Se reconvertir dans l’artisanat
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e point commun entre les deux cent cinquante métiers de l’artisanat? Tous font appel au travail manuel. Cet aspect concret motive de nombreuses reconversions : « J’ai envie de voir le résultat de mon travail », « J’aime réaliser quelque chose du début à la fin, ne pas être qu’un maillon de la chaîne. » Le goût des belles choses, la volonté de préserver ou de faire revivre une activité menacée font partie des autres moteurs. Voilà pour l’image d’épinal. « La recherche de sens est bien présente, mais il ne faut pas la surestimer, tempère Sylvaine Pascual, coach
en reconversion professionnelle. La réalité est souvent plus basique : les gens expliquent que le monde de l’entreprise ne leur convient plus. Cette prise de conscience intervient vers 30-35 ans, contre 40-45 ans il y a encore dix ans de cela. » Les plans de licenciement peuvent également conduire à franchir le pas. « Le retour au savoir-faire traditionnel rassure »,
relève Catherine Elie, directrice des études à l’institut supérieur des métiers (ISM).
ÊTRE CONSCIENT DE SES ATOUTS
Avoir une première expérience professionnelle est un atout pour réussir dans l’artisanat.
« L’artisan doit être polyvalent: commercial, recrutement, achats, communication. Une première expérience professionnelle est utile », remarque Catherine Elie. D’après l’une de ses études, 31 % des entrepreneurs et 43 % des auto-entrepreneurs dans l’artisanat viennent d’un autre métier. « Contrairement aux apprentis de 15-16 ans, les personnes en reconversion
maîtrisent déjà les codes de l’entreprise et elles
évoluent plus rapidement », ajoute Audrey Janet, responsable de la communication de l’école de gastronomie Ferrandi Paris.
ACCEPTER LES DIFFICULTÉS
Pour autant, les métiers de l’artisanat ne sont pas accessibles à tous. Valérie Brunaut, ancienne communicante devenue paysagiste,
se souvient : « Les travaux de terrassement au programme du CAP jardinier-paysagiste ont été pénibles pour moi qui ne suis pas une grande sportive et qui avais 42 ans. » Horaires décalés en boulangerie, portage de matériaux lourds en maçonnerie, station debout prolongée dans la restauration peuvent constituer des freins. Dans d’autres métiers, l’âge est un avantage :
« Pour conseiller une femme de 50 ans, une esthéticienne du même âge sera plus crédible qu’une jeune fille », note Sylvaine Pascual.
TROUVER LE CHEMIN DU SAVOIR-FAIRE
Pour se former à un métier manuel, le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) fait figure de sésame. Ce diplôme est d’ailleurs obligatoire pour s’installer à son compte dans certains métiers qui répondent à des normes strictes en matière de sécurité et d’hygiène : le bâtiment (y compris la plomberie et l’électricité), l’esthétique, la coiffure, les métiers de bouche (boulanger, charcutier, glacier)… Dans sa version adulte, pour ceux qui possèdent déjà un diplôme (autre CAP, bac, etc.), le CAP ne dure qu’un an – avec des cours pendant les vacances scolaires – au lieu de deux lorsqu’il est
suivi en formation initiale. « Au-delà du savoirfaire, le CAP permet de se familiariser avec le vocabulaire d’un métier. C’est important pour
échanger avec les fournisseurs », note Audrey Janet. Comptez entre 3 000 et 9 000 euros au total, selon les CAP et les centres de formation d’apprentis (CFA) pour les cours, le matériel, la tenue, les livres. Cette somme peut être prise en charge au titre du congé individuel de formation (CIF) pour les salariés ou par Pôle emploi. Des financements qui existeront toujours mais sous une autre forme, lors de l’entrée en vigueur de la réforme de la formation professionnelle début 2019.
LES MÉTIERS À LA MODE… ET LES AUTRES
La forte médiatisation des chefs a entraîné une hausse des vocations de pâtissiers. L’école Ferrandi enregistre sept candidatures
pour une place en CAP de pâtissier. « En revanche, il y a peu de reconversions dans la coiffure. Coiffeur, c’est un métier que l’on choisit jeune ou jamais », remarque Catherine Elie de L’ISM. Attention à l’effet de mode donc, comme au choix de sa spécialité. Car si l’artisanat reste le premier recruteur de France, « dans l’esthétique, par exemple, cela commence à bouchonner dans certains
bassins d’emploi », prévient-elle.
À l’inverse, les difficultés de recrutement persistent dans le BTP, la réparation automobile, le travail du métal et la boucherie *. Cela peut être vu comme une opportunité pour ceux qui cherchent leur voie de reconversion. Cela complique également la tâche de ceux qui, après s’être lancés avec succès, ont besoin de renfort. Il faut avoir conscience que les artisans entrepreneurs doivent faire face aux aléas des petites structures : « Lorsque vous avez un salarié absent sur trois, difficile d’honorer ses commandes avec un tiers des effectifs en moins », souligne Catherine Elie.