Faut-il remettre en cause les jurys d’assises ?
FINI LES JURÉS POPULAIRES DANS CERTAINES SITUATIONS. LE GOUVERNEMENT ENVISAGE LA CRÉATION D’UN « TRIBUNAL CRIMINEL DÉPARTEMENTAL » QUI SERA COMPOSÉ UNIQUEMENT DE MAGISTRATS PROFESSIONNELS.
Les délais de jugement seront raccourcis
Pour répondre à la demande formulée lors des consultations dans le cadre des « chantiers de la justice », nous proposons d’expérimenter un tribunal criminel départemental (TCD) composé de cinq magistrats professionnels uniquement. Il interviendra pour les crimes punis de quinze à vingt ans de réclusion : viols, coups mortels ou vols à main armée. Il ne concernera que les personnes majeures et les affaires traitées en première instance. Les cours d’assises demeureront compétentes pour les autres crimes, comme les meurtres et les assassinats ou ceux commis en récidive. Grâce au TCD, tous les membres du tribunal auront accès au dossier, ce qui garantira la qualité des débats et un audiencement plus rapide. Il n’est plus possible de tolérer des délais de jugement si longs, tant dans l’intérêt des accusés, qui doivent patienter parfois deux ans, voire plus, que de celui des victimes. Avec les TCD, les durées seront raccourcies et l’impact sur la détention provisoire et l’encombrement des maisons d’arrêt sera positif. En revanche, il n’est pas question de réduire la durée d’audience nécessaire. Cette expérimentation, de janvier 2019 à janvier 2021, permettra de déterminer si cette piste constitue une réponse appropriée à l’engorgement des cours d’assises. Certains barreaux de province se sont d’ores et déjà portés volontaires.
Cette réforme surchargera plus encore les magistrats
Ce qui importe dans un procès, c’est que l’on obtienne la meilleure décision possible par rapport à la personnalité de l’accusé, aux faits, au trouble causé à l’ordre public et qu’elle permette d’empêcher la récidive. Oui, la procédure d’assises est lourde à organiser. Il faut réunir des jurés, néophytes qui ont besoin de plus de temps qu’un magistrat pour découvrir un dossier. Mais on ne doit pas renoncer au jury sous ce prétexte. Certes, on attend trop longtemps entre le moment où l’instruction se termine et celui du jugement. Il faut donc organiser davantage de sessions d’assises. Créer des TCD va surcharger plus encore les magistrats qui vont devoir juger toujours plus vite. C’est une fausse bonne solution. S’il y a un problème de moyens, il faut mettre davantage de moyens ! On a déjà supprimé les jurys dans les affaires de stupéfiants en bande organisée ou de terrorisme. Un mouvement tend aussi à les faire disparaître pour les affaires de crime en bande organisée. Cette annonce est une des étapes de la disparition programmée des cours d’assises. À terme, on supprimera aussi les jurys en cour d’appel, c’est inéluctable. Ceux qui disent qu’il s’agit d’une expérimentation qu’on abandonnera le cas échéant mentent. Si on a choisi de supprimer les jurys, il faut le formuler et en débattre.
Une solution moins lourde que la multiplication des cours d’assises
Actuellement, le système judiciaire est saturé. Beaucoup trop d’affaires encombrent les cours d’assises. Il est devenu compliqué de mobiliser le nombre de jurés nécessaires, jurés que l’on doit extraire de leurs activités, leur travail notamment. Cette expérimentation de tribunal criminel départemental peut permettre de sortir de ce qu’on appelle la correctionnalisation, c’est-à-dire faire juger certains faits devant un tribunal correctionnel en occultant des circonstances aggravantes. C’est ainsi que certains viols se transforment en agressions sexuelles. Un vol avec arme qui relève normalement de la cour d’assises peut être qualifié de vol avec violence. C’est une mauvaise application de la loi mais, faute de moyens, on ne peut plus faire autrement. Pour renoncer à ces pratiques, il faut nécessairement modifier la procédure. L’expérimentation permettra d’évaluer les moyens nécessaires. Bien entendu, il faudra plus de juges pour y répondre. Mais cette solution sera moins lourde que la multiplication des cours d’assises. Et elle ne remet pas en cause le recours aux jurys pour les affaires les plus importantes. En outre, toute décision du tribunal criminel est susceptible d’appel devant une cour d’assises. C’est donc le jury qui a le dernier mot.