L’aphasie entrepreneuriale
La manie législative des gouvernements successifs, qui toujours prétendent charger la responsabilité pénale de l’entrepreneur, au prétexte d’un rétablissement social ou moral, dans l’espoir d’amadouer les esprits vindicatifs, voire paresseux, pour que ceux qui ne font pas grand-chose, jalousent peut-être moins ceux qui osent, a pour effet induit de cristalliser les dynamiques et favoriser une sorte d’aphasie entrepreneuriale.
Ce trouble, perturbant la communication, entraîne une sorte de paralysie face à l’ambition ou la volonté d’entreprendre. Si le futur chef d’entreprise, vierge de toute initiative, vient à se demander ce qui peut lui être reproché en tentant l’aventure entrepreneuriale, il y a fort à parier qu’il n’hésitera pas à… ne rien faire.
Pour les plus téméraires, le travail au noir sera une première solution car il semble paradoxalement moins risqué de ne pas déclarer son activité que de vouloir être simplement en règle. De fait si le chef d’entreprise est responsable, il l’est de vraiment tout… sauf de la météo ! La preuve : s’agissant des normes des produits qu’il utilise, il ne peut faire confiance à ses fournisseurs, il se doit d’ingurgiter tous les référencements, de contrôler tous les composants législatifs des produits, pour en déduire qu’ils sont aux normes. Et le plus lourd dossier reste celui des obligations sociales ! Il doit maîtriser, mieux que les juges des Prud’hommes, sous peine d’être lourdement condamné, l’ensemble des droits, tous favorables au salarié, lequel n’a pas à connaître un iota de ceux de son employeur… Le chef d’entreprise, malgré l’investissement colossal qu’on exige de lui, doit apprendre à oublier les devoirs contractuels du salarié, pour jouir d’une gestion sociale irréprochable en cas de conflit.
Souvent, pour ne pas dire toujours, le conflit arrive lorsqu’un salarié ne fait plus le travail tel que souhaité par le chef d’entreprise, mais plutôt à “sa” façon, qui peut être considérée comme administrativement correcte, sans correspondre pour autant aux ambitions ou à l’identité d’une société.
L’entrepreneur doit trouver - et cela dès l’embauche de son premier salarié - le courage de le gérer de façon diplomatique sous peine de le voir quitter son poste de travail, tant l’irresponsabilité est admissible du côté salarié.
Combien de fois a-t-on dit à un patron de ne pas poursuivre un salarié aux Prud’hommes ? Les juges considèrent-ils que le patron est, par nature, dans l’erreur, pour à ce point, le décourager de porter plainte contre un salarié ?
La législation, intrinsèquement orientée contre “le patron”, est à ce point protectrice des salariés, que s’il ose la démarche, mieux vaut qu’il ait reçu une formation digne d’un investigateur de l’inspection générale de l’administration, des plus perfectionnistes pour prouver sa bonne foi. Même les avocats spécialisés sont perdus tant la loi se complique de jour en jour. Si un salarié est absent sans prévenir, par exemple, le patron d’une petite entreprise aura bien du mal à le prouver. Nonobstant le fait qu’il lui faut maîtriser le jargon apte à traduire des faits simples en corpus juridique… Il y a encore les lois régissant son secteur d’activité que l’entrepreneur doit connaître sur le bout des doigts et réciter comme une fable, s’agisssant par exemple, de son véhicule… révisions, garage agréé, contrôles techniques, assurance… Du coup, il est vrai que la fiscalité en est reléguée à un niveau inférieur en termes de responsabilités, parce que pour payer il y a du monde dans les nombreux services administratifs qui se chargent de calculer pour vous. Malheureusement, si le chef d’entreprise prend le temps d’apprendre à bien compter, il se rendra compte, en vérifiant, qu’il existe en ce domaine beaucoup d’erreurs… en sa défaveur. Sans oublier que même l’entreprise à jour de tous ses devoirs financiers obligatoires n’est pas à l’abri de recevoir des mises en demeure… par erreur! Dans ce cas, évidemment, la responsabilité des administrations n’existe pas. Merci pour le stress pénal !
Bref, si le futur créateur veut vraiment bien faire et s’encombre le cerveau de tout ce fatras avant de se lancer, l’aphasie entrepreneuriale le guette sans aucun doute. Toutes ces responsabilités ne peuvent que paralyser les initiatives. Heureusement que l’âme d’un(e) chef(fe)d’entreprise se situe dans la confiance en son produit ou service, et dans l’envie de bien faire. Cela sauve de l’enfer des obligations. L’esprit d’entreprise ne se découvre pas à l’école, ni dans les arcanes des administrations ou de celles du législateur. Il est dans le coeur des personnes souhaitant être utiles à la communauté. Les lois doivent désormais protéger les initiatives et non plus les stopper. Encourager les porteurs de projets en réduisant sérieusement les incriminations pénales abusives doit être une priorité absolue.