L’assurance-chômage évolue : à quoi s’attendre ?
LE PROJET DE LOI « POUR LA LIBERTÉ DE CHOISIR SON AVENIR PROFESSIONNEL » OUVRE, SOUS CONDITIONS, L’ASSURANCE-CHÔMAGE AUX DÉMISSIONNAIRES ET AUX INDÉPENDANTS. ET RENFORCE LE CONTRÔLE DES DEMANDEURS D’EMPLOI.
DE NOUVEAUX DROITS POUR LES DÉMISSIONNAIRES ET LES INDÉPENDANTS # Les démissionnaires
Aujourd’hui, il existe déjà un certain nombre de cas de démission permettant d’être indemnisé par Pôle emploi, sous réserve d’avoir une durée de cotisation suffisante,
(voir encadré). Le gouvernement veut allonger cette liste en y intégrant un nouveau motif : la démission pour poursuivre soit un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation, soit un projet de création ou de reprise d’une entreprise. Mais pas question de changer de vie sur un coup de tête. Préalablement à sa démission, le salarié doit demander un conseil en évolution professionnelle (CEP) en s’adressant à l’un des opérateurs du CEP : Apec (Association pour l’emploi des cadres), Fongecif, Opacif, Cap emploi. L’objectif est d’établir son projet de reconversion professionnelle avec lui.
À noter: Pôle emploi n’est pas habilité à fournir ce conseil en évolution professionnelle, pour éviter d’être à la fois juge et partie.
Autre condition exigée, le projet du salarié démissionnaire doit présenter « un caractère réel et sérieux, reconnu par une commission paritaire de Pôle emploi », précise le texte. Cette commission existe déjà : il s’agit de l’institution paritaire régionale (IPR). Dans chaque région, c’est elle qui réexamine la situation, quatre mois après leur démission, des personnes dont Pôle emploi a rejeté la demande d’indemnisation.
Sur quels critères seront appréciés les dossiers ? « Probablement sur une liste de
“Indemniser les démissionnaires sera rentable“financièrement
critères objectifs tels que les démarches accomplies pour mettre en oeuvre son projet (établissement d’un business plan, recherche d’associés, recherche d’un organisme de formation, suivi de cours, etc.). Car si le service public de l’emploi se met à juger un projet sur le fond (son niveau de risque, par exemple), il n’est plus dans son rôle », observe Bruno Coquet, spécialiste de l’assurance-chômage (voir L’avis d’expert).
Enfin, pour être indemnisé, il faudra afficher une certaine antériorité dans l’emploi. Le rapport préalable au projet de loi indiquait cinq ans. La durée officielle sera fixée par décret. Cette nouvelle mesure pourrait concerner entre 21 000 et 38 000 demandeurs d’emploi par an, qui seront contrôlés sur leurs démarches six mois après l’ouverture de leurs droits à l’allocation- Les salariés qui démissionneront pour se former ou créer une entreprise le feront contre la volonté de leur employeur puisqu’ils n’auront pas pu conclure de rupture conventionnelle. Cela signifie que leur employeur devra les remplacer, ce qui contribuera à la baisse du chômage. Si le projet de ces salariés réussit, non seulement ils ne seront plus indemnisés, mais ils deviendront contributeurs au régime de l’assurancechômage. Même dans une hypothèse basse
– un salarié sur deux seulement est remplacé dans l’emploi dont il démissionne et un sur deux réussit son projet – l’impact sur les comptes de l’unédic est positif au bout de trois ans.
chômage. L’examen des dossiers nécessitera des moyens supplémentaires pour
Pôle emploi. Ceux-ci n’ont pas été communiqués par le gouvernement au moment de la présentation du projet de loi.
# Les indépendants
Le projet de loi ouvre à l’ensemble des travailleurs indépendants (gérants de société, entrepreneurs individuels, microentrepreneurs, exploitants agricoles) la possibilité de bénéficier d’un revenu de remplacement en cas de cessation d’activité. Une personne qui avait le statut de conjoint associé, en cas de divorce ou de rupture d’un pacs, pourra également y avoir droit.
