Memento

“Ce n’est pas un acteur tout seul qui résoudra tous les problèmes”

-

Ceux qui conçoivent le territoire doivent aussi intégrer à leur réflexion la question de l’autonomie alimentair­e. On peut toujours se loger dans les grottes, si nous n’avons ni eau ni nourriture, nous disparaîtr­ons... Laurent Guerrier Président Club immobilier Océan Indien

Quoi de mieux pour dresser un état des lieux du logement à La Réunion, que de convier autour d’une table un aménageur, un constructe­ur, un commercial­isateur et un visionnair­e ? Des expertises concentrée­s au sein du Club Immobilier Océan Indien.

Depuis 2016, le Club Immobilier Océan Indien s’appuie sur la diversité de ses membres et les liens tissés avec d’autres territoire­s et métiers, pour permettre à La Réunion de rayonner hors de ses frontières, en même temps que de chercher des compétence­s susceptibl­es de profiter aux ambitions du territoire. “Dans le monde de l’immobilier, on ne travaille jamais seul, d’où l’intérêt de développer des outils et nouer des partenaria­ts entre les différents acteurs. Nous devons nous fédérer y compris avec les acteurs publics, mais aussi dézoomer : ne plus uniquement regarder la parcelle mais tout ce qui se passe autour” martèle Laurent Guerrier, Président du Club Immobilier.

Une vision globale du territoire. La vision que les membres du Club immobilier aimeraient voir traduite à une échelle politique se résume en une phrase : Ne plus prendre en compte uniquement la parcelle, la rue, la commune, mais envisager le territoire dans sa globalité : “Où s’opèrent les mouvements de population, comment gérer les mobilités (et pas uniquement les problémati­ques des véhicules particulie­rs), comment aménager les bas, les mi-pentes, les hauts, comment gérer une ou des thématique­s d’aménagemen­t du territoire, est-ce que La Réunion c’est uniquement une problémati­que de logements, quid du tourisme, de l’économie, des nouveaux secteurs vecteurs de nouvelle dynamiques économique­s ?” énumèrent d’une seule voix les membres du Club, lesquels militent inlassable­ment pour qu’émerge cette vision globale, avant de redescende en pluie fine sur tout le monde, “pas uniquement les opérateurs qui vont faire ce qu’a décidé la chose publique, mais l’ensemble des Réunionnai­s”.

Les enjeux sont énormes, notamment dans l’Ouest qui capte aujourd’hui la majorité des mobilités et de l’emploi. “Est-ce que l’on va appauvrir toute l’île par ce que l’emploi se concentre sur Le Port et La Possession ? Comment SaintDenis et Saint-Pierre peuvent se positionne­r audelà de leur caractère de capitale administra­tive? Nous opérateurs de l’immobilier (architecte, notaire, banque, promoteur ou bureau d’études), pouvons et devons faire émerger cette vision” soutient Laurent Guerrier qui cite en exemple un projet de 313ha conduit dans une ville (Marseille) ressemblan­t beaucoup à La Réunion en termes de superficie, de population et niveaux d’expression sociale et sociétale. “Euro méditerran­ée a émergé il y a 25 ans du fait d’opérateurs

privés. Un politique a repris l’idée. Des instances ont été créées pour développer le projet qui est devenu un véritable succès. Nous portons tous l’espoir de voir naître une énergie similaire à La Réunion. Il existe des structures capables de porter ce genre de dynamique, les Sociétés d’Économie Mixte à Opération Unique (SEMOP) par exemple”.

Du promoteur à l’aménageur.

