Acheter ses fruits et légumes bio.
L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE A LE VENT EN POUPE AUPRÈS DES CONSOMMATEURS, MALGRÉ UN SURCOÛT TENACE. ENVIRONNEMENT, SANTÉ, GOÛT: SES PROMESSES SONTELLES TENUES? OÙ TROUVER DES PRIX RAISONNABLES SANS SACRIFIER LA QUALITÉ?
Le bio, c’est d’abord l’interdiction des engrais et des pesticides de synthèse, coupables de pollution des nappes phréatiques et de nuisance à la diversité végétale et animale. 9 % des Français estiment ainsi que l’agriculture biologique préserve l’environnement, selon le baromètre Agence BIO/CSA 2018. Ils sont 89 % à penser que les produits qui en sont issus sont meilleurs pour la santé. Pas évident à démontrer scientifiquement. Mais lorsqu’on craint les résidus de pesticides – suspectés d’être des perturbateurs endocriniens – massivement retrouvés dans les fruits et légumes (voir graphique), se tourner vers le bio semble une
évidence. « Pour ceux qui consomment des aliments complets (pain, pâtes, riz, etc.), le bio doit devenir un réflexe, insiste Marc Dufumier, professeur émérite à Agrotech Paris, car les résidus de pesticides se fixent dans les fibres. »
MOINS D’ANTIBIOTIQUES, PLUS D’ANTIOXYDANTS
Les élevages bio auraient la faculté méconnue du grand public de contenir l’apparition de germes résistants aux antibiotiques, « un immense danger pour la santé mondiale »,
d’après l’organisation mondiale de la santé (OMS). Une étude de l’institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’institut technique de l’agriculture biologique de novembre 2016 a quantifié cet effort: les élevages bovins bio administrent trois fois et demie moins de traitements antibiotiques et 94 % des lots de volaille n’en reçoivent aucun! Autre élément en faveur du bio: il contiendrait en moyenne 60 % d’antioxydants en plus que l’alimentation conventionnelle, selon une étude de l’université de Newcastle, publiée en juillet 2014. « Cela monte à 70 % pour les tomates et les carottes, précise Marc Dufumier. Or, les antioxydants contribuent à l’allongement de la durée de vie en bonne santé. »
PLUS DE DIVERSITÉ, PLUS DE GOÛT !
73 % des Français approuvent l’idée que les produits bio ont meilleur goût que les autres. « Avec des animaux nourris en herbage et non avec du soja, élevés dans des espaces décents, et surtout plus longtemps, les viandes et les produits laitiers bio offrent une différence de goût sensible, avance Marc Dufumier. Un poulet élevé en quarante jours contient beaucoup d’eau et a un goût beaucoup moins intense qu’un poulet biologique qui vit au moins deux fois plus longtemps. » Pour les fruits et les légumes, c’est la diversification des espèces induite par les méthodes de culture bio qui joue, à l’instar de la tomate. « En agriculture conventionnelle, les variétés sont limitées. Elles n’ont pas été sélectionnées pour leurs qualités gustatives, mais sur la base de leur résistance aux chocs pendant les transports, de leur durée de préservation sur les étals de supermarchés, explique Marc Dufumier. Le bio opte au contraire pour la diversité variétale et offre au palais des consommateurs une vraie diversité de goûts. »
À QUI PROFITE LE PRIX DU BIO ?
