Internet, réseaux sociaux : quels risques de licenciement ?
CRITIQUER SON PATRON OU SES COLLÈGUES EN LIGNE, UTILISER LE RÉSEAU DU BUREAU POUR TÉLÉCHARGER DES FILMS… LE DIGITAL A INSTAURÉ UNE CERTAINE PERMÉABILITÉ ENTRE VIE PROFESSIONNELLE ET VIE PRIVÉE. AVEC DE NOMBREUX LITIGES À LA CLÉ.
Sur Facebook ou Instagram existe un relatif sentiment de liberté: celui de s’exprimer, de partager ses opinions et ses photos… En tant que salarié, cela peut comporter un risque.
« Il faut cependant distinguer le cas où l’on s’exprime sur les réseaux sociaux au nom de son entreprise sans en avoir reçu l’autorisation, ce qui expose à un risque de sanctions, de celui où l’on s’exprime à titre personnel », analyse Garance Mathias, avocate associée du cabinet Mathias Avocats. Car, au nom de la liberté d’expression, chacun a le droit de donner une opinion personnelle sur les réseaux sociaux. Mais à ce principe universel peut être opposé celui du respect et de la loyauté dus à son employeur.
« Il faut veiller à ne pas divulguer des informations confidentielles ou des secrets d’entreprise », indique Garance Mathias. Un agent de police municipale a ainsi été licencié après avoir révélé sur les réseaux sociaux le système de vidéosurveillance de la commune où il effectuait un remplacement (Conseil d’état, 20 mars 2017, n° 393320). Seconde limite: ne pas injurier, diffamer, insulter son employeur, ses collègues. C’est sur cette base qu’ont été prononcés la plupart des « licenciements Facebook ».
# Bien régler ses paramètres de confidentialité
Rien n’empêche de dire franchement le mal que l’on pense de son patron, lors d’un repas de famille. C’est aussi le cas sur les réseaux sociaux tant que votre conversation demeure privée. Mais cette caractéristique n’est plus aussi évidente à définir qu’autrefois. Pour Christophe Noël, avocat en droit du travail et en droit des affaires à Annecy, « les juges
ont une vision très théorique de la chose et en sont restés aujourd’hui aux paramètres du compte: s’il est ouvert au public et que vous y déclarez que votre employeur est un incapable, il pourra en théorie s’en emparer pour vous
sanctionner ». Un salarié ayant tenu des propos « peu flatteurs » sur son employeur sur Facebook auprès de membres de sa famille l’a appris à ses dépens : son licenciement pour cause réelle et sérieuse a été jugé légitime car les critères de confidentialité de son compte n’empêchaient pas certains de ses collègues d’en avoir connaissance (cour d’appel de
Lyon, 24 mars 2014, n° 13-03463). Même sort pour une salariée qui, voulant réconforter un ancien collègue licencié, avait tenu des propos « excessifs » sur le mur Facebook de ce dernier alors qu’il pouvait être lu par ses contacts et leurs amis (cour d’appel de Besançon, arrêt du 15 novembre 2011). A contrario, a été jugé abusif le licenciement d’une salariée qui avait adhéré à un groupe Facebook privé « Extermination des directrices chieuses » de quatorze personnes, sur le motif que les propos qui y avaient été tenus constituaient une conversation privée (cour d’appel de Paris, arrêt du 3 décembre 2015).
# Des jugements très différents selon les juridictions
Pour Christophe Noël, la situation est assez
problématique car « les sanctions portent sur des faits commis hors temps de travail. Deux droits s’opposent dans ces cas : celui de l’employeur de sanctionner des propos excessifs et celui du salarié de s’exprimer dans le cadre de sa vie privée ». Dans la pratique, les jugements rendus pour des faits très similaires diffèrent selon la sensibilité du conseil des prud’hommes. « Les juges apprécient au cas par cas la violence des propos tenus et la communauté à laquelle ils s’adressent », acquiesce Garance Mathias. Pour être tranquille, mieux vaut ainsi « s’abstenir dans tous les cas de dénigrer ou d’insulter son employeur sur internet ».