Halte aux pesticides dans nos assiettes
LE GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT AMBITIONNAIT DE RÉDUIRE L’UTILISATION DE CES PRODUITS TOXIQUES DE 50 % D’ICI À 2018. MAIS LA HAUSSE A ÉTÉ DE 5 À 9 % CHAQUE ANNÉE. COMMENT SE NOURRIR SANS TROP S’INQUIÉTER ?
Les conséquences sanitaires de l’exposition aux pesticides par l’alimentation sont encore mal cernées. Mais les atteintes physiques observées chez les agriculteurs, eux-mêmes soumis à de fortes doses lors de l’épandage sur les terres, alertent. Chercheurs et médecins suspectent les effets toxiques de ces produits sur cette population touchée par un nombre élevé de certains cancers et de maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson. Des études relèvent également un lien fortement probable entre malformations congénitales chez l’enfant et exposition de la femme enceinte à ces polluants. Les produits phytosanitaires contiennent par ailleurs des molécules reconnues comme étant des perturbateurs endocriniens.
UNE RÉGLEMENTATION CONTESTABLE
D’après différents tests, près de la moitié des fruits et légumes mis sur le marché en France contiennent des résidus de pesticides (voir ci-contre). Les autorités sanitaires insistent sur le fait que ces résidus ne sont pas réputés dangereux si leur concentration reste en deçà de la limite maximale de
résidus (LMR) fixée par la réglementation européenne. Les produits commercialisés au sein de l’union européenne, qu’ils viennent de l’un de ses pays membres ou qu’ils soient importés, ne doivent avoir été cultivés qu’avec des pesticides autorisés par L’UE.
« Mais cette autorisation est attribuée sur la base d’un dossier d’études toxicologiques réalisées par le producteur de ces molécules dans des conditions relativement opaques »,
déplore Claudine Joly, de l’association
France Nature Environnement. Le principe selon lequem le résidu de cette molécule détectable dans l’aliment brut final ne doit pas excéder la LMR est par ailleurs vivement critiqué par de nombreux scientifiques et organisations de consommateurs. Car la LMR est fixée par molécule et par produit. Autant dire que si cette molécule se retrouve dans plusieurs de ces aliments – ce qui est fréquent –, le consommateur peut ingérer une quantité de résidus qui dépasse largement cette LMR !
En outre, la réglementation ne tient pas compte de l’effet cocktail. Une molécule peut être réputée non toxique, mais que se passe-t-il si on l’ingère avec une dizaine d’autres ? Ce risque était peu analysé jusqu’alors, mais des études, notamment de l’institut national de la recherche agricole (INRA), montrent que la combinaison de certaines molécules parmi celles présentes dans notre alimentation endommage L’ADN…
LA PREMIÈRE DES PROTECTIONS : MANGER BIO !
Le moyen le plus efficace de ne pas absorber de pesticides ? Consommer bio. L’association Générations futures a comparé par des tests en laboratoire les résidus de pesticides dans les aliments composant les repas types d’un enfant d’une dizaine d’années, au cours d’une journée. Résultat : un aliment bio comportait des résidus à très faibles doses contre 37 aliments issus de l’agriculture conventionnelle contaminés, qui recelaient notamment 17 résidus de pesticides suspectés d’être cancérigènes ou perturbateurs endocriniens. Dans son rapport 2014, l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) souligne elle aussi que les produits bio sont moins nombreux à contenir des pesticides : 12,4 % des échantillons et
1,2 % seulement au-delà des limites légales, contre 46,4 % et 2,9 % pour l’ensemble des échantillons. Une bonne nouvelle, somme toute très cohérente, puisque l’utilisation de produits chimiques est interdite en agriculture bio : seuls les traitements organiques sont autorisés, comme les purins d’orties, les huiles naturelles, etc. (voir encadré p. 64).
Les résidus trouvés dans les fruits et légumes bio peuvent donc avoir deux origines : une « pollution accidentelle » par la présence de pesticides dans leur environnement (eau, sols, épandages voisins, etc.) ou la fraude au cahier des charges du bio.
PRIVILÉGIER LE LABEL OFFICIEL
Pour être assuré de consommer un aliment issu de l’agriculture biologique, mieux vaut choisir les produits étiquetés du label européen officiel (12 étoiles blanches en forme de feuille sur fond vert), souvent assorti de l’ancien label français (AB). Ce label garantit que le producteur est contrôlé au moins une fois par an par un organisme certificateur agréé quant au respect de la réglementation européenne. Le label est réservé aux produits comportant 100 % d’ingrédients bio, ou au moins 95 % dans le cas des produits transformés, si la part restante n’est pas disponible en bio et si elle est expressément autorisée.
DES MENTIONS DE GARANTIE SUPPLÉMENTAIRE
À ce label, s’ajoute parfois un second, qui peut être Nature et Progrès, Demeter ou
Bio Cohérence. Ces derniers vont plus loin que les obligations légales du bio, prenant notamment en compte des exigences environnementales. Exemples ? Les producteurs limitent l’utilisation d’engrais naturels, opèrent une rotation des cultures pour mieux protéger les sols, ils favorisent la biodiversité… Avantage pour le consommateur, leurs techniques rigoureuses sont de nature à mieux protéger leurs cultures de la pollution des pesticides utilisés par leurs voisins agriculteurs.
ATTENTION AUX ALIMENTS LES PLUS POLLUÉS
Faute de consommer tout bio, mieux vaut au moins privilégier ce label pour les aliments les plus contaminés. Selon les données européennes, les fruits sont les plus touchés, suivis des légumes. À commencer par le raisin, le pire élève (81 % de la production est contaminée en France), suivi de près par les fruits rouges (75,9 % pour les framboises,
71,3 % pour les fraises). Environ les deux tiers des salades et les trois quarts des citrons et agrumes sont porteurs de résidus. Dans cette liste noire viennent ensuite les pommes, les poires, les pois, haricots et lentilles, les poivrons, ainsi que les fruits à noyau (abricots, mangues, pêches, nectarines, etc.). Citons encore les cerises, les endives
et le céleri comportant des résidus, mais dans une moindre mesure. Les céréales
ne sont pas épargnées (environ 40 %). « Si vous consommez du pain complet, le bio est nettement préférable, car les pesticides se concentrent dans l’enveloppe des graines », conseille Claude Aubert, agronome et cofondateur de l’association Terre vivante, co-auteur de Manger bio, c’est mieux (2012).
DES PRÉCAUTIONS SIMPLES
Il est conseillé de toujours laver les fruits et les légumes, en les frottant sous l’eau. Puis épluchez-les correctement lorsque c’est
possible, même si « c’est dommage d’un point de vue diététique, car la plupart des vitamines et antioxydants se concentrent dans
la peau », note Claude Aubert. Cela étant, ces précautions ne permettent d’éliminer qu’une petite part des produits chimiques seulement, car certains sont présents dans la chair du fruit ou du légume. Ainsi, selon les tests de L’UFC-QUE Choisir réalisés sur huit pommes qui recelaient neuf molécules toxiques, le lavage n’a permis d’en éliminer qu’une seule, réduisant la quantité totale de pesticides de 12 %. L’épluchage, lui, a supprimé la présence de trois molécules, réduisant de moitié la quantité totale des indésirables.