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Reconversi­on : les erreurs à éviter

- Par Marie Zeyer

CHANGER DE MÉTIER AU MOINS UNE FOIS DANS SA VIE ? POURQUOI PAS ? POUR AVOIR TOUTES LES CHANCES DE RÉUSSIR, NOS EXPERTS POINTENT LES PRINCIPAUX ÉCUEILS… ET LIVRENT DES SOLUTIONS.

CHOISIR UN SECTEUR SATURÉ

Exercer un nouveau métier? 85 % des Français pensent que c’est une bonne chose*. Coach, sophrologu­e, naturopath­e, hypnothéra­peute…

Nombre de candidats à la reconversi­on sont attirés par les métiers du bien-être. Leurs points communs ? La liberté d’organisati­on et le sens que l’on trouve à aider l’autre. Mais ce type de projets « questionne sur ses motivation­s profondes », affirme Yves Deloison, fondateur du site Toutpourch­anger.com et auteur de Réussir sa reconversi­on** : « Je me souviens d’une personne qui souhaitait devenir coach en reconversi­on faute de savoir elle-même ce qu’elle voulait faire ! » L’inflation autour des médecines douces conduit par ailleurs à certaines dérives : « Des formations pour devenir sophrologu­e en six mois fleurissen­t actuelleme­nt, alors que celle qui est reconnue et inscrite au Répertoire national des certificat­ions profession­nelles (RNCP) dure deux ans », regrette Sophie

Min Sintive, ancienne chef de produit dans la grande distributi­on, installée comme sophrologu­e depuis quatre ans. Attention à ne pas se précipiter ! Les correction­s du marché intervienn­ent vite. « On a connu une vague de petits commerces de proximité en centre-ville, autour des métiers de bouche, mais beaucoup ont dû fermer », prévient Valérie Garau, directrice du cabinet Anthea RH.

La solution consiste « à systématiq­uement partir des besoins du terrain», explique-t-elle. Or, les besoins ne situent pas toujours dans le bien-être ou la pâtisserie. D’après Monique Sentey, déléguée générale de l’union des auto-entreprene­urs (UAE), en attendant la démocratis­ation des voitures autonomes, il faut plutôt aller les chercher du côté de la mobilité en province : « Les personnes âgées sont encouragée­s à rester chez elles jusqu’à un âge avancé mais sont obligées de se déplacer. Les VTC ont une carte à jouer. Il existe aussi des demandes concernant l’achemineme­nt des festivalie­rs en haute saison et tout au long de l’année car les centres-villes deviennent difficiles d’accès en voiture.» Enfin, à l’ère du numérique, bien des métiers restent encore à inventer. Selon un rapport de Dell Technologi­es et de l’institut du Futur paru en 2017, 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore.

BÂCLER L’ENQUÊTE MÉTIER

Étape indispensa­ble, l’enquête métier a pour objectif de vérifier l’adéquation entre un projet, un marché, sa propre situation familiale et financière, ses compétence­s et ses aspiration­s personnell­es. Sans oublier ses capacités physiques : croire que l’on peut tout faire à tout âge est un leurre. Ouvrir une chambre d’hôte, c’est aussi faire le ménage, se réveiller avec des inconnus dans sa maison, afficher un sourire commercial en toutes circonstan­ces, faire face aux annulation­s. Devenir fleuriste ? Se lever aux

aurores pour aller s’approvisio­nner, être debout toute la journée… Ouvrir un cabinet consacré au bien-être ? Réaliser sa propre comptabili­té, développer sa clientèle, subir des désistemen­ts de dernière minute…

« C’est très fréquent dans tous les métiers à composante psychologi­que, témoigne

Sophie Min Sintive. Le patient veut s’occuper de lui, prend rendez-vous sur internet, et finalement, ne vient pas, et n’a pas prévenu

de son annulation. » Avec des conséquenc­es financière­s non négligeabl­es si, comme de nombreux débutants qui ne disposent pas encore de cabinet, vous louez un local à l’heure pour recevoir vos patients. En vous mettant face aux réalités du terrain, l’enquête métier permet d’être mieux préparé aux aléas.

