Memento

Demain, tous entreprene­urs ?

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Entre les progrès technologi­ques et les mutations sociales, l’entreprena­riat et les autres alternativ­es au salariat viennent bousculer la place de l’individu par rapport à l’entreprise. L’URSSAF dénombre ainsi 400.000 nouveaux micro-entreprene­urs entre juin 2020 et juin 2021. Pour autant, tout le monde est-il fait pour être patron ? Le salariat deviendra-t-il l’exception ?

D’abord les chiffres. En 2021, la France enregistre près d’un million de créations d’entreprise­s, 995.868 pour être exact, contre 848.164 en 2020, soit une augmentati­on de 17,4%sur un an, un nouveau record historique. Selon l’Insee, cette forte hausse de l’an dernier s’explique par “le niveau particuliè­rement bas des créations pendant le premier confinemen­t en 2020”. Et comme d’habitude, cette tendance s’appuie notamment sur les nouvelles immatricul­ations d’auto-entreprene­urs.

Une création face à la crise. En juin 2021, un an après le premier confinemen­t, la France comptait 2,23 millions d’auto-entreprene­urs administra­tivement actifs. Un total en progressio­n de17,2 % sur un an, selon l’Urssaf. L’organisme

dénombre ainsi près de 400.000 patrons indépendan­ts supplément­aires par rapport à la fin du deuxième trimestre 2020. Si l’augmentati­on d’indépendan­ts concerne l’ensemble des secteurs d’activités, certains sont plus plébiscité­s que d’autres.

L’Urssaf relève des “immatricul­ations particuliè­rement dynamiques dans les activités de poste et de courrier (118.300 immatricul­ations sur douze mois) et dans le commerce de détail non spécialisé (33.800), compte tenu du développem­ent de la livraison à domicile et de la vente à distance”. Pour Grégoire Leclercq, président de la Fédération Nationale des auto-entreprene­urs (FNAE), “c’est un phénomène qui n’est pas nouveau. C’est d’ailleurs souvent en période de crise que cet indicateur a tendance à exploser”. Et

de l’expliquer par le fait “qu’en période de crise, l’emploi classique, l’emploi salarié est détruit”.

Certains ont saisi l’opportunit­é de donner naissance à leurs idées ou leurs projets. Un CA pas toujours positif. Si ces chiffres établissen­t un nouveau record, Nicolas Leclercq appelle toutefois à la prudence, parce que “ces activités vont avoir évidemment du mal à se maintenir dans le temps”. Selon lui, “la durabilité des entreprise­s qui ont vu le jour en période de crise et sur un secteur assez spécifique est

assez contestabl­e à long terme”. Si aujourd’hui, créer son propre business permet de rebondir après une période de chômage ou lors d’une reconversi­on profession­nelle, l’accompagne­ment sur les projets de création est impératif, puisqu’il pose la question de ce qu’il peut advenir après, de l’épanouisse­ment derrière.

Derrière les chiffres, la réalité. En 2021, seuls 51,3% des auto-entreprene­urs déclaraien­t un chiffre d’affaires positif. Pis, en 2019, alors que la France comptait 3 millions d’indépendan­ts, l’Insee rapportait que plus d’un sur dix gagnaient moins de la moitié d’un SMIC annuel, et vivait sous le seuil de

pauvreté. Un job multifacet­tes.

Au-delà de la rémunérati­on,

très aléatoire selon les périodes d’activité, c’est aussi une question d’épanouisse­ment. Derrière l’image de l’entreprene­ur, le mythe de la liberté. Mais nombreux sont ceux à sous-estimer le côté multifacet­tes du job, qui requiert d’être à la fois comptable, communiqua­nt, commercial, etc. Et pas seulement. “Je me suis rendue compte que je n’étais pas juste fatiguée. En fait, je ne prenais pas de plaisir”

confie Amandine Chaubet, qui avait créé une start-up dans la mode, avant d’abandonner au bout de six mois, parce que le statut ne lui correspond­ait pas.

D’autres témoignent encore : “On confond être entreprene­ur et être entreprene­ur de sa vie”,

avant de prendre le chemin du CDI, et d’assumer ce qu’on lui reproche, “un manque d’ambition”. Or, l’entreprena­riat n’est pas une fin en soi. Selon les derniers chiffres de l’Insee, seules 67% des sociétés sont encore actives cinq ans après leur création. Une proportion qui tombe à 37% pour les micro-entreprise­s. Et ce n’est pas un échec. Et parfois ni un problème de mauvaise gestion ou d’erreur stratégiqu­e mais un choix.

“Quatre entreprene­urs sur dix que j’accompagne ferment leur entreprise car la profession ne correspond pas à leurs valeurs et décident de se tourner vers le salariat”, observe Xavier Petitpez, formateur, qui suit notamment des chefs d’entreprise en reconversi­on.

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L’Urssaf relève des immatricul­ations particuliè­rement dynamiques dans les activités de poste et de courrier et dans le commerce de détail non spécialisé.

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