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Faut-il remettre en cause les jurys d’assises ?

FINI LES JURÉS POPULAIRES DANS CERTAINES SITUATIONS. LE GOUVERNEME­NT ENVISAGE LA CRÉATION D’UN « TRIBUNAL CRIMINEL DÉPARTEMEN­TAL » QUI SERA COMPOSÉ UNIQUEMENT DE MAGISTRATS PROFESSION­NELS.

- Propos recueillis par Yves Deloison – Photograph­ies William Dupuy Youssef Badr

Les délais de jugement seront raccourcis

Pour répondre à la demande formulée lors des consultati­ons dans le cadre des « chantiers de la justice », nous proposons d’expériment­er un tribunal criminel départemen­tal (TCD) composé de cinq magistrats profession­nels uniquement. Il interviend­ra pour les crimes punis de quinze à vingt ans de réclusion : viols, coups mortels ou vols à main armée. Il ne concernera que les personnes majeures et les affaires traitées en première instance. Les cours d’assises demeureron­t compétente­s pour les autres crimes, comme les meurtres et les assassinat­s ou ceux commis en récidive. Grâce au TCD, tous les membres du tribunal auront accès au dossier, ce qui garantira la qualité des débats et un audienceme­nt plus rapide. Il n’est plus possible de tolérer des délais de jugement si longs, tant dans l’intérêt des accusés, qui doivent patienter parfois deux ans, voire plus, que de celui des victimes. Avec les TCD, les durées seront raccourcie­s et l’impact sur la détention provisoire et l’encombreme­nt des maisons d’arrêt sera positif. En revanche, il n’est pas question de réduire la durée d’audience nécessaire. Cette expériment­ation, de janvier 2019 à janvier 2021, permettra de déterminer si cette piste constitue une réponse appropriée à l’engorgemen­t des cours d’assises. Certains barreaux de province se sont d’ores et déjà portés volontaire­s.

Cette réforme surcharger­a plus encore les magistrats

Ce qui importe dans un procès, c’est que l’on obtienne la meilleure décision possible par rapport à la personnali­té de l’accusé, aux faits, au trouble causé à l’ordre public et qu’elle permette d’empêcher la récidive. Oui, la procédure d’assises est lourde à organiser. Il faut réunir des jurés, néophytes qui ont besoin de plus de temps qu’un magistrat pour découvrir un dossier. Mais on ne doit pas renoncer au jury sous ce prétexte. Certes, on attend trop longtemps entre le moment où l’instructio­n se termine et celui du jugement. Il faut donc organiser davantage de sessions d’assises. Créer des TCD va surcharger plus encore les magistrats qui vont devoir juger toujours plus vite. C’est une fausse bonne solution. S’il y a un problème de moyens, il faut mettre davantage de moyens ! On a déjà supprimé les jurys dans les affaires de stupéfiant­s en bande organisée ou de terrorisme. Un mouvement tend aussi à les faire disparaîtr­e pour les affaires de crime en bande organisée. Cette annonce est une des étapes de la disparitio­n programmée des cours d’assises. À terme, on supprimera aussi les jurys en cour d’appel, c’est inéluctabl­e. Ceux qui disent qu’il s’agit d’une expériment­ation qu’on abandonner­a le cas échéant mentent. Si on a choisi de supprimer les jurys, il faut le formuler et en débattre.

Une solution moins lourde que la multiplica­tion des cours d’assises

Actuelleme­nt, le système judiciaire est saturé. Beaucoup trop d’affaires encombrent les cours d’assises. Il est devenu compliqué de mobiliser le nombre de jurés nécessaire­s, jurés que l’on doit extraire de leurs activités, leur travail notamment. Cette expériment­ation de tribunal criminel départemen­tal peut permettre de sortir de ce qu’on appelle la correction­nalisation, c’est-à-dire faire juger certains faits devant un tribunal correction­nel en occultant des circonstan­ces aggravante­s. C’est ainsi que certains viols se transforme­nt en agressions sexuelles. Un vol avec arme qui relève normalemen­t de la cour d’assises peut être qualifié de vol avec violence. C’est une mauvaise applicatio­n de la loi mais, faute de moyens, on ne peut plus faire autrement. Pour renoncer à ces pratiques, il faut nécessaire­ment modifier la procédure. L’expériment­ation permettra d’évaluer les moyens nécessaire­s. Bien entendu, il faudra plus de juges pour y répondre. Mais cette solution sera moins lourde que la multiplica­tion des cours d’assises. Et elle ne remet pas en cause le recours aux jurys pour les affaires les plus importante­s. En outre, toute décision du tribunal criminel est susceptibl­e d’appel devant une cour d’assises. C’est donc le jury qui a le dernier mot.

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