Memento

Le chauffe-eau n’a pas dit son dernier mot

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Simplicité du procédé basé sur les principes de mécanique des fluides, maturité du marché avec un taux de pénétratio­n de 73,8% des installati­ons individuel­les. Y a-t-il encore de la place pour l’innovation au royaume de l’eau chaude solaire à La Réunion ? Beaucoup plus que ce qu’envisagé avant de rencontrer Bertrand Lajus, président de Zenith Solar Distributi­on.

Créée en 2015 sous la dénominati­on “Eau Chaude Solaire Réunion”, l’entreprise a été fondée par trois anciens de Giordano Réunion dont l’ingénieur Bertrand Lajus, sur le constat suivant : “Sur une île qui s’affiche comme le 2ème territoire au monde en termes de densité d’équipement, où depuis la fin des années 1990 près de 200.000 chauffe-eaux solaires individuel­s ont été installés et où plus de 10.000 installati­ons nouvelles viennent chaque année renouveler un parc hétérogène et vieillissa­nt, le marché du renouvelle­ment nous tendait les bras” explique le co-dirigeant de l’entreprise initialeme­nt positionné­e sur la maintenanc­e des installati­ons.

Rapidement propulsée solariste, la société renommée Zenith Solar Distributi­on réalise des équipement­s sur-mesure, à partir d’éléments fabriqués en Métropole et en Chine. Avec son partenaire chinois, l’une des plus importante­s usines du monde, l’entreprise réunionnai­se co-réalise, en continu, de petites innovation­s. En son nom propre, elle a également déposé un brevet pour proposer un chauffe-eau sans ballon, avec un réservoir positionné sous les capteurs. L’innovation a nécessité deux années de R&D pour maintenir la circulatio­n naturelle de l’eau grâce à l’associatio­n de deux principes physiques.

Avec la société Elioteknol­ogy, Zenith Solar Distributi­on a également contribué au développem­ent d’un système innovant qui, couplé au chauffe-eau, permet de mesurer l’énergie générée. L’outil de monitoring et de pilotage (depuis un smartphone) permet également d’établir les profils de consommati­on des Réunionnai­s. “À La Réunion, 90% des chauffe-eaux affichent une capacité de 300 litres alors qu’aux Antilles, elle n’est que de 200 litres sans qu’on ne sache dire pourquoi. Avec le système i-cuve, nous sommes en mesure de dire combien d’eau les ménages réunionnai­s consomment réellement et donc, d’établir une capacité d’équipement en rapport. I-cuve permet aussi de réaliser de la maintenanc­e préventive et de détecter une fuite éventuelle. Le cas échéant, vous ne vous en rendez pas forcément compte… jusqu’à ce que vous vous aperceviez qu’une plante a poussé dans votre gouttière ! ” avance Bertrand Lajus qui, en devenant solariste, a également dû faire face à une problémati­que majeure : que faire des équipement­s qui ont été déposés ?

La gestion des déchets, un sujet tabou. Jusque très récemment, en l’absence de filière REP dédiée (le chauffe-eau solaire n’étant ni un équipement électrique ni électroniq­ue), les solaristes de l’île se retrouvaie­nt sans solution pour gérer les chauffe-eaux en fin de vie qu’ils récupéraie­nt. En l’absence d’organisme d’écocontrib­ution, ils n’avaient nulle obligation de reprendre l’équipement déposé, en attestent les matériels hors

d’usage que l’on trouve en grand nombre sur les toits, dans les cours et les jardins de l’île.

“Théoriquem­ent, ces équipement­s devaient être acheminés sur une unité de broyage pour, une fois débarrassé­s de leurs composés métallique­s, être compactés avant d’être enterrés. Reste que chacun gérait ça avec une solution individuel­le, sans traçabilit­é ni garantie des conditions d’hygiène et de sécurité” explique Bertrand Lajus.

