Deux parcours de résilience qui se retrouvent et se répondent
Alternant scènes de fiction et passages à la première personne où, une fois passés au tamis littéraire, se cristallisent histoire et ressentis très personnels, Isabelle Kichenin abolit les frontières et livre sa “vérité littéraire”.
L’intrigue de “Karma” repose sur l’histoire de Lucien, un petit garçon abandonné dans les années 50 à La Réunion. Placé dans une famille d’accueil d’instituteurs zoreils qui l’emmèneront en métropole, le Réunionnais n’aura de cesse de retrouver ses parents et son île. Un cheminement douloureux qui passera par le petit séminaire et la maison de correction.
Cette histoire a été inspirée à l’auteure à la réception du dossier de pupille de son père, luimême abandonné, et dont elle connaissait peu l’histoire. Un dossier qui bien qu’extrêmement lacunaire, allait provoquer chez la jeune femme, une émotion si violente qu’elle n’aura eu d’autre choix que de passer par la littérature pour atténuer le choc.
En parallèle à l’histoire de ce père de réparation, l’auteur livre le fruit d’un long et souvent douloureux travail d’introspection, d’acceptation et de réconciliation avec un père admiré mais aussi agresseur.
Loin de l’exercice insouciant et délicieux, ponctué par les fulgurances et les inspirations pour “Gourmande”, l’écriture de “Karma” s’est avérée éminemment plus laborieuse.
Au-delà de l’histoire à reconstituer, du travail d’introspection et de la nécessaire mise à distance des émotions émergeant, Isabelle Kichenin, soutenue par une bourse du Centre National du Livre, a consacré pas moins de 5 ans à finaliser son objet littéraire.
Bien que n’appréciant que très modérément les cadres, elle s’est tout particulièrement appliquée à structurer son propos et à ciseler son style. À ce sujet, elle explique avoir même pensé à travailler sans ponctuation, un voeu non partagé par son éditrice. Alors certes, si apparaissent bien ça et là quelques virgules, les phrases restent volontairement courtes pour atteindre directement leur cible : le coeur du lecteur.