Auto-entrepreneur, avantages et inconvénients
CE STATUT, INSTAURÉ EN 2009 POUR SIMPLIFIER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS INDÉPENDANTES, À MOINS DE SUCCÈS AUJOURD’HUI AUPRÈS DES CRÉATEURS D’ENTREPRISE QUE LORS DE SON LANCEMENT. QUELS SONT LES VRAIS ATOUTS ET LES LIMITES DE CE RÉGIME ?
De moins en moins de créateurs d’entreprise choisissent de se lancer sous le statut d’auto-entrepreneur. Après une forte baisse des inscriptions en 2015 (− 21 %), le repli a toutefois marqué le pas en 2016
(− 0,3 %). Et selon l’insee, trois ans après leur immatriculation au début 2010, seuls 30 % des auto-entrepreneurs étaient toujours en activité sous ce régime. Les atouts présumés de ce régime seraient-ils infondés ou uniquement temporaires ?
UN STATUT OUVERT À TOUS
Le régime de l’auto-entrepreneuriat a été instauré pour faciliter la création d’une entreprise individuelle, que l’activité soit exercée à titre principal ou complémentaire. Il s’adresse à tous, à partir de l’âge de 16 ans (avec autorisation parentale). Il offre ainsi la possibilité de cumuler une activité commerciale, artisanale ou libérale avec un statut de salarié, de demandeur d’emploi, d’étudiant ou de retraité, ce qui l’a rendu très prisé.
Les bémols : toutes les activités ne peuvent pas être exercées sous ce régime, notamment celles des professions réglementées (huissiers de justice, médecins…) et les activités agricoles. De plus, mieux vaut l’éviter lorsque le risque financier est important car, sauf à prendre des dispositions particulières avec son notaire, les biens personnels ne sont pas protégés. Seule la résidence principale est devenue insaisissable, comme pour tous les entrepreneurs individuels, grâce à la loi Macron du 6 août 2015. Par ailleurs, « il n’est pas possible d’avoir un ou des associés sous le régime fiscal de la micro-entreprise », précise Xavier Delpech, auteur de l’ouvrage Auto-entrepreneur – micro-entrepreneur 2017-2018, aux éditions Delmas.
DES DÉMARCHES SIMPLES
L’inscription se fait rapidement en ligne sur lautoentrepreneur.fr. Après ses études, Nicolas a exercé à temps plein sous ce régime en tant que concepteur graphique, de 2012 à 2015 : « J’ai apprécié la facilité et la gratuité de l’inscription, et le peu de risques associés à ce statut. » Valéry Lontchi, avocate associée du Cabinet Légalix, confirme : « Si on ne dégage pas de chiffre d’affaires, on ne paie ni charges sociales ni impôt.» Et l’auto-entrepreneur ne facture jamais de TVA, donc ne la récupère pas. Grâce à ce régime simplifié, les obligations comptables sont allégées. Reste qu’il faut ouvrir un compte bancaire affecté à son activité d’auto-entrepreneur.
Les bémols : pour François Hurel, président de l’union des auto-entrepreneurs, « les
mesures prises pour réformer ce statut ont créé une instabilité juridique, l’ont complexifié et ont contribué à ralentir sa progression ». La loi Pinel du 18 juin 2014 impose ainsi à ceux qui souhaitent exercer une activité commerciale ou artisanale de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Deuxième contrainte : l’obligation, pour se lancer dans l’artisanat, de justifier de sa qualification professionnelle et d’effectuer un stage de préparation à l’installation (SPI). Son coût varie entre 200 et 300 euros, hors aides financières éventuelles. « La loi Sapin II du 9 décembre 2016 a toutefois assoupli la mesure, explique Xavier Delpech. Après la demande de stage obligatoire, la chambre des métiers a trente jours pour le faire débuter. L’auto-entrepreneur qui n’aura pas pu l’effectuer dans ce délai sera tout de même immatriculé. » Enfin, l’auto-entrepreneur, indépendamment de la nature de son activité, doit acquitter (sauf exceptions) la cotisation foncière des entreprises (CFE). Cette taxe, variable selon le lieu, n’est pas directement liée au chiffre d’affaires, mais vient réduire les recettes.
