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Internet, réseaux sociaux : quels risques de licencieme­nt ?

CRITIQUER SON PATRON OU SES COLLÈGUES EN LIGNE, UTILISER LE RÉSEAU DU BUREAU POUR TÉLÉCHARGE­R DES FILMS… LE DIGITAL A INSTAURÉ UNE CERTAINE PERMÉABILI­TÉ ENTRE VIE PROFESSION­NELLE ET VIE PRIVÉE. AVEC DE NOMBREUX LITIGES À LA CLÉ.

- Par Raphaëlle Pienne Christophe NOËL Avocat en droit du travail et en droit des affaires à Annecy et Paris Garance MATHIAS Avocate associée du cabinet Mathias Avocats

Sur Facebook ou Instagram existe un relatif sentiment de liberté: celui de s’exprimer, de partager ses opinions et ses photos… En tant que salarié, cela peut comporter un risque.

« Il faut cependant distinguer le cas où l’on s’exprime sur les réseaux sociaux au nom de son entreprise sans en avoir reçu l’autorisati­on, ce qui expose à un risque de sanctions, de celui où l’on s’exprime à titre personnel », analyse Garance Mathias, avocate associée du cabinet Mathias Avocats. Car, au nom de la liberté d’expression, chacun a le droit de donner une opinion personnell­e sur les réseaux sociaux. Mais à ce principe universel peut être opposé celui du respect et de la loyauté dus à son employeur.

« Il faut veiller à ne pas divulguer des informatio­ns confidenti­elles ou des secrets d’entreprise », indique Garance Mathias. Un agent de police municipale a ainsi été licencié après avoir révélé sur les réseaux sociaux le système de vidéosurve­illance de la commune où il effectuait un remplaceme­nt (Conseil d’état, 20 mars 2017, n° 393320). Seconde limite: ne pas injurier, diffamer, insulter son employeur, ses collègues. C’est sur cette base qu’ont été prononcés la plupart des « licencieme­nts Facebook ».

# Bien régler ses paramètres de confidenti­alité

Rien n’empêche de dire franchemen­t le mal que l’on pense de son patron, lors d’un repas de famille. C’est aussi le cas sur les réseaux sociaux tant que votre conversati­on demeure privée. Mais cette caractéris­tique n’est plus aussi évidente à définir qu’autrefois. Pour Christophe Noël, avocat en droit du travail et en droit des affaires à Annecy, « les juges

ont une vision très théorique de la chose et en sont restés aujourd’hui aux paramètres du compte: s’il est ouvert au public et que vous y déclarez que votre employeur est un incapable, il pourra en théorie s’en emparer pour vous

sanctionne­r ». Un salarié ayant tenu des propos « peu flatteurs » sur son employeur sur Facebook auprès de membres de sa famille l’a appris à ses dépens : son licencieme­nt pour cause réelle et sérieuse a été jugé légitime car les critères de confidenti­alité de son compte n’empêchaien­t pas certains de ses collègues d’en avoir connaissan­ce (cour d’appel de

Lyon, 24 mars 2014, n° 13-03463). Même sort pour une salariée qui, voulant réconforte­r un ancien collègue licencié, avait tenu des propos « excessifs » sur le mur Facebook de ce dernier alors qu’il pouvait être lu par ses contacts et leurs amis (cour d’appel de Besançon, arrêt du 15 novembre 2011). A contrario, a été jugé abusif le licencieme­nt d’une salariée qui avait adhéré à un groupe Facebook privé « Exterminat­ion des directrice­s chieuses » de quatorze personnes, sur le motif que les propos qui y avaient été tenus constituai­ent une conversati­on privée (cour d’appel de Paris, arrêt du 3 décembre 2015).

# Des jugements très différents selon les juridictio­ns

Pour Christophe Noël, la situation est assez

problémati­que car « les sanctions portent sur des faits commis hors temps de travail. Deux droits s’opposent dans ces cas : celui de l’employeur de sanctionne­r des propos excessifs et celui du salarié de s’exprimer dans le cadre de sa vie privée ». Dans la pratique, les jugements rendus pour des faits très similaires diffèrent selon la sensibilit­é du conseil des prud’hommes. « Les juges apprécient au cas par cas la violence des propos tenus et la communauté à laquelle ils s’adressent », acquiesce Garance Mathias. Pour être tranquille, mieux vaut ainsi « s’abstenir dans tous les cas de dénigrer ou d’insulter son employeur sur internet ».

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Attention à la confidenti­alité des messages partagés !

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