Memento

Le monde a changé, l’habitat aussi

-

Nombreux sont celles et ceux, à La Réunion comme en Métropole à habiter des lieux pensés et/ou construits il y a plus de quarante ans. Depuis, les modes de vie ont bien changé tout comme la façon d’occuper l’espace. Où en est la quête de l’habitat idéal ? Quels sont les critères qui le définissen­t, sachant que celuici devra prendre en compte son environnem­ent et les enjeux de la société.

Le choix de vivre en périphérie ou en centrevill­e, dans un appartemen­t ou un pavillon, dépend des choix et des représenta­tions de chacun(e), de son mode de vie et de son imaginaire. Et quand on retrace l’histoire de l’urbanisme et de l’habitat à l’île de La Réunion, on voit qu’elle est indissocia­ble des problémati­ques contempora­ines, des enjeux politiques et de l’évolution de la société.

Le confort moderne.

Ainsi, l’époque coloniale a laissé l’empreinte des paillotes, des maisons de maître, des villas “créoles” au style néo-classique ou encore des premières petites cases. Puis la départemen­talisation a apporté le béton – matériau synonyme de solidité et de modernité, mais qui stocke la chaleur et la redistribu­e causant la surchauffe des maisons. L’île de La Réunion n’a pas échappé pas non plus à la politique des grands ensembles pouvant accueillir des centaines de personnes avec la promesse du “confort moderne”.

L’accroissem­ent de la population accélère l’urbanisati­on, sa densité, sa modernité mais crée une véritable rupture avec les modes d’habitats traditionn­els du départemen­t. Les barres d’immeubles sont synonymes d’hygiène, de vie à l’intérieur et en hauteur. C’est également l’époque des grandes opérations de logements sociaux, avec la naissance des quartiers tels que le Chaudron ou encore les Camélias, à Saint-Denis.

27% de lotissemen­ts.

Mais cette formule d’urbanisme moderne, homogène, uniforme à l’architectu­re fonctionne­lle et peu esthétique ne convient pas à tout le monde. Et en parallèle, se crée une autre façon de vivre avec l’apparition des maisons types, “Case Tomi” et “Case Satec” qui sortent rapidement de terre grâce à des préfabriqu­és et aux dispositif­s d’aides financière­s. Cette période marque également l’émergence des lotissemen­ts qui représente­nt le type d’habitat le plus présent à l’île de La Réu

nion (27%), quand en Métropole, un quart des Français vivent aussi en pavillon.

Le lotissemen­t offre un idéal de vie : un toit, quatre murs, une famille, un jardin individuel sans trop de promiscuit­é et un mode de déplacemen­t automobile. Aujourd’hui encore cet étalement urbain se poursuit, aussi bien dans la façon de construire que produire la ville à La Réunion. On dénombre plus de 170.00 maisons individuel­les sortant de terre en France, pour plus de 6.700 à La Réunion, venant ainsi agrandir toujours plus la zone grise entre la ville et la campagne, entre les Hauts et les Bas.

Le problème du zoning.

Mais si ce type d’habitat de “maison individuel­le”, répond au rêve d’accessibil­ité de la classe moyenne, pour autant, il n’est pas sans contrainte­s : accepter un cadre de vie contre une logistique lourde (embouteill­ages, temps de trajet, etc.), participer à la désertific­ation des centres-villes et aggraver la situation écologique (lire encadré). Lorsque l’on prend de la hauteur, on se rend compte que l’urbanisati­on se réalise par “zoning”, selon une vision de la “cité idéale” du Corbusier, qui avait défini, dès 1930 une vision de la “ville fonctionne­lle”, selon les principes de la charte d’Athènes qui établit les besoins de l’homme (dormir, travailler, se divertir et se déplacer).

Depuis plus de 50 ans, à La Réunion comme en Métropole, cette façon de penser la ville se répète : cités dortoirs, zones d’activités économique­s et liaisons routières, en omettant les lieux de rencontre, le tout sans aucune cohérence. Avec pour finalité la création d’un monde séparant les individus, aliénant et isolant mais surtout délitant le lien social.

La fin d’une époque.

Autour de la question de l’habitat idéal, c’est tout un modèle de société qui se fissure. Pour autant, le changement est possible et penser la ville de demain doit se faire en intégrant un urbanisme durable et non plus fonctionne­l. Selon l’urbaniste Stéphane Leclerc, “il faut avant tout améliorer l’existant (équipement, transport, lieux de vie), les réinvestir et les densifier, au besoin”.

Pour le Conseil d’Architectu­re d’Urbanisme et de l’Environnem­ent (CAUE) de La Réunion, ce modèle idéal devra répondre à plusieurs enjeux: maîtriser l’étalement urbain, développer de nouveaux types de déplacemen­ts, diversifie­r l’offre de logements et les fonctions et recréer le lien social. Il y a urgence à penser le remodelage de l’habitat sans négliger l’aspect écologique ; et surtout cesser d’imaginer qu’un seul et même mode d’habitation puisse être correspond­re à tous et à tous les âges de la vie.

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France