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Purificate­ur d’air : peut-on s’y fier ?

POUSSIÈRES, POLLENS, FUMÉES, SOLVANTS, PESTICIDES, MOISISSURE­S… À LA CAMPAGNE COMME EN VILLE, L’AIR DES LOGEMENTS EST BIEN PLUS POLLUÉ QUE L’AIR EXTÉRIEUR. LE POINT SUR CES APPAREILS DESTINÉS À MIEUX RESPIRER CHEZ SOI.

- Karl-christian BERGMANN Médecin spécialist­e des allergies Fabien SQUINAZI Docteur en biologie et administra­teur de l’associatio­n Asthme et Allergies Alain COLLOMB Président de l’associatio­n Santé Environnem­ent France (ASEF) Par Jean Savary

épandus depuis longtemps en Asie et en Amérique du Nord, les purificate­urs d’air commencent à s’inviter en France. S’ils s’adressent principale­ment aux personnes asthmatiqu­es et à celles souffrant d’allergies, ils peuvent aussi intéresser celles et ceux qui vivent dans un environnem­ent très pollué ou qui s’inquiètent de respirer dans leur logement un air qui est, en moyenne, quatre fois plus pollué que l’air extérieur. Si ces appareils sont encore rares – 13000 vendus en France l’an passé selon l’institut d’éudes de marchés GFK –, tous les acteurs anticipent un boom des ventes, porté par la préoccupat­ion environnem­entale et l’échec de la lutte contre la pollution. Les taux de particules observés en ville diminuent moins vite que les ventes de diesel. « La pollution intérieure ne provient pas seulement de l’automobile, commente Régis Saulnier, conseiller médical en environnem­ent intérieur, gérant de Paris Espace Eco et vendeur de purificate­urs d’air depuis trente ans. Elle vient aussi du manque d’informatio­n du consommate­ur. Par exemple,

je ne comprends pas que l’on continue à vendre des poêles à pétrole, un mode de chauffage extrêmemen­t nocif. »

UN RAPPORT TRÈS CRITIQUE

Bien que peu diffusés, les purificate­urs d’air ont fait l’objet, en octobre 2017, d’un rapport très critique de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail (Anses), et largement repris dans la presse. Son étude porte sur des appareils fonctionna­nt selon cinq techniques d’épuration de l’air (ionisation-filtration électrosta­tique, ozonation, plasma froid, plasma-catalyse et photocatal­yse) et en pointe les effets nocifs.

« Ceux qui fonctionne­nt par ionisation ou photocatal­yse peuvent émettre de l’ozone, un gaz irritant, nocif pour les asthmatiqu­es, ou générer des formaldéhy­des, un des pires polluants de nos intérieurs, en dégradant les éthanols. En fait, la plupart de ces appareils sont suspectés de rejeter dans l’air des éléments secondaire­s plus ou moins toxiques », résume le docteur Alain Collomb, président de Santé Environnem­ent France (ASEF).

LES APPAREILS FILTRANTS INNOCENTÉS

Une seule catégorie de purificate­urs n’est pas mise en cause par l’anses. Normal, elle n’a pas été étudiée ni même mentionnée: il s’agit des purificate­urs qui reposent sur la seule filtration de l’air. Alors que les appareils évoqués plus haut ne possèdent que des filtres sommaires,

les « filtrants » en combinent plusieurs, épais et performant­s, pour capter jusqu’aux particules les plus fines qui sont les plus nocives. Ce sont les seuls purificate­urs qui ne sont pas formelleme­nt déconseill­és par les médecins et les spécialist­es que nous avons interrogés. Mais presque jamais recommandé­s non plus. « Ces appareils ne font que brasser l’air dans leur environnem­ent immédiat, considère Fabien Squinazi, docteur en biologie et administra­teur de l’associatio­n Asthme et Allergies. Et il manque encore une norme qui mesurerait leur efficacité en situation réelle dans un logement, et pas seulement leurs performanc­es intrinsèqu­es. » Un point de vue qui résume celui du corps médical français, plutôt hostile, au mieux indifféren­t, à ce qu’il considère comme des gadgets.

UN AVIS DIFFÉRENT À L’ÉTRANGER

Dans d’autres pays, les purificate­urs sont considérés comme des complément­s utiles au traitement des maladies respiratoi­res. Aux États-unis, l’asthma and Allergy Foundation of

America accorde son label à certains appareils qui respectent un cahier des charges précis. L’ecarf (European Center for Allergy Research Foundation) fait de même en Allemagne, pays dans lequel les médecins les recommande­nt volontiers aux asthmatiqu­es. « Nous avons mené une étude clinique auprès de personnes souffrant de rhinites allergique­s, explique le Dr Karlchrist­ian Bergmann, spécialist­e des allergies à l’hôpital universita­ire de la Charité, à Berlin. Il a été établi que, dans une pièce polluée par une quantité prédéfinie de pollens, faire fonctionne­r 90 minutes un purificate­ur efficace (NDLR, à

la norme Ecarf) peut réduire les symptômes presque à néant. » Une efficacité dont témoigne Charles Tremblay, dont la famille a emménagé, en juillet dernier, dans un appartemen­t qui avait subi un important dégât des eaux:

« À cause des spores de moisissure­s dans l’air, nous souffrions tous de toux, de démangeais­ons, de plaques rouges, et nous dormions très mal. En attendant les travaux d’assainisse­ment, nous louons un gros purificate­ur. Après deux heures de fonctionne­ment, les symptômes commencent à disparaîtr­e. »

DES DISPOSITIF­S EFFICACES MAIS PAS SUR TOUTES LES PARTICULES

Enfin, gare aux fonctions bonus. « Nous ne certifions pas de purificate­urs ionisants ou humidifica­teurs, commente Bernd Janning de l’ecarf. Les premiers à cause de leurs émissions d’ozone, les seconds car ils favorisent les moisissure­s et parce que, mal entretenus, ils peuvent devenir de véritables nids à bactéries. » Finalement, si ces appareils représente­nt un véritable progrès pour les personnes sensibles, il ne faut pas prendre au pied de la lettre leur appellatio­n « purificate­ur ». Ils restent inefficace­s contre les particules les plus fines, les PM1 de moins de 0,1 μ* qui s’insinuent dans le sang et les organes. Et sont tout aussi impuissant­s face à l’autre grand ennemi des asthmatiqu­es, les oxydes d’azote (NOX) qu’émettent les voitures et les gazinières. Quant à leur efficacité contre l’autre grande famille de polluants intérieurs, les composés organiques volatils (COV) – vapeurs d’hydrocarbu­res imbrûlés, d’éthanol, solvants de colle et peinture, composants de produits d’entretien –, cela reste la grande inconnue.

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La pollution de l’air chez soi est quatre fois supérieure à la pollution extérieure.
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