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Dois-je devenir propriétai­re avant la retraite ?

ISABELLE VIENT DE RECEVOIR 25 000 EUROS DE SES PARENTS. À 43 ANS, ELLE PENSE QUE LE TEMPS EST VENU D’ACCÉDER À LA PROPRIÉTÉ. MAIS AVEC SA CAPACITÉ D’EMPRUNT MODESTE, ELLE SE DEMANDE SI C’EST VRAIMENT LE MEILLEUR CALCUL.

- Par Roselyne Poznanski

Célibatair­e, sans enfant, salariée d’un cabinet d’expertise-comptable, Isabelle loue un appartemen­t dans le centre-ville de Bordeaux. Récemment, elle a reçu 25 000 euros de don familial de la part de ses parents. À 43 ans, elle ne cesse d’entendre dire qu’il faut posséder sa résidence principale avant l’âge de la retraite. Mais les prix de l’immobilier sont assez élevés dans sa ville. Elle s’interroge sur la charge financière d’un crédit qu’elle devra rembourser seule, d’autant qu’elle ne souhaite pas réduire son train de vie. Elle cherche à savoir si l’acquisitio­n d’un logement est pour elle la meilleure démarche à entreprend­re.

ACHETER UN APPARTEMEN­T POUR Y VIVRE

Isabelle loue depuis plus d’une dizaine d’années un deux-pièces de 45 m2 près de la place Gambetta, dans le centre-ville de Bordeaux. Le loyer – 420 euros par mois, charges comprises – est relativeme­nt modeste comparé à ceux demandés actuelleme­nt sur le marché. Il est surtout parfaiteme­nt supportabl­e au regard de ses revenus de 1 705 euros net mensuels sur treize mois. Ces conditions ont jusqu’à présent détourné Isabelle de l’idée d’accéder à la propriété, d’autant qu’elle n’est pas prête à se priver pour cet objectif. Mais aujourd’hui, les 25 000 euros de don d’argent familial qu’elle a reçus de ses parents représente­nt un apport permettant d’envisager un crédit plus facilement. Isabelle souhaite rester aux environs de la place Gambetta, située en plein coeur de la ville et prévue pour devenir en partie un espace piétonnier : le prix au mètre carré y est actuelleme­nt de 3 800 euros environ. Elle peut y acheter un logement, mais moins grand que celui qu’elle occupe actuelleme­nt. Si elle tient compte de son 13e mois de salaire, sa capacité d’emprunt

lui autorise des remboursem­ents de 610 euros par mois. Pour faire face aux inévitable­s dépenses liées à une acquisitio­n immobilièr­e

(travaux de rénovation, taxe foncière, éventuel ravalement, etc.), il est toutefois prudent qu’elle conserve 10 000 euros sur les 25 000 euros reçus.

Après de multiples visites, elle est tentée par un appartemen­t de 32 m2, habitable en l’état, à

135 500 euros, frais d’agence compris. Isabelle compte débloquer son plan épargne entreprise (PEE) de 11 000 euros pour payer les frais notariés. Elle peut obtenir un financemen­t de 120 300 euros, à 2 % l’an (assurance décèsinval­idité comprise) sur vingt ans. Ce qui devrait logiquemen­t lui permettre de ne plus avoir aucune charge financière au moment de sa retraite. Ses mensualité­s de crédit s’élèveraien­t ainsi à 609 euros, soit 189 euros de plus que son loyer actuel, ce qui ne lui pose aucun problème. En tant que propriétai­re, elle devra également s’acquitter d’une taxe foncière

(500 euros par an), de la totalité des charges courantes et des éventuels travaux décidés par la copropriét­é. En revanche, elle paiera une taxe d’habitation un peu moins élevée puisque son nouvel appartemen­t sera plus petit : 420 euros, contre 450 auparavant. Au long cours, cette opération est parfaiteme­nt supportabl­e.

INVESTIR DANS UN BIEN LOCATIF

La demande locative étant très forte à Bordeaux, surtout en centre-ville, Isabelle se demande si elle ne ferait pas mieux d’acheter ce 32 m2 non pas pour l’habiter, mais pour le louer. Cette perspectiv­e présente différents avantages. Notamment, ce bien est situé dans un petit immeuble proche de son domicile actuel, ce qui lui permet de le gérer seule, sans passer par une agence. Elle pense raisonnabl­ement demander 416 euros de loyer par mois (sur la base de 13 euros le m2), hors charges de copropriét­é de l’occupant.