À la demande du Conseil d’état, ce revenu de remplacement a été distingué du régime d’assurance-chômage, puisqu’il ne constitue pas une contrepartie à des cotisations
(les indépendants ne cotisent pas pour le chômage): il s’apparente à une allocation de solidarité. En outre, les conditions d’accessibilité à cette allocation limitent fortement la portée du dispositif. Ne seront concernés que ceux dont l’entreprise fait l’objet d’une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire. Ce qui exclut quasiment les micro-entrepreneurs, car rares sont ceux qui arrivent au stade de la procédure collective. En outre, plusieurs conditions seront nécessaires, à préciser dans des décrets mais d’ores et déjà évoquées dans un rapport de L’IGAS-IGF (Inspection générale des affaires sociales-inspection générale des finances): deux ans d’activité minimum, un revenu d’activité plancher de 10000 euros par an. La durée d’indemnisation serait de six mois et le montant mensuel de l’allocation de
800 euros. Le même rapport estime à
29 300 le nombre de travailleurs indépendants qui pourraient bénéficier de cette allocation, soit près de 40 % des ouvertures de procédures judiciaires par an. Pour prendre en charge ce nouveau public, il est prévu de former des conseillers de Pôle emploi.
UN CONTRÔLE RENFORCÉ DES CHÔMEURS
En échange de son allocation-chômage, tout demandeur d’emploi doit justifier de « démarches actives et répétées pour retrouver un emploi, créer ou reprendre une entreprise ». Aujourd’hui, 215 contrôleurs sont chargés de vérifier la réalité de la recherche d’emploi. D’ici fin 2018, leur nombre passera à 600, a annoncé Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi. De plus, une expérimentation sera menée dans plusieurs régions à partir du
1er juin 2019 : chaque mois, au moment de leur actualisation, les demandeurs d’emploi devront remplir un journal de bord relatant leurs démarches pour retrouver un job.
Pôle emploi proposera « des services en lien avec les actions menées par les demandeurs d’emploi ». Présenté comme un « accompagnement personnalisé », ce suivi est aussi un outil de contrôle. L’étude d’impact du projet de loi indique explicitement que Pôle
emploi pourra repérer ainsi les chômeurs
« qui seraient en difficulté dans leur recherche d’emploi ou ne feraient pas de démarches suffisamment actives ». L’expérimentation doit durer dix-huit mois. Après son évaluation, elle pourra être généralisée à toute la France. Va-t-on vers toujours plus de contrôle ? Bruno Coquet ne le pense pas. « Toutes les études montrent qu’en multipliant les contrôles, on trouve surtout des personnes qui ne fraudent pas. Cela coûterait donc plus cher de le déployer à l’excès. » De fait, la grande majorité des demandeurs d’emploi sont dans les clous. Sur les 269000 contrôles effectués par Pôle emploi depuis novembre 2015, seuls 14 % ont abouti à une sanction. Dans 86 % des cas, les chômeurs menaient une réelle recherche d’emploi (source : Pôle emploi, 22 novembre 2017). Autre nouveauté du projet de loi : la modification des motifs de sanction. Un demandeur d’emploi pourra être radié s’il est absent à une action de formation ou s’il l’abandonne (jusqu’alors, la radiation était prévue s’il refusait une action de formation). Même chose s’il n’honore pas un rendez-vous avec Pôle emploi (ou un autre organisme mandaté pour son suivi).
Concernant le refus d’une « offre raisonnable d’emploi » (ORE), la sanction reste inchangée: radiation après deux refus sans motif légitime. Mais, à la suite de la demande du Conseil d’état, le texte de loi prévoit qu’un demandeur d’emploi « ne peut être contraint d’accepter un emploi qui ne soit pas compatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles ». Il n’est pas obligé non plus d’accepter « un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée » ni un « emploi à temps partiel lorsque le projet personnalisé d’accès à l’emploi prévoit que le ou les emplois recherchés sont à temps complet ».
À noter: la pénalité en cas de fraude (jusqu’à 3000 euros) sera désormais prononcée directement par Pôle emploi. Une simplification administrative qui ne change rien, en pratique, pour les demandeurs d’emploi.