Green Tech : pour un numérique responsable
Dans un monde qui se dégrade rapidement, le développement du numérique tel qu’il apparaît aujourd’hui, n’est tout simplement pas soutenable. Retour sur une notion émergente : la responsabilité numérique, avec Yannick Berezaie, DG d’Isodom, vice-président de Digital Réunion et vice-président RSE du Cluster Green.
Green IT, IT for green, sobriété numérique, obsolescence programmée, low tech… sont autant de concepts à avoir fait leur apparition au sein des stratégies territoriales. Car s’il apparaît comme un formidable vecteur de progrès économique et social, le numérique n’est pas sans reproches. Au-delà de représenter 10% de la consommation actuelle d’électricité à l’échelle mondiale, il est accusé d’être à l’origine de 4 % des émissions de gaz à effet de serre. La part d’Internet dans ces émissions équivalant à elle seule celle du transport aérien ! Pire encore, selon certaines projections, le numérique est attendu pour doubler ses émissions de GES d’ici à 2025 et tripler ses impacts environnementaux sur les sols, l’air, l’épuisement des ressources et de la biodiversité.
Pour un numérique plus respectueux de l’environnement, des solutions existent et s’articulent autour de deux volets principaux : Le Green IT et l’IT for Green.
Le premier champ s’intéresse aux solutions de réduction de
l’impact du numérique sur la planète et notamment son empreinte carbone. Cet impact repose, pour 2/3, sur le cycle de vie des matériels, quand 1/3 correspond aux usages, avec une lourde responsabilité incombant au fonctionnement des datacenters. “La consommation globale d’énergie de tous les datacenters de la planète, équivaut au rang 7 ou 8 des nations les plus consommatrices d’énergie ” explique
Yannick Berezaie.
Le Green IT relève donc de l’ambition de réduire l’impact environnemental des technologies comme de leur usage, quand de son côté, l’IT for green repose sur le développement de technologies innovantes (d’analyse, de prévention, de solution) qui pourraient être déployées au service de l’environnement. “Si le numérique est une partie du problème, il est également une partie de la réponse dans le sens où il peut aussi nous offrir d’agir de manière efficace sur les phénomènes liés au carbone, à l’énergie, aux déchets…” affirme
Yannick Berezaie.
Une consommation raisonnée. L’ambition d’un numérique responsable se traduit en démarche d’amélioration continue nécessaire dans l’objectif de réduire l’empreinte écologique, économique et sociale des TIC. Elle débute dès la conception des produits mais aussi des services, autour d’objectifs de performance, de durabilité, de réparabilité ou encore de conditionnement et de recyclage.
“Cette logique de seconde vie a d’ailleurs donné lieu à de belles réussites, de start-up, françaises notamment ”, précise Yannick Berezaie qui insiste : “Agir sur l’aspect du cycle de vie des équipements est primordial mais il doit s’accompagner de réflexions autour de l’usage ”. Dans le cadre d’une visio-conférence par exemple, n’allumer
la caméra que lorsque l’on prend la parole est une bonne pratique qui doit se généraliser. La conception des sites Internet doit relever de ces mêmes exigences en terme de sobriété. Plus ils génèrent de flux de données, plus ils sollicitent les datacenters, augmentant dans le même temps, la facture énergétique.
“Au-delà de lutter contre l’obsolescence des équipements et des systèmes, il nous faut également lutter contre la vétusté phycologique du fait de la nouveauté. Le consommateur est directement acteur du phénomène. Nombre de terminaux sont aujourd’hui mis au rebut parce qu’ils ne sont plus dans l’air du temps, quand bien même ils sont tout à fait opérationnels ” rappelle le vice-président du Cluster Green.
La Tech pour sauver la planète. Officiellement lancée en 2016 en France, sous l’égide du ministère de l’Environnement, la Green Tech rassemble autour d’une ambition : faire se rencontrer transition écologique et révolution numérique, des acteurs dont de nombreuses start-up, mobilisés pour proposer des solutions en matière environnementale. En local, la société de conseil en transformation numérique et environnementale ISODOM, dirigée par Yannick Berezaie, déploie par exemple le programme “Seize” en direction des entreprises. Le programme porte l’ambition d’accélérer le processus de transition énergétique du territoire en accompagnant ses entreprises et ses collectivités, au travers d’un monitoring en continu de la consommation doublé d’un plan d’amélioration avec mesure de la performance, sur le chemin de la maîtrise de leur dépense énergétique.
D’autres initiatives sont apparues, toujours à La Réunion, dans le domaine des déchets
par exemple, avec un projet de plateforme de mise en relation B to B, selon le principe : “ce qui est considéré comme un déchet pour l’un, peut apparaître comme une ressource pour l’autre ”.
Agir pour la planète mais aussi pour ses habitants. “Parler de numérique responsable ne se limite pas à être bienveillant envers la planète mais aussi vis-à-vis de ses habitants ” explique Yannick Berezaie évoquant la prévention des phénomènes de fracture numérique dont l’illectronisme : comment s’assurer de la continuité du service public par exemple. Ainsi, la Caf, Pôle Emploi, la CGSS, sont à l’origine
d’actions spécifiquement menées en direction des publics éloignés des outils numériques. C’est également le cas à l’échelle des entreprises, avec celles qui accompagnent la montée en compétences de leurs salariés sur les outils digitaux. “Le numérique responsable, c’est aussi ça. Ne laisser personne au bord du chemin” confirme Yannick Berezaie. “Et ce, d’autant plus que l’épisode de crise que nous venons de traverser a considérablement accéléré le processus de digitalisation de l’économie et de la société réunionnaise. Je pense même que nous sommes loin d’imaginer l’ampleur des bouleversements à venir”.
Bouleversements annoncés. La généralisation du télétravail est venue percuter les modèles d’organisation établis, obligeant chacun d’entre nous à interroger son rapport au travail : quand est-ce que je travaille, quand est-ce que je suis déconnecté ? D’ailleurs, ai-je le droit à cette déconnexion ? “La convergence des outils est telle, qu’aujourd’hui vous avez sur votre téléphone du très pro et du très perso. Le dimanche, entre lire le whatsapp d’un ami vous invitant à l’apéro et celui d’un collègue ayant oublié de vous dire quelque chose, la frontière est poreuse ” explique Yannick Berezaie qui confirme l’impact des usages digitaux sur le rapport au travail. “Les plages horaires de travail s’étendent, la pause déjeuner disparaît… tandis que fleurissent les solutions destinées à mesurer temps de connexion/ travail, dans le but de prévenir les phénomènes de sur-connexion ”.
Cela pose également le problème du travail, aujourd’hui rémunéré en heures travaillées : “Quand je suis en télétravail, je m’engage à délivrer une tâche, plus que je ne m’engage à être connecté de 8 à 18 h ” note le spécialiste qui conclut : “Bousculées par des logiques de résultats, les logiques de plages horaires vacillent… il en va de même de celles liées aux déplacements et à la reterritorialisation du travail, à l’heure où nous finissons par travailler partout, dans les tiers lieux, les transports en commun, les gares et les aéroports…”
Ce qui est considéré comme un déchet pour l’un, peut apparaître comme une ressource pour l’autre