UNE COUVERTURE SOCIALE ADAPTÉE
Les cotisations sociales sont calculées, chaque mois ou chaque trimestre, selon un pourcentage fixe du chiffre d’affaires brut réalisé : en 2017, 13,1 % pour les activités de vente, 22,7 % pour les prestations de services, 22,5 % pour les activités libérales relevant de la Cipav. S’y ajoute une contribution à la formation professionnelle : 0,10 % pour les commerçants, 0,20 % pour les libéraux, 0,30 % pour les artisans. Cela présente le double avantage de ne rien devoir si l’on ne vend rien et de savoir exactement ce que l’on doit au fur et à mesure. Par ailleurs, les demandeurs d’emploi qui bénéficient de l’aide aux chômeurs qui créent ou reprennent une entreprise (accre) ont droit à une exonération partielle et dégressive de leurs charges sociales pendant trois ans.
Les bémols : cette couverture sociale forfaitaire peut se révéler insuffisante, notamment parce que les cotisations sont calculées sur des montants de chiffre d’affaires en moyenne peu élevés. « Depuis 2016, il est possible de verser une cotisation minimale, y compris en cas de chiffre d’affaires faible, voire nul, afin d’améliorer sa protection sociale, rappelle Xavier Delpech.
Mais cela ne vaut qu’en matière d’indemnités journalières, d’invalidité-décès et de droits à la retraite de base. Et ce n’est pas forcément rentable. » De plus, l’auto-entrepreneur ne cotise pas à l’assurance-chômage. S’il veut pallier le risque de cessation d’activité involontaire, il doit souscrire une assurance perte d’emploi, en pesant bien son coût et les prestations qui y sont attachées. Par exemple, la cotisation forfaitaire mensuelle de la garantie sociale des chefs et dirigeants d’entreprise (GSC) s’élève à 39 euros en 2017. Partiellement déductible des impôts, elle ouvre droit à 476 euros d’indemnités pendant douze mois.
Cumuler activité d’auto-entrepreneur et emploi salarié peut sembler intéressant au regard de la protection sociale. En réalité, l’avantage est mince : seule la cotisation obligatoire à un régime de retraite complémentaire des indépendants permet d’engranger des droits supplémentaires.
Pour le reste, cette double affiliation est surtout synonyme de cotisations à fonds perdus, car les remboursements de frais de santé et les indemnités pour congé maternité, par exemple, ne se cumulent pas.
UN STATUT TEMPORAIRE
Dès l’origine, un seuil de chiffre d’affaires annuel était prévu, au-delà duquel le statut d’auto-entrepreneur devait être abandonné. En 2017, il ne faut pas dépasser 82 800 euros effectivement encaissés pour les activités de vente, et 33 100 euros pour les prestations de services.
Ces chiffres valent pour une année complète d’activité, à proratiser si l’auto-entrepreneur s’est lancé en cours d’année.
Les bémols : la plupart des autoentrepreneurs n’atteignent jamais ces seuils. Selon l’acoss, la Caisse nationale du réseau des Urssaf, 57,5 % des auto-entrepreneurs actifs ont déclaré, à la fin juin 2016, un chiffre d’affaires trimestriel moyen de 3 446 euros, soit moins de 14 000 euros par an.
Même en s’investissant pleinement dans un projet porteur, ceux qui ont choisi l’autoentreprise rencontrent des freins au développement inhérents au statut. D’abord, une certaine frilosité des banques qui leur prêtent plus difficilement, sauf à apporter un business plan très bien préparé. Ensuite, ce statut ne permet pas de déduire ses charges. Il ne convient donc pas à l’embauche de salariés ni aux activités nécessitant des investissements importants. Enfin, ne pas pouvoir récupérer la TVA est un frein lorsqu’on doit s’outiller, par exemple. L’alternative ? Opter pour un statut d’entreprise de droit commun, comme une SARL, à définir avec un avocat ou un expert-comptable. Cela peut être plus adapté, dès le départ, à certaines activités, ou s’imposer lorsque la microentreprise franchit les plafonds de chiffre d’affaires, mais les démarches sont plus complexes et plus coûteuses.