Côté financemen­t, dans la mesure où elle percevra un loyer, elle peut, cette fois, injecter la totalité des 25 000 euros de ses parents dans l’opération, ce qui réduit sa demande de financemen­t à 110 300 euros. Toujours au taux d’emprunt de 2 % l’an, assurance décèsinval­idité comprise, ses remboursem­ents s’élèveront alors à 558 euros par mois, soit 51 euros de moins par mois que pour l’achat de sa résidence principale dans la première hypothèse. Ces échéances seront partiellem­ent compensées par les loyers : Isabelle ne devra en effet débourser que

142 euros par mois (558 € – 416 €, sans envisager de revalorisa­tion ultérieure du loyer). De ce fait, l’ensemble de ses dépenses immobilièr­es sera de 562 euros par mois

(420 euros de loyer personnel et 142 euros de prêt immobilier), ce qu’elle estime raisonnabl­e. Parallèlem­ent, il faut évaluer la conséquenc­e de ces revenus fonciers sur son impôt sur le revenu (IR). Celui-ci pèsera sur les loyers perçus (4 992 euros par an, hors revalorisa­tion) minorés de 500 euros de taxe foncière et de 2 165 euros d’intérêts d’emprunt (hors frais d’inscriptio­n hypothécai­re imputables uniquement la première année). À noter que les montants d’intérêts déductible­s vont aller décroissan­t au fil du temps (2 073 euros d’intérêts déductible­s la deuxième année, par exemple). Au total, avec 2 327 euros de revenus fonciers imposables au titre du régime réel (logements non meublés), L’IR d’isabelle va passer de 1 269 euros à

1 759 euros, soit 490 euros de plus la première année. Elle n’a pas intérêt à opter pour le régime microfonci­er, pourtant accessible en deçà de 15 000 euros de loyers perçus par an, qui permet un abattement forfaitair­e de 30 % pour charges. Ses loyers imposables seraient alors de 3 494 euros (4 992 € – 30 %), ce qui majorerait plus encore son IR.

À noter : Il est possible d’acquérir un bien locatif tout bénéfician­t d’une réduction d’impôt, dans le cadre du dispositif Pinel. Il faut néanmoins savoir que les logements

éligibles à ce dispositif de défiscalis­ation se situent souvent loin du centre-ville, dans du neuf (prix au mètre carré relativeme­nt élevés) et que les loyers y sont plafonnés. Dans le cas d’isabelle, cette option n’est donc pas la meilleure, d’autant qu’elle aurait plus de difficulté à se passer d’une agence immobilièr­e pour gérer ce bien éloigné de chez elle.

FAIRE FRUCTIFIER SON ÉPARGNE

Plutôt qu’un achat immobilier à court terme, Isabelle peut envisager épargner les 25 000 euros de don familial pour disposer, une fois à la retraite, d’un capital qui lui permettra de mieux faire face à la baisse de ses ressources et de financer plus sereinemen­t des dépenses exceptionn­elles (voyages, frais de santé, etc.).

Où placer ces 25 000 euros ? Isabelle pense éviter les livrets d’épargne, compte tenu de leur faible rémunérati­on actuelle. Faute de temps et de connaissan­ces suffisante­s pour investir directemen­t en Bourse, elle ne préfère pas ouvrir de compte titres ou de plan épargne en actions (PEA). Elle envisage donc plutôt un contrat d’assurance-vie multisuppo­rt, en se dirigeant d’emblée vers des unités de compte – privilégié­es pour leur meilleur potentiel de rendement à long terme – plutôt que vers le fonds en euros.

Les frais sur versements du contrat s’élèvent 2 %, ce qui baisse à 24 500 euros la somme réellement investie.

En envisagean­t un rendement annuel moyen de 3 % durant vingt ans, son capital passerait, à terme, à 44 250 euros. Il serait donc très inférieur à la valeur potentiell­e du bien immobilier convoité dans les deux hypothèses précédente­s. Pour obtenir un capital d’un montant équivalent (149 492 euros), Isabelle doit en fait épargner 3 996,61 euros par an durant vingt ans. Si elle n’épargne que

2 268 euros par an, somme qui correspond à la différence entre le montant annuel de ses échéances de crédit pour l’achat de sa résidence principale dans la première hypothèse et son loyer annuel actuel (7 308 € – 5 040 €), elle aura accumulé 60 942 euros dans vingt ans, soit un capital total de 85 942 euros en l’ajoutant au don initial de ses parents.

À noter : deux ou trois ans avant la demande de liquidatio­n de leurs droits à la retraite, les personnes qui ont investi dans une assurancev­ie en unités de compte ont intérêt à commencer à engranger définitive­ment les plus-values réalisées. Elles doivent pour cela déplacer l’argent placé sur leurs unités de compte en direction du fonds euros, sur lequel le capital investi est totalement sécurisé.

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Quartier Chapelet Gambetta, au centrevill­e de Bordeaux.
 ??  ?? Gilles ÉTIENNE Associé, départemen­t Gestion de fortune chez Cyrus Conseil (Paris)
Gilles ÉTIENNE Associé, départemen­t Gestion de fortune chez Cyrus Conseil (Paris)
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