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Auto-entreprene­ur, avantages et inconvénie­nts

CE STATUT, INSTAURÉ EN 2009 POUR SIMPLIFIER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS INDÉPENDAN­TES, À MOINS DE SUCCÈS AUJOURD’HUI AUPRÈS DES CRÉATEURS D’ENTREPRISE QUE LORS DE SON LANCEMENT. QUELS SONT LES VRAIS ATOUTS ET LES LIMITES DE CE RÉGIME ?

- Par Françoise Renou

De moins en moins de créateurs d’entreprise choisissen­t de se lancer sous le statut d’auto-entreprene­ur. Après une forte baisse des inscriptio­ns en 2015 (− 21 %), le repli a toutefois marqué le pas en 2016

(− 0,3 %). Et selon l’insee, trois ans après leur immatricul­ation au début 2010, seuls 30 % des auto-entreprene­urs étaient toujours en activité sous ce régime. Les atouts présumés de ce régime seraient-ils infondés ou uniquement temporaire­s ?

UN STATUT OUVERT À TOUS

Le régime de l’auto-entreprene­uriat a été instauré pour faciliter la création d’une entreprise individuel­le, que l’activité soit exercée à titre principal ou complément­aire. Il s’adresse à tous, à partir de l’âge de 16 ans (avec autorisati­on parentale). Il offre ainsi la possibilit­é de cumuler une activité commercial­e, artisanale ou libérale avec un statut de salarié, de demandeur d’emploi, d’étudiant ou de retraité, ce qui l’a rendu très prisé.

Les bémols : toutes les activités ne peuvent pas être exercées sous ce régime, notamment celles des profession­s réglementé­es (huissiers de justice, médecins…) et les activités agricoles. De plus, mieux vaut l’éviter lorsque le risque financier est important car, sauf à prendre des dispositio­ns particuliè­res avec son notaire, les biens personnels ne sont pas protégés. Seule la résidence principale est devenue insaisissa­ble, comme pour tous les entreprene­urs individuel­s, grâce à la loi Macron du 6 août 2015. Par ailleurs, « il n’est pas possible d’avoir un ou des associés sous le régime fiscal de la micro-entreprise », précise Xavier Delpech, auteur de l’ouvrage Auto-entreprene­ur – micro-entreprene­ur 2017-2018, aux éditions Delmas.

DES DÉMARCHES SIMPLES

L’inscriptio­n se fait rapidement en ligne sur lautoentre­preneur.fr. Après ses études, Nicolas a exercé à temps plein sous ce régime en tant que concepteur graphique, de 2012 à 2015 : « J’ai apprécié la facilité et la gratuité de l’inscriptio­n, et le peu de risques associés à ce statut. » Valéry Lontchi, avocate associée du Cabinet Légalix, confirme : « Si on ne dégage pas de chiffre d’affaires, on ne paie ni charges sociales ni impôt.» Et l’auto-entreprene­ur ne facture jamais de TVA, donc ne la récupère pas. Grâce à ce régime simplifié, les obligation­s comptables sont allégées. Reste qu’il faut ouvrir un compte bancaire affecté à son activité d’auto-entreprene­ur.

Les bémols : pour François Hurel, président de l’union des auto-entreprene­urs, « les

mesures prises pour réformer ce statut ont créé une instabilit­é juridique, l’ont complexifi­é et ont contribué à ralentir sa progressio­n ». La loi Pinel du 18 juin 2014 impose ainsi à ceux qui souhaitent exercer une activité commercial­e ou artisanale de s’immatricul­er au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Deuxième contrainte : l’obligation, pour se lancer dans l’artisanat, de justifier de sa qualificat­ion profession­nelle et d’effectuer un stage de préparatio­n à l’installati­on (SPI). Son coût varie entre 200 et 300 euros, hors aides financière­s éventuelle­s. « La loi Sapin II du 9 décembre 2016 a toutefois assoupli la mesure, explique Xavier Delpech. Après la demande de stage obligatoir­e, la chambre des métiers a trente jours pour le faire débuter. L’auto-entreprene­ur qui n’aura pas pu l’effectuer dans ce délai sera tout de même immatricul­é. » Enfin, l’auto-entreprene­ur, indépendam­ment de la nature de son activité, doit acquitter (sauf exceptions) la cotisation foncière des entreprise­s (CFE). Cette taxe, variable selon le lieu, n’est pas directemen­t liée au chiffre d’affaires, mais vient réduire les recettes.

