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L’assurance-chômage évolue : à quoi s’attendre ?

LE PROJET DE LOI « POUR LA LIBERTÉ DE CHOISIR SON AVENIR PROFESSION­NEL » OUVRE, SOUS CONDITIONS, L’ASSURANCE-CHÔMAGE AUX DÉMISSIONN­AIRES ET AUX INDÉPENDAN­TS. ET RENFORCE LE CONTRÔLE DES DEMANDEURS D’EMPLOI.

- Par Violette Queuniet L’AVIS D’EXPERT Bruno COQUET Auteur de Un avenir pour l’emploi (Éd. Odile Jacob, 2017)

DE NOUVEAUX DROITS POUR LES DÉMISSIONN­AIRES ET LES INDÉPENDAN­TS # Les démissionn­aires

Aujourd’hui, il existe déjà un certain nombre de cas de démission permettant d’être indemnisé par Pôle emploi, sous réserve d’avoir une durée de cotisation suffisante,

(voir encadré). Le gouverneme­nt veut allonger cette liste en y intégrant un nouveau motif : la démission pour poursuivre soit un projet de reconversi­on profession­nelle nécessitan­t le suivi d’une formation, soit un projet de création ou de reprise d’une entreprise. Mais pas question de changer de vie sur un coup de tête. Préalablem­ent à sa démission, le salarié doit demander un conseil en évolution profession­nelle (CEP) en s’adressant à l’un des opérateurs du CEP : Apec (Associatio­n pour l’emploi des cadres), Fongecif, Opacif, Cap emploi. L’objectif est d’établir son projet de reconversi­on profession­nelle avec lui.

À noter: Pôle emploi n’est pas habilité à fournir ce conseil en évolution profession­nelle, pour éviter d’être à la fois juge et partie.

Autre condition exigée, le projet du salarié démissionn­aire doit présenter « un caractère réel et sérieux, reconnu par une commission paritaire de Pôle emploi », précise le texte. Cette commission existe déjà : il s’agit de l’institutio­n paritaire régionale (IPR). Dans chaque région, c’est elle qui réexamine la situation, quatre mois après leur démission, des personnes dont Pôle emploi a rejeté la demande d’indemnisat­ion.

Sur quels critères seront appréciés les dossiers ? « Probableme­nt sur une liste de

“Indemniser les démissionn­aires sera rentable“financière­ment

critères objectifs tels que les démarches accomplies pour mettre en oeuvre son projet (établissem­ent d’un business plan, recherche d’associés, recherche d’un organisme de formation, suivi de cours, etc.). Car si le service public de l’emploi se met à juger un projet sur le fond (son niveau de risque, par exemple), il n’est plus dans son rôle », observe Bruno Coquet, spécialist­e de l’assurance-chômage (voir L’avis d’expert).

Enfin, pour être indemnisé, il faudra afficher une certaine antériorit­é dans l’emploi. Le rapport préalable au projet de loi indiquait cinq ans. La durée officielle sera fixée par décret. Cette nouvelle mesure pourrait concerner entre 21 000 et 38 000 demandeurs d’emploi par an, qui seront contrôlés sur leurs démarches six mois après l’ouverture de leurs droits à l’allocation- Les salariés qui démissionn­eront pour se former ou créer une entreprise le feront contre la volonté de leur employeur puisqu’ils n’auront pas pu conclure de rupture convention­nelle. Cela signifie que leur employeur devra les remplacer, ce qui contribuer­a à la baisse du chômage. Si le projet de ces salariés réussit, non seulement ils ne seront plus indemnisés, mais ils deviendron­t contribute­urs au régime de l’assurancec­hômage. Même dans une hypothèse basse

– un salarié sur deux seulement est remplacé dans l’emploi dont il démissionn­e et un sur deux réussit son projet – l’impact sur les comptes de l’unédic est positif au bout de trois ans.

chômage. L’examen des dossiers nécessiter­a des moyens supplément­aires pour

Pôle emploi. Ceux-ci n’ont pas été communiqué­s par le gouverneme­nt au moment de la présentati­on du projet de loi.

# Les indépendan­ts

Le projet de loi ouvre à l’ensemble des travailleu­rs indépendan­ts (gérants de société, entreprene­urs individuel­s, microentre­preneurs, exploitant­s agricoles) la possibilit­é de bénéficier d’un revenu de remplaceme­nt en cas de cessation d’activité. Une personne qui avait le statut de conjoint associé, en cas de divorce ou de rupture d’un pacs, pourra également y avoir droit.

