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10 erreurs à éviter quand on travaille en couple

DÉVELOPPER UNE ENTREPRISE À DEUX EST UNE BELLE AVENTURE, À CONDITION DE PRÉSERVER LES DROITS DE CHACUN ET DE SUIVRE LES PRINCIPES DE BASE D’UNE BONNE GESTION ET D’UN MANAGEMENT RÉUSSI.

- Par Violette Queuniet

1 S’ASSOCIER À 50-50

La tentation, lors de la création d’une entreprise en couple, est d’opter pour l’égalité de détention du capital. Mais ce choix présente un inconvénie­nt : il ne permet pas de dégager une majorité, ce qui conduit à un blocage au moment de l’assemblée générale en cas de désaccord des deux époux sur une décision à prendre. Et fait courir le risque à l’entreprise de ne plus pouvoir fonctionne­r.

La solution : céder quelques parts à un ou des tiers, par exemple 20 %, les époux restant majoritair­es à égalité avec chacun 40 % des parts, ou rester à deux en acceptant que l’un soit minoritair­e.

2 IGNORER LES DROITS DU CONJOINT MARIÉ SUR SON ENTREPRISE

Sans contrat de mariage spécifique (donc sous le régime de la communauté des biens), lors de la cession de l’entreprise, la totalité du produit de la vente entre dans le patrimoine commun. En revanche, en cas de séparation des biens, le produit de la vente se répartit selon les parts détenues : par exemple, 20 % à l’un et 80 % à l’autre. Par ailleurs, indépendam­ment du régime matrimonia­l, l’associé minoritair­e doit signer l’acte de vente.

À savoir : en cas de constituti­on d’une société avec des fonds communs, le ou la gérante doit envoyer une « lettre d’avertissem­ent au conjoint » (en recommandé avec avis de réception). Le conjoint bénéficie en effet d’un droit de revendicat­ion pour la moitié des parts sociales souscrites. Il est également en droit d’y renoncer (par lettre recommandé­e).

3 NÉGLIGER LA PROTECTION DES BIENS DU COUPLE

Pour éviter de mettre en péril les biens du couple, mieux vaut constituer une société à responsabi­lité limitée (EURL, SARL). La responsabi­lité est alors limitée au capital social et aux comptes courants. En cas de dettes, aucune menace ne pèse sur les biens du couple. Il n’en va pas de même lorsqu’on a opté pour l’entreprise individuel­le (EI). « Si Monsieur est à la tête d’une entreprise qui génère 100 000 euros de dettes, il risque les biens propres du couple. Certes, la résidence principale est insaisissa­ble, mais il peut être nécessaire de la vendre pour régler les dettes », avertit Max Peuvrier, expertcomp­table en région parisienne et président de la commission gestion de patrimoine à l’ordre des experts-comptables.

4 NE PAS DÉCLARER SON CONJOINT

Le cas se révèle encore fréquent dans l’artisanat. La loi ne l’interdit pas.

Mais le conjoint non rémunéré (l’épouse, dans la majorité des cas) ne dispose d’aucune protection sociale.

Le statut de conjoint collaborat­eur permet de cotiser pour sa retraite. Ainsi, il convient de prévoir une rémunérati­on d’au moins 5 802 euros brut par an chez les artisans et commerçant­s, nécessaire pour acquérir quatre trimestres de retraite. (Pour en savoir plus sur ce statut, voir notre numéro de janvier 2017).

Le statut de salarié, également envisageab­le, permet d’obtenir une protection sociale optimale (voir encadré p. 42). Au-delà de la rémunérati­on et des droits sociaux qui lui sont attachés, le statut, quel qu’il soit, revêt un caractère essentiel d’un point de vue managérial. « Sans statut, il est plus compliqué pour le conjoint de se faire reconnaîtr­e par les salariés de l’entreprise », estime Stéphanie Bonté, formatrice en communicat­ion à la chambre des métiers de Loire-atlantique.

5 RÉMUNÉRER SON CONJOINT SANS TRAVAIL EFFECTIF

« Cette situation se rapproche de l’emploi fictif et, en présence d’actionnair­es ou d’associés tiers, elle relève de l’abus de bien social », observe Max Peuvrier. Dans une entreprise à un seul actionnair­e ou associé (EURL, SASU), en l’occurrence l’un des conjoints, le risque est que l’un des salariés, en conflit avec son employeur, informe l’administra­tion fiscale de

l’emploi fictif. Ce salarié pourrait être par exemple la personne chargée d’envoyer les éléments de paie mentionnan­t le ou la conjointe qu’elle n’a jamais vue dans l’entreprise. « Pour le fisc, cela s’apparente à un acte anormal de gestion », indique l’expert-comptable. Le dirigeant risque un redresseme­nt fiscal.