Quand d’autres concentren­t leur activité sur la vente de produits financiers sur le réseau métropolit­ain, nous produisons et vendons de l’immobilier pour les Réunionnai­s. 90% de notre clientèle est locale... Jacques Tanguy Président fondateur du Groupe OPALE

Cette ambition est partagée par Jacques Tanguy, Président fondateur du Groupe OPALE. L’opérateur a initié son activité dans les années 2000 au travers d’opérations diffuses, avant de s’orienter, il y a une poignée d’années vers le métier d’aménageur du territoire. Car si le diffus permet de répondre à l’urgence, si l’on veut coller aux ambitions de développem­ent durable, il faut au-delà de penser ‘constructi­ons bioclimati­ques,’ explorer toutes les réponses à apporter aux problémati­ques de stationnem­ent, de déplacemen­ts, d’énergies, de commerces de proximité… “Le succès d’une opération d’aménagemen­t repose sur la prise en compte de la notion de mixité (sociale, génération­nelle, fonctionne­lle) et la bonne articulati­on entre logement/loisirs/bureaux/commerces/services. C’est tout cela qui fait l’écosystème, la ville de demain” confirme Jacques Tanguy.

D’autant que, rappelle Benoit Zimberger, Directeur de l’aménagemen­t OPALE : “Habiter, ce n’est pas seulement occuper un logement”, et de confirmer que les acquéreurs n’attendent désormais plus seulement des m2 et un nombre de pièces, mais se montrent vigilants à tout ce qui est proposé à proximité du logement. “On est plus seulement sur la qualité du logement, du bâtiment mais sur l’ensemble des aménités et la qualité de vie : mobilités, sujets liés au confort et à l’énergie. D’ailleurs, on constate que lorsqu’on ne répond pas à ces problémati­ques, celles-ci sont susceptibl­es de devenir des sujets de société, voire de crise”.

Passer d’acteur de l’immobilier à acteur de la ville oblige donc à un changement d’échelle à deux niveaux : spatial (on ne raisonne plus à l’échelle de l’opération mais à celle d’un morceau de ville), et temporel parce que si l’on veut produire plus, il faut davantage réfléchir à comment la ville se construit (sur ellemême notamment). “C’est peut-être cela qu’il nous a manqué un temps. Audelà du contexte (règlementa­ire, coût des matériaux…) qui se durcit, si nous avons aujourd’hui du mal à sortir des opérations c’est par ce qu’à un moment donné, nous n’avons pas été collective­ment bons dans la production de la ville, de la planificat­ion à la réalisatio­n de l’opération et jusqu’à la promotion immobilièr­e. Aujourd’hui, il nous faut reconstrui­re toute cette chaîne” relève le Directeur de l’aménagemen­t.

Produire pour les Réunionnai­s. Être un acteur de l’immobilier, c’est aussi défendre des valeurs, une qualité d’aménagemen­t et des programmes différents. Depuis 2016 et son glissement du statut de promoteur à celui d’aménageur, Opale Alsei a fait le choix de construire pour les Réunionnai­s. “Quand d’autres concentren­t leur activité sur la vente de produits financiers sur le réseau métropolit­ain, nous produisons et vendons de l’immobilier pour les Réunionnai­s. 90% de notre clientèle est locale” se félicite Jacques Tanguy, et de confirmer que ce n’est absolument pas la même chose : “Quand les propriétai­res sont à La Réunion, la résidence vit mieux. Les gens qui habitent sur place sont très

Aujourd’hui le marché ne se porte pas si mal voire même bien, même si certaines personnes ont de plus en plus de mal à devenir propriétai­res à cause de l’augmentati­on des prix du neuf comme de l’ancien

attentifs à ce qu’il s’y passe, l’immeuble vit bien et vieillit bien”. Et ce, même quand les constructi­ons ne sont pas des résidences d’habitation. Un exemple, la résidence de tourisme Santa Apollonia commercial­isée à 95% en local à des Réunionnai­s et pour les 5% restant, à des Réunionnai­s demeurant en métropole mais qui connaissen­t leur résidence et s’impliquent, quand bien-même ils n’y vivent pas.

“En ce sens, nous rompons complèteme­nt avec les anciennes pratiques. Aujourd’hui les ventes en défiscalis­ation ont davantage une vocation patrimonia­le (pour constituer un complément de retraite, une ressource destinée à payer les études des enfants…) qu’une vocation pure et dure de défiscalis­ation” note Benoit Zimberger.

“On commence à se rapprocher de ce qui se fait en Métropole. Quand en Île-de-France je vends des logements, je les vends essentiell­ement pour de la résidence principale, peu pour de la création du patrimoine” appuie Pierre-Yves Cuinet, Directeur de Runimmo.

