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Comment et pourquoi un artisan doit-il déclarer le travail de sa conjointe ?

- Bénédicte BELLANGER Expert-comptable chez WITY (Groupe Secab)

JÉRÉMY EST ARTISAN. SON ÉPOUSE L’AIDE DANS LA GESTION ADMINISTRA­TIVE DE SON ENTREPRISE, MAIS ELLE N’A JAMAIS ÉTÉ DÉCLARÉE. AVEC LA LOI PACTE, IL S’INTERROGE À LA FOIS SUR LES RISQUES QU’ILS ENCOURENT ET SUR LE COÛT FINANCIER DE LA RÉGULARISA­TION. Par Raphaëlle Pienne

gé de 34 ans, Jérémy exerce, sous forme d’entreprise individuel­le, son activité de plombierch­auffagiste depuis cinq ans. Il dégage un revenu annuel de 36 000 euros. Son épouse Laëtitia, au foyer, l’aide quatre demijourné­es par semaine dans sa comptabili­té. Il n’a pas déclaré sa situation. Il a entendu que la loi Pacte allait rendre obligatoir­e la déclaratio­n du conjoint collaborat­eur. À défaut, celui-ci serait considéré comme un salarié, avec toutes les charges sociales qui s’ensuivent.

Il se demande ce qu’il doit faire pour éviter un redresseme­nt, sans grever ses finances.

1 NE PAS DÉCLARER SA CONJOINTE

Jérémy doit savoir que tout chef d’entreprise a déjà, depuis 2007, l’obligation de déclarer son conjoint dès lors qu’il (ou elle) exerce à ses côtés « de manière régulière une activité profession­nelle ». L’aide que lui apporte

formalités des entreprise­s (CFE) dont il dépend. D’autant qu’il n’y aura pas de rétroactiv­ité, donc pas de rattrapage des cotisation­s qui auraient dû être acquittées si la démarche est volontaire.

À noter: la future loi Pacte devrait s’appliquer lors de la création d’une entreprise. Les formulaire­s demanderon­t désormais si « oui » ou « non » le conjoint participe à l’activité de l’entreprise et, le cas échéant, quel est son statut. À défaut de déclaratio­n, ce sera le statut de conjoint salarié, le plus protecteur, qui sera réputé avoir été tacitement choisi.

CHOISIR LE STATUT 2 DE CONJOINT COLLABORAT­EUR

Pour régularise­r leur situation, Jérémy et Laëtitia ont potentiell­ement le choix entre trois statuts : conjoint collaborat­eur, salarié ou associé. Mais Jérémy ayant choisi d’exercer en entreprise individuel­le, Laëtitia ne peut être désignée conjoint associé (voir encadré). Le couple peut en revanche se tourner vers le statut de conjoint collaborat­eur. Il est ouvert aux couples mariés ou pacsés – pas aux concubins – lorsque le chef d’entreprise est entreprene­ur individuel ou, sous certaines conditions, associé ou gérant D’EURL ou de SARL. Ce statut, qui implique une absence de salaire, est une solution peu onéreuse qui permettra à Laëtitia d’avoir une meilleure protection sociale. Elle bénéficier­a notamment de 22,20 euros d’indemnités par jour en cas d’arrêt de travail, après un an de cotisation­s, et d’une allocation forfaitair­e de 3 377 euros en cas de maternité. Une indemnité de remplaceme­nt de

54,33 euros par jour (au maximum) peut s’ajouter si elle se fait remplacer dans son travail ou pour les tâches ménagères. Mais elle pourra surtout engranger des droits personnels à la retraite, ainsi qu’une garantie

invalidité-décès, en cotisant comme

Jérémy auprès de la Sécurité sociale des indépendan­ts (EX-RSI). Ces cotisation­s sont à régler en choisissan­t parmi cinq options (voir tableau). Les options 1 à 3 supposent que le couple verse une cotisation supplément­aire pour Laëtitia. Elle sera, comme celle du chef d’entreprise, déductible de l’assiette de leur impôt. Les options 4 et 5 permettent d’éviter une augmentati­on des cotisation­s, le montant à acquitter étant partagé entre les deux conjoints. Mais ce choix n’est pas sans conséquenc­es en matière de protection sociale, car les droits à la retraite acquis sont également partagés.

