Le CV du futur
Koann utilise la gamification et l’intelligence artificielle pour répondre aux problématiques de recrutement. Née à La Réunion et soutenue par l’Europe, la Région et le Département, l’innovation labellisée French Tech s’appuie sur un partenariat noué avec le CNRS dans le domaine des neurosciences. Présentation avec Eric Reocreux, à l’initiative du projet.
En 2018 en Europe, le jobboard est devenu le premier outil utilisé pour faire se rencontrer la demande et l’offre d’emploi. À La Réunion, le digital a-t-il également transformé le recrutement ? “Cela dépend des secteurs. Le BTP recrute encore beaucoup sur la base de CV papier. Le recrutement des cadres, lui s’opère toujours au travers du bouche-à-oreille. Côté digital, si l’utilisation de plateformes comme Linkedin, Domtomjobs ou encore Myjob en local est devenue un réflexe, ces outils opèrent toujours sur le principe des Cvthèques” constate Eric Reocreux. Fort d’une longue expérience entrepreneuriale, le dirigeant de Digitale Stratégie a posé le constat suivant : les recruteurs rencontrent toujours des difficultés, en particulier pour déterminer les savoir-être : “Parfois techniquement, les gens sont très bons mais en terme de comportement ça ne va pas du tout”.
Invariablement, chaque offre d’emploi émise se traduit par la réception d’une multitude de CV qui, en plus d’adopter des formes toutes différentes, intègrent pour 7 % d’entre eux des informations erronées, selon une étude menée à l’échelle européenne. L’apparition de plateformes proposant de faux diplômes n’arrange pas les choses…
Autre constat : “Un CV reste une photographie à l’instant T, alors que l’expérience intègre
des composantes savoir-faire et savoir-être qui évoluent constamment, à la hausse comme à la
baisse” analyse celui qui, il y a trois ans, a initié le projet Koann. Développée tout particulièrement à destination de la jeune génération (16-30 ans), l’innovation s’est adaptée aux habitudes digitales de ce public, et notamment un taux d’attention moyen (mesuré sur Facebook) établi à 8 secondes.
Sur le modèle d’un jeu vidéo. “Pour mesurer en continu les savoir-faire et savoir-être, il faut solliciter la personne constamment, mais
à petite dose” confirme le développeur qui a donc travaillé sur la question de la dopamine, pour concevoir son application mobile (téléchargeable sur les stores Apple et Androïd). Au nombre des avantages offerts par Koann : la possibilité de solliciter ses utilisateurs avec des notifications, ce que ne permet pas un site Internet classique.
L’expérience Koann débute par une quinzaine de questions destinées à définir un profil comportemental type. À l’issue de cette étape, l’utilisateur dispose de son avatar, un petit monstre qui va grandir au fur et à mesure de la progression dans l’appli. Plus l’utilisateur répond aux questionnaires, plus il accumule des badges et sécrète de la dopamine (à
La finalité de Koann n’étant que l’utilisateur se connaisse davantage et partage son CV et qu’on puisse lui proposer, en mobilisant l’IA, des offres d’emploi et/ ou de formations
l’image de ce qui se produit lorsqu’il reçoit un like sur les réseaux sociaux).
Afin d’être en mesure de solliciter ses utilisateurs chaque semaine sur une dizaine de questions, les développeurs de Koann se sont rapprochés d’un laboratoire lyonnais du CNRS, spécialisé dans les neurosciences comportementales.
L’évaluation des savoir-faire pour sa part, s’opère au travers d’auto-évaluations, appuyées sur le modèle ESCO, le référentiel européen de détermination des savoir-faire attendus par métier. Ayant renseigné ses expériences, l’utilisateur peut également se voir confirmer pour quel métier “il est fait”. Une fonctionnalité non négligeable pour une génération souvent désorientée. L’application génère ensuite un CV dynamique sous forme d’URL.
Une version évoluée de l’application proposera bientôt une fonction “matching”. “La finalité de Koann n’étant que l’utilisateur se connaisse davantage et partage son CV et qu’on puisse lui proposer, en mobilisant l’IA, des offres d’emploi et/ou de formations” explique le développeur. Au-delà de déterminer si l’on matche avec une offre d’emploi et de permettre de postuler directement en ligne, le calcul d’un taux de matching offrira de détecter les besoins de formations et de lister les établissements susceptibles d’y répondre. L’occasion pour les acteurs de la formation professionnelle, continue notamment, d’adapter leurs contenus aux besoins réels de formations sur le territoire, mais également d’anticiper les besoins liés aux métiers de demain.
Une version professionnelle. En parallèle au développement de l’offre grand public, gratuite “et qui le restera”, les développeurs de Koann déploient une offre spécifique à destination des professionnels :
Les centres de formation peuvent ainsi, au travers d’un espace pro sur Internet, procéder à la mise en place des sessions de job dating en direction d’étudiants. Ces derniers, une fois leurs tests réalisés, seront intégrés à la plateforme.
“En plus d’offrir aux acteurs de la formation un moyen de recrutement innovant, la solution assure le suivi d’efficacité de la formation comme attendu dans le cadre de la norme Qualiopi. En outre, ces derniers peuvent, suite à une notification, procéder à la certification des diplômes délivrés” détaille Eric Reocreux.
Autre cible : les opérateurs qui recrutent beaucoup, à l’image des agences de travail intérimaire pour qui le traitement du CV papier constitue une tâche particulièrement chronophage.
Troisième cible : les grosses entreprises qui ne souhaitent pas voir leurs salariés partir pour la concurrence peuvent mobiliser Koann en mode intra (l’utilisateur n’est pas visible de l’extérieur), en appui à leurs entretiens annuels d’évaluation ou encore à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le tout, en disposant d’une vision plus précise des besoins réels de leurs salariés et de leurs envies puisque le système va aussi chercher les savoir-faire issus des passions et loisirs pratiqués.