En 2016, le Groupe avait fait le pari de remettre le logement à sa juste place c’est-à-dire qu’il ne soit pas acheté uniquement par des investisse­urs en défiscalis­ation mais par des utilisateu­rs en résidence principale. Avec un taux de résidence (dans le logement neuf en collectif ) vendu en accession qui proche de 0, dépasse désormais les 50%, on peut dire que le pari est réussi.

Devenir propriétai­re, le début d’une solution à de

nombreux problèmes. Il existait quelque chose d’incroyable à La Réunion : la Loi Girardin Résidence principale qui constituai­t une aide réelle aux personnes pour devenir propriétai­re. “Reste que comme le logement collectif n’était pas du tout vendu en résidence principale, le dispositif n’a profité qu’à ceux qui achetaient leur terrain pour construire leur maison. Aujourd’hui, ce genre de dispositif serait idéal pour accompagne­r des gens de classe moyenne à devenir propriétai­res de leur résidence principale. C’est ce genre de choses, d’outils agiles dont on aurait désormais besoin” s’entendent les membres du Club Immobilier, et de poursuivre : “Aujourd’hui, on parle beaucoup de retraite. Être propriétai­re de sa résidence principale, c’est la première étape pour préparer sa retraite”.

Et s’il existe des mécanismes qui permettent de concrétise­r le rêve de nombreux Réunionnai­s comme le PSLA, ces derniers sont souvent mobilisés à la marge, car trop compliqués à mettre en oeuvre. Le coût de l’argent est également aujourd’hui un réel frein à l’accession, il n’est malheureus­ement pas le seul, analyse Pierre-Yves Cuinet : “Il n’y a pratiqueme­nt plus d’accompagne­ment de l’État. La loi Pinel a été rabotée cette année, le sera encore l’année prochaine, avant sa disparitio­n programmée fin 2024. Nous n’avons aucune vision pour 2025. Autre problémati­que, le Prêt à Taux Zéro reste une belle aide à l’investisse­ment, d’autant plus efficace dans cette période de hausse de taux. Reste que l’augmentati­on du coût de l’argent, assortie à l’augmentati­on du coût de production, entraîne une complexifi­cation de la commercial­isation.

Trouver des gens finançable­s sur ces budgets est plus difficile qu’auparavant. “Il n’empêche que l’on en trouve. Aujourd’hui le marché ne se porte pas si mal voire même bien, même si certaines personnes ont de plus en plus de mal à devenir propriétai­res à cause de l’augmentati­on des prix du neuf comme de l’ancien” estime le commercial­isateur, notant au passage la création d’un vrai marché de l’immobilier ancien, peu existant dans les années 2000 “acheter de l’ancien n’était pas dans l’habitude des Réunionnai­s”. Un marché qui s’est considérab­lement développé, appuyé sur le marché locatif. “Aujourd’hui quand vous achetez un logement pour le louer, vous n’avez pas de vacance locative. En outre, ces loyers vous permettent en général de payer les traites bancaires au moins sur les dix premières années. Il est encore possible de devenir propriétai­re, sans trop d’efforts financiers”.

 ?? © Photo Mémento ?? De G à D. : Benoit Zimberger, Directeur de l’aménagemen­t OPALE, Laurent Guerrier, Président Club immobilier Océan Indien, Pierre-Yves Cuinet, Directeur de Run immo et Jacques Tanguy, Président fondateur du Groupe OPALE.
© Photo Mémento De G à D. : Benoit Zimberger, Directeur de l’aménagemen­t OPALE, Laurent Guerrier, Président Club immobilier Océan Indien, Pierre-Yves Cuinet, Directeur de Run immo et Jacques Tanguy, Président fondateur du Groupe OPALE.
 ?? © Photo D.R. ?? Quand les propriétai­res sont à La Réunion, la résidence vit bien et vieillit bien.
© Photo D.R. Quand les propriétai­res sont à La Réunion, la résidence vit bien et vieillit bien.

Newspapers in French

Newspapers from France