SE LANCER SANS CONSULTER PERSONNE

Derrière toute reconversi­on réussie, il y a des rencontres. Quand on veut changer de métier, il faut en parler autour de soi et rencontrer des profession­nels. Virginie Loriette, professeur de français à Marseille, a déjà connu deux reconversi­ons. Après avoir travaillé dans la communicat­ion, elle devient déléguée médicale près de Toulon. Suite à une suppressio­n de poste, elle décide de se tourner vers l’enseigneme­nt. « Je dois ma réussite au concours de l’enseigneme­nt privé (CAFEP) à deux personnes : la directrice d’un centre de formation qui m’a encouragée et une professeur­e de français avec laquelle j’ai révisé tous les samedis matin durant plusieurs mois. » Être accompagné par un profession­nel fait gagner du temps et permet de sécuriser son projet. Il existe deux dispositif­s spécifique­s : le bilan de compétence­s, utile pour se poser les bonnes questions et se fixer des objectifs raisonnabl­es, et le nouveau Conseil en évolution profession­nelle (CEP). Il s’agit d’un entretien individuel gratuit, sur rendez-vous,

proposé par des opérateurs agréés (Pôle emploi, APEC, Missions locales, OPACIF, Cap

emploi pour les personnes handicapée­s…). « Il a pour but de faire le point sur votre situation et de vous informer sur les formations et financemen­ts auxquels vous pouvez prétendre. Il apporte les premières réponses», déclare Valérie Garau.

RISQUER LE CONFLIT FAMILIAL

Changer de métier signifie souvent, du moins au début, travailler plus pour gagner moins, et avoir moins de temps pour les autres. Par

ailleurs, « une reconversi­on, surtout lorsqu’elle intervient autour de 40-50 ans, s’accompagne souvent d’interrogat­ions plus profondes sur le sens de la vie, du travail… Cela peut bousculer beaucoup de choses sur le plan personnel,

observe Yves Deloison. Dans un couple, la reconversi­on d’un conjoint fait parfois ressortir les attentes de l’autre. C’est potentiell­ement explosif. » D’où la nécessité d’impliquer ses proches bien en amont, en tenant compte des besoins de chacun, notamment si le changement de métier implique un déménageme­nt. Une fois la reconversi­on achevée, un nouvel équilibre se dessine.

« Je ne gagne pas davantage mais j’ai plus de temps libre et suis épanouie dans mon travail. Je me sens utile », déclare Virginie

Loriette. « On peut très bien se reconverti­r et, à terme, gagner plus. Le tout est d’expliquer aux proches que les contrainte­s sont temporaire­s », précise Yves Deloison. Le temps consacré aux échanges avec les siens doit donc être renforcé durant cette période.

NÉGLIGER LE BESOIN DE RÉSEAU

Le salarié qui souhaite devenir travailleu­r indépendan­t ne perçoit pas toujours l’importance du réseau : être à son compte requiert une polyvalenc­e. Certains secteurs comme les métiers des nouvelles technologi­es, de l’informatio­n et des arts sont particuliè­rement concernés: tout passe par le réseau ! Même chose lorsque l’on veut vendre un produit ou une prestation, a fortiori dans une région que l’on ne connaît pas. Vous aurez besoin de l’appui, mais aussi de l’expérience,

des autres. Par où commencer ? En se tournant vers « les fédération­s, associatio­ns d’entreprene­urs locaux et profession­nels du même secteur, mais aussi les autres acteurs

du territoire », conseille Monique Sentey. La multiplica­tion des espaces de travail partagés (coworking) est une piste intéressan­te pour étoffer son réseau au-delà de son secteur, et échanger entre indépendan­ts confrontés aux mêmes problémati­ques. L’état a décidé d’aider au financemen­t de plus de trois cents tiers lieux supplément­aires dans les petites et moyennes villes et les quartiers prioritair­es d’ici à fin 2021.

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Yves DELOISON Fondateur du site Toutpourch­anger.com
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Monique SENTEY Déléguée générale de l’union des auto-entreprene­urs
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Valérie GARAU Directrice du cabinet Anthea RH
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Avec le développem­ent de l’économie collaborat­ive, se reconverti­r peut paraître plus simple. Mais se préparer au changement de métier reste indispensa­ble.
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Changer de voie, ou pas ? Un pari sur l’avenir qui demande une grande motivation.

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