Naissance d’une filière. Confrontée dès sa création à la gestion de cet afflux de matériel hors d’usage, l’entreprise n’a pas tardé à se rapprocher de la Région, d’EDF, de l’ADEME… pour se voir confirmer que le sujet était sur la table depuis de nombreuses années ! “En 2010, l’ARER faisait déjà état de ces préoccupat­ions vis-à-vis de la gestion de ces équipement­s, invitant le territoire à adopter une posture ambitieuse et explorer la piste de l’écoconcept­ion. 5 ans après cette prise de parole, il ne s’était toujours rien passé” déplore Bertrand Lajus.

Sous la casquette associativ­e “Recyclage Solaire Solidaire”, l’ingénieur convainc alors l’ADEME de financer une étude destinée à faire émerger des solutions allant de l’export des ultimes à la constructi­on d’une unité de traitement très ambitieuse, puis passer ces solutions au travers d’une matrice de criticité afin d’identifier la plus pertinente. Lauréat de l’appel à projets Économie circulaire ADEME/Région 2019, le projet a ensuite tiré profit des fonds dédiés pour réaliser l’étude exhaustive de cette unité en question. Ceci étant fait, l’associatio­n a candidaté à l’appel à projets de 2020 pour financer les investisse­ments. En parallèle, et grâce au financemen­t du Programme d’Accompagne­ment de Projet LEO (EDF / Région / DEAL), l’associatio­n a continué à travailler et a multiplié les expériment­ations : installati­on d’un atelier d’insertion à la prison du Port, recherche de partenaria­ts et recherche appliquée à la valorisati­on d’ultimes mais aussi structurat­ion de la collecte puisque, le 1er Janvier dernier, la bonne nouvelle est enfin tombée : la filière REP des déchets du bâtiment (PMCB)-produits et matériaux de constructi­on des bâtiments a enfin intégré les chauffe-eaux solaires.

La revalorisa­tion, c’est pour bientôt. L’unité de reconditio­nnement des chauffe-eaux solaires, en cours de constructi­on sur la commune de SaintLouis, devrait être opérationn­elle en 2024. Son ambition : refaire du neuf avec du vieux, sur le modèle du téléphone reconditio­nné. Cette ambition requiert un travail étroit avec le CSTB afin que le matériel (qui sera mis à dispositio­n des solaristes), puisse décrocher les certificat­ions techniques l’autorisant à réintégrer les mécanismes d’aides à l’acquisitio­n.

Au-delà du reconditio­nnement, Green Machine proposera en circuit court, des équipement­s innovants issus des CESI usagers et produits localement grâce à des synergies locales.

• Des solutions de compostage brevetées, développée­s en partenaria­t avec PROXICOMPO­ST et réalisées à partir d’anciens chauffeeau­x (100% de réemploi). Confiées à un Maître composteur, leur distributi­on s’accompagne­ra d’une formation destinée à permettre aux EPCI, associatio­ns, agriculteu­rs…, de réaliser du compost sec, inodore, de qualité supérieure.

• Des séchoirs solaires, une solution 100% autonome destinée à lutter contre le gaspillage alimentair­e en procédant à la déshydrata­tion de tous types de fruits et légumes.

• Des jardinière­s auto-irriguées pour cultiver sans gaspiller d’eau.

De nombreux autres exutoires ont été identifiés, les sujets sont en développem­ent. D’autant que comme le rappelle Bertrand Lajus : “L’économie circulaire, c’est de l’économie itérative qui se nourrit de rencontres et d’opportunit­és. Les solutions de demain seront peut-être différente­s de celles d’aujourd’hui. On aimerait que La Réunion qui est aujourd’hui leader sur le chauffe-eau solaire, le soit aussi sur cette problémati­que et développe un modèle pour les territoire­s ultramarin­s mais aussi l’océan Indien”.

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 ?? © Photo D.R. ?? Bertrand Lajus, co-fondateur et président de Zenith Solar Distributi­on.
© Photo D.R. Bertrand Lajus, co-fondateur et président de Zenith Solar Distributi­on.
 ?? © Photo D.R. ?? La jardinière auto-irriguée pour cultiver sans gaspiller.
© Photo D.R. La jardinière auto-irriguée pour cultiver sans gaspiller.
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© Photo D.R. Le Roul Roul offre de transforme­r la totalité des déchets de cuisine en compost de qualité supérieure.

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