Avec ces atouts, la consommation de produits alimentaires bio a plus que triplé en dix ans, pour atteindre 7,85 milliards d’euros en France,
en 2017. Ce chiffre ne représente cependant que 4 % des dépenses alimentaires des ménages, le prix restant un frein important. Grandes et moyennes surfaces ont beau promettre une offre bio accessible, une enquête d’août 2017 de L’UFC-QUE choisir montrait que la différence de prix entre produits conventionnels et produits
bio s’élevait à 79 %! « Certes, les rendements sont souvent plus faibles en agriculture bio, en raison de l’absence de produits chimiques de synthèse. Moins mécanisée, elle implique aussi un recours à une main-d’oeuvre plus abondante, et les réseaux de collecte de taille plus modeste ne permettent pas d’économies d’échelle. Tout cela contribue à expliquer un surcoût au niveau agricole, explique Olivier Andrault, chargé de mission alimentation de l’association de
consommateurs UFC-QUE Choisir. Ce surcoût représente à peine la moitié de la différence de prix affichée. Le reste se trouve dans les niveaux de marge brute, qui sont en moyenne deux fois plus élevés sur les produits bio. Cette politique de marges est d’autant moins admissible qu’elle empêche les consommateurs de profiter des bénéfices du bio, et les agriculteurs bio d’augmenter leurs productions. »
LES MEILLEURS PRIX NE SE TROUVENT PAS FORCÉMENT OÙ ON LE CROIT
Heureusement, les réseaux alternatifs se développent. Dans les magasins spécialisés (Biocoop, Naturalia…), les fruits et les légumes bio sont en moyenne 25 % moins chers qu’en grande surface, selon l’étude de L’UFC-
Que choisir. Le magazine de la distribution alimentaire Linéaires a comparé d’autres produits bio vendus en grande surface classique et en magasin spécialisé : le jambon blanc et la farine sont respectivement 11 % et 36 % moins chers chez Biocoop que chez Leclerc ; le prix d’un plat « aubergine-sojaorge » de 250 grammes chez Naturalia est
18 % moins élevé que celui du Monoprix voisin. Outre les magasins spécialisés, les circuits courts ont le vent en poupe: depuis 2001, quelque 2000 associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) alimentent 100 000 foyers. Les magasins de producteurs, les coopératives et la vente en direct à la ferme sont aussi en expansion. Autre solution, très pratique: les plateformes en ligne telles que La Ruche qui dit oui !, le Comptoir local ou les drives fermiers. Producteurs et consommateurs y sont mis en relation, avec l’avantage de pouvoir réserver uniquement les produits que l’on a envie de cuisiner, sans engagement de récurrence.
MIEUX RÉMUNÉRER LES AGRICULTEURS
Le point commun de toutes ces solutions, c’est que le bio vaut largement son coût. En premier lieu pour les agriculteurs. Maxime de Rostolan, fondateur de l’association Fermes d’avenir, ingénieur et entrepreneur dans l’agroécologie et la permaculture, le rappelle : « Le modèle de l’agriculture conventionnelle est subventionné à hauteur de 10 milliards d’euros par an, occasionnant une véritable distorsion de la concurrence avec l’agriculture biologique et les méthodes plus en phase avec la nature et le temps long. Pourtant, d’un côté, on a des agriculteurs conventionnels gagnant pour un tiers d’entre eux moins de 350 euros par mois, surendettés, engagés dans des dynamiques auxquelles ils peuvent difficilement renoncer, et, de l’autre, des agriculteurs qui arrivent à gagner 2 000 euros de salaire par mois en agriculture bio et locale. » Un discours validé par l’étude Les acteurs économiques et l’environnement publiée par l’insee, en décembre 2017. Grâce à des prix de vente légèrement supérieurs, des économies réalisées sur les intrants de synthèse et la vente en circuit court, l’agriculture bio est plus rentable que le conventionnel, et parfois de loin : pour les viticulteurs bio, le chiffre d’affaires moyen est de 17 000 euros par hectare – 46 % de plus qu’en conventionnel –, même si les frais de personnel y sont une fois et demie supérieurs.
MODIFIER SA CONSOMMATION
Pour Maxime de Rostolan, le coût du bio ne doit pas être un frein : « Les consommateurs ont oublié ce qu’est le prix juste à payer pour leur alimentation. Sa part dans le budget des ménages était de l’ordre de 30 % dans les années 1960. Si elle est descendue à 13 % aujourd’hui, c’est au détriment des producteurs et de l’environnement. Les consommateurs doivent accepter de réajuster légèrement leur budget : cela vaut le coup pour leur santé, pour les agriculteurs et pour la planète ! En diminuant sa consommation de viande de
20 % et en limitant le gaspillage, on peut tout à fait passer à une alimentation bio sans augmentation de budget. » À bon entendeur…