Si le couple veut se montrer prévoyant et qu’il a les moyens d’investir, il préférera l’option 3 dont le calcul est basé sur la moitié des revenus déclarés par Jérémy. C’est l’option la plus onéreuse, qui apportera le plus de droits à la retraite pour Laëtitia (4 trimestres de retraite de base et 72 points de retraite complément­aire). Dans leur situation, l’option 2, basée sur le tiers des revenus de Jérémy, et l’option 1, forfaitair­e et basée sur le tiers du plafond annuel de la Sécurité sociale (40524 euros en 2019), engendrera­ient un coût et une protection assez proche. L’option 1 peut être plus judicieuse si Jérémy a des revenus fluctuants d’une année sur l’autre. Ce choix lui permettra d’anticiper ses charges, tout en assurant à Laëtitia d’obtenir un socle minimum de droits à la retraite (4 trimestres de retraite de base et 54 points de retraite complément­aire). Dans leur cas, les options 4 et 5 sont à déconseill­er, car elles

entraînera­ient une diminution trop importante des droits à la retraite de Jérémy. Précisons qu’ils pourront changer d’option chaque année. S’ils ne précisent rien, c’est l’option 1 qui s’applique par défaut pour le calcul des cotisation­s du conjoint collaborat­eur.

À noter: on peut cumuler le statut de conjoint collaborat­eur avec une activité salariée (même à plein temps), le chômage ou la retraite.

3 CHOISIR LE STATUT DE CONJOINT SALARIÉ

Laëtitia peut prendre le statut de conjoint salarié, le plus protecteur, régi par le Code du travail et éventuelle­ment par la convention collective liée à l’activité exercée. Il offre une couverture sociale identique à celle de tout salarié. Contrairem­ent au conjoint collaborat­eur, le conjoint salarié peut notamment bénéficier du congé maternité, du congé parental et, potentiell­ement, de l’assurance-chômage. Ce statut implique nécessaire­ment le versement d’un salaire. Ce choix ne s’avérerait pas forcément le plus onéreux pour le ménage. Rémunérer Laëtitia au smic, alors qu’elle ne travaille pour lui que deux jours par semaine, reviendrai­t à lui verser un salaire net de 5 532 euros par an. Mais qu’en serait-il des charges salariales et patronales que devrait verser Jérémy ? Grâce aux exonératio­ns sur les bas salaires, elles s’élèveraien­t à environ 2 500 euros par an, soit moins que les cotisation­s sociales de l’option 1 pour le conjoint collaborat­eur. Puisque le salaire et les charges sociales du conjoint salarié sont entièremen­t déductible­s de l’assiette de l’impôt, la solution semble intéressan­te financière­ment.

Néanmoins, les droits à la retraite acquis par le conjoint salarié sont à la mesure des montants cotisés. Dans le cas de Laëtitia, ils sont relativeme­nt faibles. Cela suffira pour valider quatre trimestres pour la retraite de base, mais n’ouvrira que très peu de droits à la retraite complément­aire (26 points).

Au regard également des contrainte­s administra­tives plus importante­s liées au statut de conjoint salarié (contrat, fiches de paie mensuelles, etc.), Laëtitia et Jérémy ont sans doute intérêt à privilégie­r pour l’instant le statut de conjoint collaborat­eur. Mais rien n’empêche le couple de choisir le statut de conjoint salarié dans un second temps. Par exemple, lorsque Laëtitia souhaitera investir davantage de temps dans l’entreprise, ou lorsque les bénéfices dégagés permettron­t de lui verser un meilleur salaire.

À noter : ce statut ne permet pas toujours de cotiser à l’assurance-chômage. Il est nécessaire de se rapprocher au préalable de Pôle emploi. L’affiliatio­n peut être refusée en l’absence de lien de subordinat­ion ou si le conjoint dispose d’une délégation de pouvoirs lui donnant des responsabi­lités apparentée­s à celles d’un gérant.

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A ne pas être déclarée, Laëtitia ne cotise pas pour sa retraite et ne peut toucher ni indemnités maladie ni indemnités maternité.

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