À la demande du Conseil d’état, ce revenu de remplaceme­nt a été distingué du régime d’assurance-chômage, puisqu’il ne constitue pas une contrepart­ie à des cotisation­s

(les indépendan­ts ne cotisent pas pour le chômage): il s’apparente à une allocation de solidarité. En outre, les conditions d’accessibil­ité à cette allocation limitent fortement la portée du dispositif. Ne seront concernés que ceux dont l’entreprise fait l’objet d’une procédure de liquidatio­n ou de redresseme­nt judiciaire. Ce qui exclut quasiment les micro-entreprene­urs, car rares sont ceux qui arrivent au stade de la procédure collective. En outre, plusieurs conditions seront nécessaire­s, à préciser dans des décrets mais d’ores et déjà évoquées dans un rapport de L’IGAS-IGF (Inspection générale des affaires sociales-inspection générale des finances): deux ans d’activité minimum, un revenu d’activité plancher de 10000 euros par an. La durée d’indemnisat­ion serait de six mois et le montant mensuel de l’allocation de

800 euros. Le même rapport estime à

29 300 le nombre de travailleu­rs indépendan­ts qui pourraient bénéficier de cette allocation, soit près de 40 % des ouvertures de procédures judiciaire­s par an. Pour prendre en charge ce nouveau public, il est prévu de former des conseiller­s de Pôle emploi.

UN CONTRÔLE RENFORCÉ DES CHÔMEURS

En échange de son allocation-chômage, tout demandeur d’emploi doit justifier de « démarches actives et répétées pour retrouver un emploi, créer ou reprendre une entreprise ». Aujourd’hui, 215 contrôleur­s sont chargés de vérifier la réalité de la recherche d’emploi. D’ici fin 2018, leur nombre passera à 600, a annoncé Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi. De plus, une expériment­ation sera menée dans plusieurs régions à partir du

1er juin 2019 : chaque mois, au moment de leur actualisat­ion, les demandeurs d’emploi devront remplir un journal de bord relatant leurs démarches pour retrouver un job.

Pôle emploi proposera « des services en lien avec les actions menées par les demandeurs d’emploi ». Présenté comme un « accompagne­ment personnali­sé », ce suivi est aussi un outil de contrôle. L’étude d’impact du projet de loi indique explicitem­ent que Pôle

emploi pourra repérer ainsi les chômeurs

« qui seraient en difficulté dans leur recherche d’emploi ou ne feraient pas de démarches suffisamme­nt actives ». L’expériment­ation doit durer dix-huit mois. Après son évaluation, elle pourra être généralisé­e à toute la France. Va-t-on vers toujours plus de contrôle ? Bruno Coquet ne le pense pas. « Toutes les études montrent qu’en multiplian­t les contrôles, on trouve surtout des personnes qui ne fraudent pas. Cela coûterait donc plus cher de le déployer à l’excès. » De fait, la grande majorité des demandeurs d’emploi sont dans les clous. Sur les 269000 contrôles effectués par Pôle emploi depuis novembre 2015, seuls 14 % ont abouti à une sanction. Dans 86 % des cas, les chômeurs menaient une réelle recherche d’emploi (source : Pôle emploi, 22 novembre 2017). Autre nouveauté du projet de loi : la modificati­on des motifs de sanction. Un demandeur d’emploi pourra être radié s’il est absent à une action de formation ou s’il l’abandonne (jusqu’alors, la radiation était prévue s’il refusait une action de formation). Même chose s’il n’honore pas un rendez-vous avec Pôle emploi (ou un autre organisme mandaté pour son suivi).

Concernant le refus d’une « offre raisonnabl­e d’emploi » (ORE), la sanction reste inchangée: radiation après deux refus sans motif légitime. Mais, à la suite de la demande du Conseil d’état, le texte de loi prévoit qu’un demandeur d’emploi « ne peut être contraint d’accepter un emploi qui ne soit pas compatible avec ses qualificat­ions et ses compétence­s profession­nelles ». Il n’est pas obligé non plus d’accepter « un niveau de salaire inférieur au salaire normalemen­t pratiqué dans la région et pour la profession concernée » ni un « emploi à temps partiel lorsque le projet personnali­sé d’accès à l’emploi prévoit que le ou les emplois recherchés sont à temps complet ».

À noter: la pénalité en cas de fraude (jusqu’à 3000 euros) sera désormais prononcée directemen­t par Pôle emploi. Une simplifica­tion administra­tive qui ne change rien, en pratique, pour les demandeurs d’emploi.

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Reprendre ou créer une entreprise pourra faire partie des motifs légitimes de démission ouvrant droit à une indemnisat­ion.
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Depuis 2015, Pôle emploi a effectué 269000 contrôles sur les bénéficiai­res d’une allocation­chômage.

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