Plus c’est cher, mieux c’est ?
Marc Tézenas, directeur d’Automobiles Réunion, qui commercialise entre autres les marques Renault, Dacia et Jeep sur le territoire, analyse le marché, qui vit sa pire crise depuis plus d’un demi-siècle selon les experts, et où “les logiques d’alors n’exis
Sur le marché automobile, les mois se suivent et se ressemblent. Ou presque. Les ventes de voitures neuves ont encore reculé en France, sur le premier semestre 2022, par rapport à la même période de 2021, déjà elle-même vue comme un mauvais cru. À La Réunion, le marché recule de 6% avec un total de 18.150 véhicules neufs immatriculés, “il recule, certes mais fait mieux que la Métropole” assure Marc Tézenas, directeur d’Automobiles Réunion.
Des marques dynamiques. Dans ce micmac, les marques du groupe parviennent tout de même à tirer leur épingle du jeu, “Renault et Dacia gagnent des parts de marché, en progressant respectivement de 0,4% et 1,5%, un bon premier semestre” ponctue quant à lui, Sylvère Artus, directeur commercial et marketing chez Renault. Ici, pas de miracle, un simple constat : le marché local supporte mieux la crise que les confrères de l’Hexagone.
Et la raison est simple : l’île de La Réunion étant une zone d’exportation, les stocks tampons, obligatoires pour le marché, ont permis de niveler les livraisons et de mieux gérer les retards de production, quand en Métropole, le marché varie selon les commandes. “Les résultats reflètent les livraisons” estime ainsi Marc Tézenas, “avec de bons acheminements sur Dacia, moins efficaces sur Renault, mais dans l’ensemble le groupe parvient à gérer cette période de crise”.
Des bons chiffres. Dans le détail, on note que Renault conserve sa place de second, avec 2.438 véhicules vendus entre janvier et juin 2022, – dont 1.901 pour les particuliers et 537 pour les utilitaires, et Dacia occupe la quatrième place du classement avec 1.217 immatriculations (1.199 en VP et 18 en VU). Avec un podium inchangé pour les véhicules les plus plébiscités : la Clio V, la Sandero et le Duster.
Si les chiffres sont bons, le directeur d’Automobiles Réunion n’en reste pas moins réaliste sur la situation actuelle du marché automobile, local et international: à quand la reprise et un contexte normal ? “Nul ne peut le prédire, l’avenir est illisible et les constructeurs font face à une double contrainte”, explique Marc Tézenas. La pénurie de puces électroniques d’une part, et
l’escalade de la cadence qu’impose l’Europe sur la production des véhicules dits non polluants dans la perspective de zéro voiture thermique en 2035, d’autre part.
L’abolition des règles établies. Le directeur d’Automobiles Réunion rejoint les propos d’autres experts sur le sujet : produire de plus en plus de véhicules électriques, pour répondre à la demande et à la législation, soulève un risque de pénuries de matières premières à la fabrication des batteries. “Rien ne sert de spéculer et d’alarmer” temporise pour autant Marc Tézenas, mais une chose est sûre, “les règles que l’on connaissait n’existent plus”.
Au National, Stellantis et Renault entendent ainsi rompre avec la logique de volume au profit de la valeur. “Nous avons choisi de privilégier les véhicules qui font le plus de marge, au détriment des autres. C’est le meilleur moyen de protéger l’entreprise” estimait le patron du groupe Stellantis, Carlos Tavares, dans un entretien au mois de juillet.
Un avenir électrique. Renault, de son côté, assure tirer l’avantage d’une “stratégie de la valeur”. Sa politique tarifaire lui a fait gagner 3,3 points de chiffre d’affaires [résultats au national, NDLR] et s’appuie sur la montée en puissance de nouveaux modèles hybrides (Arkana, notamment) et électriques (Megane E-Tech), qui représentent 36 % des ventes. La marge opérationnelle devrait atteindre 5 % en 2022 et contribuer à “accélérer la métamorphose” du groupe, selon Luca de Meo, le nouveau DG de la marque au losange.
Entre inflation, pénurie, nouvelle stratégie, le prix de l’automobile ne cesse d’augmenter en France (et à La Réunion). Ainsi, le coût d’acquisition aujourd’hui est plus élevé, “mais ce n’est pas vrai en termes de rapport qualité prix” explique Marc Tézenas. Un véhicule totalement dépouillé n’existe plus désormais ; il est doté de multiples fonctions et technologies – certaines rendues obligatoires par l’UE, comme les aides à la conduite. Les contraintes environnementales et sécuritaires augmentent donc les prix, mais aussi la performance et la qualité des voitures.
Un contexte historique. Pour autant, le patron de Renault à La Réunion, se veut optimiste, “le coût des batteries automobiles a réduit de moitié en quinze ans. Il est fort à parier que cela va continuer de diminuer, et qu’avec les subventions de l’État, la voiture revienne à un prix normal”. Pour lui, il n’y a pas de doute, l’électrique est en passe de devenir la norme, “c’est un produit fiable et confirmé”, où il existe désormais un grand choix et une vraie concurrence, “c’est une vraie solution à long terme” à l’île de La Réunion.
Ainsi, si l’avenir du secteur automobile est incertain, pour Marc Tézenas, “la période est passionnante – par sa vitesse transformation, ses changements, ses vérités qui n’en sont plus et de voir l’adhésion des consommateurs à ce contexte”. C’est indéniable, le marché vit un moment historique.
Nous avons choisi de privilégier les véhicules qui font le plus de marge, au détriment des autres. C’est le meilleur moyen de protéger l’entreprise