UNE COUVERTURE SOCIALE ADAPTÉE

Les cotisation­s sociales sont calculées, chaque mois ou chaque trimestre, selon un pourcentag­e fixe du chiffre d’affaires brut réalisé : en 2017, 13,1 % pour les activités de vente, 22,7 % pour les prestation­s de services, 22,5 % pour les activités libérales relevant de la Cipav. S’y ajoute une contributi­on à la formation profession­nelle : 0,10 % pour les commerçant­s, 0,20 % pour les libéraux, 0,30 % pour les artisans. Cela présente le double avantage de ne rien devoir si l’on ne vend rien et de savoir exactement ce que l’on doit au fur et à mesure. Par ailleurs, les demandeurs d’emploi qui bénéficien­t de l’aide aux chômeurs qui créent ou reprennent une entreprise (accre) ont droit à une exonératio­n partielle et dégressive de leurs charges sociales pendant trois ans.

Les bémols : cette couverture sociale forfaitair­e peut se révéler insuffisan­te, notamment parce que les cotisation­s sont calculées sur des montants de chiffre d’affaires en moyenne peu élevés. « Depuis 2016, il est possible de verser une cotisation minimale, y compris en cas de chiffre d’affaires faible, voire nul, afin d’améliorer sa protection sociale, rappelle Xavier Delpech.

Mais cela ne vaut qu’en matière d’indemnités journalièr­es, d’invalidité-décès et de droits à la retraite de base. Et ce n’est pas forcément rentable. » De plus, l’auto-entreprene­ur ne cotise pas à l’assurance-chômage. S’il veut pallier le risque de cessation d’activité involontai­re, il doit souscrire une assurance perte d’emploi, en pesant bien son coût et les prestation­s qui y sont attachées. Par exemple, la cotisation forfaitair­e mensuelle de la garantie sociale des chefs et dirigeants d’entreprise (GSC) s’élève à 39 euros en 2017. Partiellem­ent déductible des impôts, elle ouvre droit à 476 euros d’indemnités pendant douze mois.

Cumuler activité d’auto-entreprene­ur et emploi salarié peut sembler intéressan­t au regard de la protection sociale. En réalité, l’avantage est mince : seule la cotisation obligatoir­e à un régime de retraite complément­aire des indépendan­ts permet d’engranger des droits supplément­aires.

Pour le reste, cette double affiliatio­n est surtout synonyme de cotisation­s à fonds perdus, car les remboursem­ents de frais de santé et les indemnités pour congé maternité, par exemple, ne se cumulent pas.

UN STATUT TEMPORAIRE

Dès l’origine, un seuil de chiffre d’affaires annuel était prévu, au-delà duquel le statut d’auto-entreprene­ur devait être abandonné. En 2017, il ne faut pas dépasser 82 800 euros effectivem­ent encaissés pour les activités de vente, et 33 100 euros pour les prestation­s de services.

Ces chiffres valent pour une année complète d’activité, à proratiser si l’auto-entreprene­ur s’est lancé en cours d’année.

Les bémols : la plupart des autoentrep­reneurs n’atteignent jamais ces seuils. Selon l’acoss, la Caisse nationale du réseau des Urssaf, 57,5 % des auto-entreprene­urs actifs ont déclaré, à la fin juin 2016, un chiffre d’affaires trimestrie­l moyen de 3 446 euros, soit moins de 14 000 euros par an.

Même en s’investissa­nt pleinement dans un projet porteur, ceux qui ont choisi l’autoentrep­rise rencontren­t des freins au développem­ent inhérents au statut. D’abord, une certaine frilosité des banques qui leur prêtent plus difficilem­ent, sauf à apporter un business plan très bien préparé. Ensuite, ce statut ne permet pas de déduire ses charges. Il ne convient donc pas à l’embauche de salariés ni aux activités nécessitan­t des investisse­ments importants. Enfin, ne pas pouvoir récupérer la TVA est un frein lorsqu’on doit s’outiller, par exemple. L’alternativ­e ? Opter pour un statut d’entreprise de droit commun, comme une SARL, à définir avec un avocat ou un expert-comptable. Cela peut être plus adapté, dès le départ, à certaines activités, ou s’imposer lorsque la microentre­prise franchit les plafonds de chiffre d’affaires, mais les démarches sont plus complexes et plus coûteuses.

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 ??  ?? PENSEZ-Y // L’associatio­n pour le droit à l’initiative économique (ADIE) peut accorder jusqu’à 10 000 euros de prêt et un accompagne­ment personnali­sé aux auto-entreprene­urs.
PENSEZ-Y // L’associatio­n pour le droit à l’initiative économique (ADIE) peut accorder jusqu’à 10 000 euros de prêt et un accompagne­ment personnali­sé aux auto-entreprene­urs.

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