Memento

Un porte-conteneurs à voile dans l’océan Indien

Le navire Windcoop, long de 85 mètres, a été optimisé pour atteindre les meilleures performanc­es de navigation à la voile. Opérationn­el sur la ligne France-Madagascar en 2025, ce cargo est le premier d’une flotte de navires bas-carbone répondant aux enjeu

- Propos recueillis par : GGLP

Le Mémento : Comment cette compagnie maritime a-t-elle vu le jour et quel est le montant d’investisse­ment?

Nils Joyeux : Windcoop est née de ma rencontre avec Matthieu Brunet dirigeant d’Arcadie, une entreprise désireuse de décarboner le transport des épices bio qu’elle importe de Madagascar vers la France, principale­ment avec Phael Flor, en collaborat­ion avec le Symabio.

Matthieu m’a contacté via un ami commun, Julien Noé, dans l’idée de développer son voilier. Avec Julien Noé, président fondateur d’Enercoop, coopérativ­e fournisseu­r français d’énergie d’origine renouvelab­le, nous avons décidé de monter une nouvelle compagnie maritime organisée en coopérativ­e.

Ce modèle économique offre la possibilit­é à tous les citoyens, entreprise­s et structures publiques de devenir sociétaire­s (c’est-à-dire d’investir dans le projet et le bateau) et ainsi de contribuer directemen­t à la transition écologique du secteur maritime. Matthieu fut rapidement convaincu et Windcoop fut lancé en mai 2022.

Le Mémento : Quelle est la capacité totale maximum et quelles sont les rotations prévues ?

N. J. : Notre navire de 85 mètres de long pourra transporte­r 104 conteneurs de 20 pieds, soit environ 1.400 tonnes de fret et nous envisageon­s cinq rotations par an.

La rotation Madagascar-France d’une durée de 30 jours et dont nous prévoyons un minimum de 5 rotations par an, représente­ra un total de 14 000 tonnes de marchandis­es transporté­es par an.

Le Mémento : Le marché métropolit­ain répondra-t-il seul aux attentes de remplissag­e ou existe-t-il un marché sur Madagascar ?

N. J. : A l’heure actuelle, nous avons de nombreuses intentions de chargeurs pour remplir le navire depuis Madagascar qui transporte­ra majoritair­e

ment de la marchandis­e de bouche, des épices (cannelle, poivre, curcuma, vanille, gingembre... dont celles d’Arcadie), du cacao, des produits de l’aquacultur­e, des fruits et légumes ainsi que du textile et des huiles essentiell­es. Depuis la France, nous transporte­rons des produits pour la grande distributi­on alimentair­e, de la verrerie, des effets personnels et des matières première textiles notamment.

Le Mémento : La desserte maritime s’étendra-t-elle à la région (Réunion, Maurice, Mayotte) ?

N. J. : Pour l’heure, nous n’avons pas prévu d’autres escales dans la région, mais nous espérons rapidement mettre sur l’eau un second navire pour davantage de rotations. A ce moment, nous déciderons peut-être de diversifie­r nos escales.

Le Mémento : Qu’est-ce qui vous différenci­e de vos concurrent­s ? Quels sont vos principaux atouts (prix, rotations) ?

N. J. : Nous sommes la seule compagnie maritime à proposer une ligne directe, sans transborde­ments en 30 jours, c’est donc un atout majeur, en plus d’offrir le service de transport le plus rapide entre la France et Madagascar ainsi qu’un transport en conteneurs avec des économies d’énergie aussi importante­s.

Sur la ligne France-Madagascar, nos prévisions sur le design actuel indiquent en moyenne 60% d’économie de carburant ce qui revient à 724 tonnes de CO2 de moins que le même navire opéré 100% au moteur pour une vitesse moyenne de 8 noeuds. Ceci équivaut à moins de 2g de CO2 émis par tonne de marchandis­e transporté­e sur un kilomètre.

Notre différenci­ation repose donc sur le fait de pouvoir garantir à nos clients un transport direct, sans transborde­ment permettant un suivi de la marchandis­e et des conditions de stockage optimales pour les marchandis­es fragiles ; de proposer une liaison rapide entre Madagascar et l’Europe ; de permettre à nos clients de bonifier le cycle de vie de leurs produits en assurant un tronçon maritime bas-carbone valorisant les produits malgaches.

Le Mémento : Qui sont les actionnair­es et prévoyez-vous une ouverture du capital aux acteurs régionaux ?

N. J. : Windcoop est une coopérativ­e donc nous parlons de sociétaire­s. Aujourd’hui Windcoop regroupe plus de 1100 sociétaire­s, des citoyens qui s’engagent pour la transition écologique mais aussi de nombreuses entreprise­s (nos clients).

Le Mémento : L’objectif du bilan bascarbone n’est-il pas un frein à la rapidité des rotations ?

N. J. : Absolument pas ! Dans la mesure où nous développon­s une ligne directe. Même en allant moins vite, avec une vitesse moyenne de 8 noeuds, nous offrons un temps de transit court. De plus, l’usage de la voile ne vient pas altérer la fiabilité de notre service car nous développon­s un navire mixte avec un appui moteur en cas d’absence de vent, qui nous permet de conserver une vitesse constante de 8 noeuds et d’estimer avec précision nos dates d’arrivée. C’est dans ces conditions que nous réalisons 60% d’économie

Notre différenci­ation repose donc sur le fait de pouvoir garantir à nos clients un transport direct, sans transborde­ment permettant un suivi de la marchandis­e et des conditions de stockage optimales pour les marchandis­es fragiles

d’énergie (sur certains trajets nous pourrons en réaliser davantage, sans appui moteur en conservant notre vitesse). Par ailleurs, l’Organisati­on Maritime Internatio­nale (OMI) va imposer à tous les navires internatio­naux de commerce de réduire leur impact carbone de 40 % d’ici à 2030, et de 70 % d’ici à 2050 (par rapport à 2008). Sans transition énergétiqu­e majeure de leurs flottes, les autres armateurs seront contraints de ralentir leurs navires.

Le Mémento : Quels sont les ports dans lesquels vous débarquere­z et embarquere­z de la marchandis­e ?

N. J. : Nous prévoyons des escales dans plusieurs ports malgaches : Majunga, Diego Suarez et Toamasina. C’est un vrai positionne­ment de notre part de faire escale dans les ports secondaire­s, moins desservis par les compagnies traditionn­elles. Pour cela, nous avons choisi de construire un bateau autonome en manutentio­n pour le chargement et le déchargeme­nt grâce à une grue directemen­t intégrée sur le pont du navire.

Ce choix stratégiqu­e nous a permis de signer des lettres d’intention avec de nombreux clients malgaches qui sont à la recherche de solutions de proximité régulières et compétitiv­es leur évitant un transport routier ou maritime jusqu’à Toamasina.

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© Photo D.R.
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© Photo D.R. Nils Joyeux.
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