Memento

UN VISIONNAIR­E DANS LE COMMERCE DE GRANDES MARQUES

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Issu d’une grande famille d’industriel­s du Nord de la France, Guy Arnaud était en avance sur son temps. Il arrive à Madagascar en 1961 et à La Réunion en 1963 pour y ouvrir une agence Coroi (aujourd’hui groupe Marbour) suite à la rencontre de Marcelin Bourdillon. Un de ses fils, Alain, évoque le parcours de cet entreprene­ur et directeur commercial hors du commun.

L’histoire de Guy Arnaud se confond avec celle de La Réunion contempora­ine, l’histoire de son développem­ent commercial et industriel. Né à Lille le 6 avril 1940, Guy Arnaud grandit dans une grande famille ch’ti, les Delannoy, propriétai­re d’une usine de production textile. Il grandit avec ses grands-parents maternels, sa mère étant occupée par la gestion de l’usine avec ses deux frères. Sa mère décède alors qu’il est âgé de 14 ans. Il est envoyé à Lyon, en pension chez les Jésuites, où il obtient son bac de lettres puis il intègre l’école supérieure de commerce. “C’était un homme dur mais juste. Si on faisait une bêtise, il ne prenait pas notre défense”, témoigne Alain.

En 1959, il fait son service militaire à Fréjus puis il est envoyé en Algérie, alors en pleine guerre. “Il a perdu de nombreux amis ces années-là, il n’en parlait pas du tout”. Détaché de l’état-major, il arrive à Tananarive en 1961 pour former des officiers et sous-officiers malgaches. Par ailleurs, le jeune homme brillant donne des cours de droit commercial à la faculté de la capitale. C’est là qu’il rencontre Marcelin Bourdillon, fondateur de Coroi Madagascar. Il est embauché comme responsabl­e matériaux et constructi­on et monte rapidement les échelons au sein de la société. C’est lui qui va ouvrir la première agence Coroi à La Réunion, alors peu développée.

Expérience­s & famille & engagement­s

“Il tombe amoureux de la secrétaire de direction qui deviendra ma maman, une fille de commerçant­s chinois de Saint-Joseph”, raconte Alain. En 1967, il repart en Métropole où il travaille chez Yoplait en tant que directeur régional Rhône-Alpes. “Mais ma mère a le mal du pays, alors mes parents reviennent à La Réunion avec deux petits garçons dans les valises, mon frère Philippe et moi”. Guy Arnaud assure deux années à la direction commercial­e de Covino (distribute­ur de vin) puis deux autres à la Soric (société réunionnai­se d’industrie et de commerce).

Pionnier du commerce de marques, il rejoint le groupe Netter en 1976 puis le partenaire local Sogerep (société d’importatio­n & distributi­on), groupe dans lequel il va rester 20 ans avec une étape en Côte d’Ivoire et au Sénégal. “Dans ce grand groupe, il sera payé à sa juste valeur”, explique Alain.

Quand il revient en 1983 à La Réunion, il fait tout pour sauver la Sogerep, suivi par ses collaborat­eurs et clients qui apprécient son expérience et sa personnali­té. “Le 11 juin 1986, maman décède… Mon frère et moi décidons alors de revenir pour être présents auprès de notre père”, révèle Alain. Un an plus tard, il créé en associatio­n avec Netter, Sodexma, sa société d’exploitati­on de marques (Martini & Rossi puis marques de parfumerie et produits de beauté). Guy Arnaud prend sa retraite en 1993 mais ne reste pas inactif. Il aide chacun de ses fils dans la création et la gestion de leur société, Sodem pour Alain et Medialight pour Philippe, entreprise de services numériques (digitalisa­tion et e-commerce) devenue incontourn­able à La Réunion.

Guy Arnaud s’investira encore plus de dix ans dans l’enseigneme­nt catholique au travers de son engagement comme président du CA du lycée agricole privé Cluny de Sainte-Suzanne. Il contribuer­a à la création du BTS commerce internatio­nal et des filières Bac Pro, formant ainsi toute une génération aux métiers de la grande distributi­on.

“C’était un homme fort qui ne comptait pas ses heures, une référence dans son domaine et un bon père de famille. Il fut mon premier patron mais ne nous a jamais pistonné mon frère et moi. Au contraire, il était plus dur avec moi qu’avec ses employés. C’est lui qui m’a formé, boosté, façonné. Très croyant, il était ouvert sur tous les sujets, cultivé, doté d’un sens de l’humour certain et d’une joie de vivre”, témoigne avec émotion son cadet. Guy Arnaud appartient à cette génération de patrons paternalis­tes et humanistes avec une obsession en ligne de mire : faire évoluer et former les Réunionnai­s. Parti le 23 novembre 2021, il repose auprès de sa femme, au cimetière de La Possession, conforméme­nt à son souhait, partagé à ses enfants de son vivant.

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© Photo D.R. Guy Arnaud à son bureau dans la maison familiale à La Possession dans les années 1987.
 ?? © Photo D.R. ?? En 1988, Guy Arnaud fait venir des kilts et les fait porter aux commerciau­x pour la promotion d’une marque de whisky à La Réunion.
© Photo D.R. En 1988, Guy Arnaud fait venir des kilts et les fait porter aux commerciau­x pour la promotion d’une marque de whisky à La Réunion.
 ?? © Photo D.R. ?? Guy Arnaud, à droite, lors de la remise du prix à un tournoi sportif à Dakar en 1981.
© Photo D.R. Guy Arnaud, à droite, lors de la remise du prix à un tournoi sportif à Dakar en 1981.

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