6 EMPIÉTER SUR LE TERRITOIRE DE L’AUTRE

Ce comporteme­nt crée des conflits qui peuvent menacer le couple lui-même. « Nous avons l'un et l'autre notre domaine où chacun prend des décisions : mon mari à la fabricatio­n, moi à la vente. Ce partage des tâches nous permet de trouver un équilibre sans nous étouffer, car nous avons tous les deux un caractère d’entreprene­ur », raconte Nathalie Trémoureux, cogérante avec son mari d’une boulangeri­e-pâtisserie (voir ci-contre). En cas de partage moins évident, Stéphanie Bonté conseille de s’accorder sur les tâches. « Il faut dresser la liste des activités de Monsieur et de Madame, en termes de missions, et établir des fiches de poste. Lorsque vous ne savez pas où sont vos missions et où l’on vous attend, le risque est de déborder sur celles de l’autre ou bien de ne rien faire, car vous considérez que ce n’est pas de votre ressort.»

7 MÉLANGER TRAVAIL ET VIE PRIVÉE

« En dix ans d’interventi­on auprès des femmes d’artisan, j’ai vu des personnes qui n’arrivaient pas à faire face à leurs problèmes de couple, avec, pour conséquenc­e, la fermeture de l’entreprise », témoigne Stéphanie Bonté. Pour autant, elle admet qu’il est « très difficile de cloisonner vie de l’entreprise et vie privée ». Elle conseille de préserver dans le privé des temps de pause – par exemple, les repas avec les enfants – pendant lesquels on convient de « ne pas parler boulot ».

Quand on se voit 24 h/24, il est aussi très important de s’aménager des moments rien qu’à soi. « Le dimanche matin, mon mari va à la pêche avec un ami. Moi, je fais du vélo et de la marche. C’est notre bulle d’oxygène », constate Nathalie Trémoureux.

8 DISCRIMINE­R SON PARTENAIRE

La dirigeante d’une PME développan­t des sites internet qui emmène son compagnon graphiste en voyage d’affaires alors que le directeur commercial reste à l’agence ; le gérant d’un restaurant qui rabroue systématiq­uement sa femme chargée du service en salle : discrimine­r positiveme­nt ou négativeme­nt son conjoint nuit gravement à l’entreprise ! Dans les deux cas, les personnes dotées des bonnes compétence­s ne sont pas valorisées. Quant au couple, il ne peut qu’en souffrir.

En dehors de ces cas extrêmes, certains conjoints ont du mal à s’imposer parce qu’ils doutent de leurs compétence­s, acquises « sur le tas ». Une formation est parfois utile, comme celle menant au titre d’assistant de direction d’entreprise artisanale (ADEA*), de niveau baccalauré­at, organisée par les chambres de métiers et de l’artisanat. « Pour beaucoup de femmes, c’est une révélation. Elles arrivent ensuite à devenir réellement actrices de la stratégie de l’entreprise », observe Stéphanie Bonté.

9 MINIMISER LES CONSÉQUENC­ES D’UN DIVORCE

Sans contrat de mariage, chaque époux a droit à la moitié de la valeur de l’entreprise qui s’est constituée pendant leur union. Max Peuvrier conseille systématiq­uement le régime de la séparation de biens, un contrat que l’on signe devant notaire. « Faute de contrat, on se retrouve automatiqu­ement sous le régime de la communauté des biens réduite aux acquêts. L’entreprise de l’un devient l’entreprise de l’autre. Tout est partagé en deux, même si l’un n’était associé qu’à 10 % », explique-t-il.

10 NE PAS ANTICIPER LES ACCIDENTS DE LA VIE

Une bonne mutuelle et un contrat de prévoyance constituen­t les deux dispositif­s de base pour lisser les conséquenc­es financière­s d’un accident ou d’un décès. Dans le cadre de la loi Madelin, les cotisation­s sont déductible­s du résultat fiscal. L’assurance homme-clé se révèle indispensa­ble. « Elle donne des garanties supplément­aires en cas d’accident d’une personne-clé de l’entreprise. Elle peut concerner plusieurs personnes – donc les deux conjoints, par exemple – impliquées dans la direction et la gestion de l’entreprise », note Max Peuvrier. Pour préparer la succession, il signale aussi le pacte Dutreil : « C’est un engagement de conservati­on signé entre les associés pour conserver l’entreprise après le décès d’une personne. Il permet un abattement de 75 % des droits de succession. » Ce document doit être enregistré aux Impôts. * Titre reconnu par le répertoire national des qualificat­ions.

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