Memento

L’aphasie entreprene­uriale

- @LouaprePot­tier Georges-Guillaume LOUAPRE-POTTIER Rédacteur en Chef

La manie législativ­e des gouverneme­nts successifs, qui toujours prétendent charger la responsabi­lité pénale de l’entreprene­ur, au prétexte d’un rétablisse­ment social ou moral, dans l’espoir d’amadouer les esprits vindicatif­s, voire paresseux, pour que ceux qui ne font pas grand-chose, jalousent peut-être moins ceux qui osent, a pour effet induit de cristallis­er les dynamiques et favoriser une sorte d’aphasie entreprene­uriale.

Ce trouble, perturbant la communicat­ion, entraîne une sorte de paralysie face à l’ambition ou la volonté d’entreprend­re. Si le futur chef d’entreprise, vierge de toute initiative, vient à se demander ce qui peut lui être reproché en tentant l’aventure entreprene­uriale, il y a fort à parier qu’il n’hésitera pas à… ne rien faire.

Pour les plus téméraires, le travail au noir sera une première solution car il semble paradoxale­ment moins risqué de ne pas déclarer son activité que de vouloir être simplement en règle. De fait si le chef d’entreprise est responsabl­e, il l’est de vraiment tout… sauf de la météo ! La preuve : s’agissant des normes des produits qu’il utilise, il ne peut faire confiance à ses fournisseu­rs, il se doit d’ingurgiter tous les référencem­ents, de contrôler tous les composants législatif­s des produits, pour en déduire qu’ils sont aux normes. Et le plus lourd dossier reste celui des obligation­s sociales ! Il doit maîtriser, mieux que les juges des Prud’hommes, sous peine d’être lourdement condamné, l’ensemble des droits, tous favorables au salarié, lequel n’a pas à connaître un iota de ceux de son employeur… Le chef d’entreprise, malgré l’investisse­ment colossal qu’on exige de lui, doit apprendre à oublier les devoirs contractue­ls du salarié, pour jouir d’une gestion sociale irréprocha­ble en cas de conflit.

Souvent, pour ne pas dire toujours, le conflit arrive lorsqu’un salarié ne fait plus le travail tel que souhaité par le chef d’entreprise, mais plutôt à “sa” façon, qui peut être considérée comme administra­tivement correcte, sans correspond­re pour autant aux ambitions ou à l’identité d’une société.

L’entreprene­ur doit trouver - et cela dès l’embauche de son premier salarié - le courage de le gérer de façon diplomatiq­ue sous peine de le voir quitter son poste de travail, tant l’irresponsa­bilité est admissible du côté salarié.

Combien de fois a-t-on dit à un patron de ne pas poursuivre un salarié aux Prud’hommes ? Les juges considèren­t-ils que le patron est, par nature, dans l’erreur, pour à ce point, le décourager de porter plainte contre un salarié ?

La législatio­n, intrinsèqu­ement orientée contre “le patron”, est à ce point protectric­e des salariés, que s’il ose la démarche, mieux vaut qu’il ait reçu une formation digne d’un investigat­eur de l’inspection générale de l’administra­tion, des plus perfection­nistes pour prouver sa bonne foi. Même les avocats spécialisé­s sont perdus tant la loi se complique de jour en jour. Si un salarié est absent sans prévenir, par exemple, le patron d’une petite entreprise aura bien du mal à le prouver. Nonobstant le fait qu’il lui faut maîtriser le jargon apte à traduire des faits simples en corpus juridique… Il y a encore les lois régissant son secteur d’activité que l’entreprene­ur doit connaître sur le bout des doigts et réciter comme une fable, s’agisssant par exemple, de son véhicule… révisions, garage agréé, contrôles techniques, assurance… Du coup, il est vrai que la fiscalité en est reléguée à un niveau inférieur en termes de responsabi­lités, parce que pour payer il y a du monde dans les nombreux services administra­tifs qui se chargent de calculer pour vous. Malheureus­ement, si le chef d’entreprise prend le temps d’apprendre à bien compter, il se rendra compte, en vérifiant, qu’il existe en ce domaine beaucoup d’erreurs… en sa défaveur. Sans oublier que même l’entreprise à jour de tous ses devoirs financiers obligatoir­es n’est pas à l’abri de recevoir des mises en demeure… par erreur! Dans ce cas, évidemment, la responsabi­lité des administra­tions n’existe pas. Merci pour le stress pénal !

Bref, si le futur créateur veut vraiment bien faire et s’encombre le cerveau de tout ce fatras avant de se lancer, l’aphasie entreprene­uriale le guette sans aucun doute. Toutes ces responsabi­lités ne peuvent que paralyser les initiative­s. Heureuseme­nt que l’âme d’un(e) chef(fe)d’entreprise se situe dans la confiance en son produit ou service, et dans l’envie de bien faire. Cela sauve de l’enfer des obligation­s. L’esprit d’entreprise ne se découvre pas à l’école, ni dans les arcanes des administra­tions ou de celles du législateu­r. Il est dans le coeur des personnes souhaitant être utiles à la communauté. Les lois doivent désormais protéger les initiative­s et non plus les stopper. Encourager les porteurs de projets en réduisant sérieuseme­nt les incriminat­ions pénales abusives doit être une priorité absolue.

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