revoir les statuts et de devenir une “entreprise à mission”, c’est-à-dire d’être plus qu’un acteur économique pour le territoire, agir aussi pour le social.

L’activité physique est le premier vecteur de protection immunitair­e, c’est un fait. Mais deux problèmes se posent : la seule pratique du sport est insuffisan­te pour un bienêtre complet, il faut aussi intégrer d’autres champs comme la nutrition et le mindset (état d’esprit), et un abonnement mensuel à une salle de sport n’est pas accessible à tous.

Partant de là, Keep Cool fait le pari d’offrir le “bien-être” à tous grâce à une nouvelle formule : le freemium. C’est-àdire que tout un chacun peut avoir accès à la salle de sport gratuiteme­nt, une fois par mois. Cette séance lui donne ensuite accès à tout l’écosystème digital de Keep Cool dans lequel il retrouve des séances de méditation, de relaxation, des conseils nutrition, des recettes, etc.

Via l’applicatio­n (qui devrait être disponible d’ici février 2022) ou le site Internet, le client pourra avoir accès à une offre digitale complète avec des cours de sport, des newsletter­s, des infos santé et bien-être et se rendre, s’il le désire, en salles. À l’instar de Spotify ou d’autres applicatio­ns, Keep Cool fait le pari de l’expérience, que celle-ci mènera les utilisateu­rs à basculer sur un système d’abonnement.

Le Mémento : C’est l’expérience qui fait la différence chez Keep Cool ?

D. A. : C’est exactement ça. L’expérience client en salle ou via les outils digitaux. Encore une fois, Keep Cool ne recherche pas la performanc­e, son leitmotiv c’est le “bien-être” de ses clients. Les salles sont des environnem­ents chaleureux, conviviaux, bienveilla­nts, il n’y a pas de miroir, pas de poids libres ni d’altères. Ici, c’est tout le monde qui est le bienvenu, de la mamie de 75 ans à l’adolescent, peu importe son rapport au corps. Keep Cool c’est “le partenaire bien-être de tous les Français”, via une approche holistique.

Le Mémento : Une dernière question. Il paraît que vous avez une troisième vie profession­nelle ?

D. A. : Oui, j’ai créé en parallèle de tout cela, un fonds d’investisse­ment afin d’identifier et de financer des projets porteurs qui ont envie de faire valoir leur savoir-faire et de les exporter.

À travers chacune de mes vies profession­nelles, je porte la même envie, la même conviction, celle qu’il existe de vrais talents à La Réunion, pas de substituti­on, mais des personnes capables de performer autant, voire mieux qu’en Métropole ou en Europe. Le fonds d’investisse­ment a par exemple soutenu Kelly Rangama et son restaurant étoilé Le Faham à Paris, ou encore le projet Wello d’Arnaud Chereau.

Je le répète parce que j’en suis intimement persuadé, si cela fonctionne il faut aller voir ailleurs, s’exporter. Le territoire est trop petit pour qui veut s’exprimer, il ne peut pas se suffire à lui-même, il n’est pas à la hauteur de ses talents. Mais cela suppose aussi des conviction­s et des actions plus politiques pour créer des passerelle­s, travailler à l’exportatio­n.

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© Photo Mémento

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