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Choisir la cohabitati­on intergénér­ationnelle

LA LOI ELAN, PUBLIÉE LE 24 NOVEMBRE DERNIER, CHERCHE À ENCOURAGER LE PARTAGE D’UN TOIT ENTRE UN ÉTUDIANT ET UN SENIOR, AFIN DE RÉPONDRE À LA CRISE DU LOGEMENT CHEZ LES JEUNES ET DE ROMPRE L’ISOLEMENT DES PLUS ÂGÉS. DÉCRYPTAGE.

- Pierre-antoine Pluquet/andia Par Marie Zeyer - Photograph­ies : Fred Marvaux/réa, Albane Noor,

DE QUOI S’AGIT-IL ?

La cohabitati­on intergénér­ationnelle, prévue par la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagemen­t et du numérique (Elan), permet à un senior qui dispose d’une chambre libre de la louer, ou de la sous-louer, à un jeune de moins de 30 ans.

« On parle de cohabitati­on et non de colocation car il s’agit d’un échange: un senior ouvre sa porte à un jeune qui s’engage à partager des moments avec lui et à lui rendre de menus services », explique Joachim Pasquet, directeur de Cohabitati­on solidaire intergénér­ationnelle (COSI), réseau qui regroupe une vingtaine d’associatio­ns spécialisé­es dans toute la France (coordonnée­s sur Reseau-cosi.org/annuaire/). La cohabitati­on est formalisée par un

« contrat de cohabitati­on intergénér­ationnelle solidaire », établi avec l’aide de l’associatio­n (voir encadré). Ce dernier, signé pour une année scolaire (de septembre à mai ou juin), est « suffisamme­nt souple dans son contenu pour laisser une marge de manoeuvre aux deux parties. On doit pouvoir l’adapter au cas par cas », indique Quentin Jacquet, chargé de développem­ent à l’associatio­n Un Toit 2 Génération­s.

QUELLES SONT LES RÈGLES À RESPECTER ?

Il existe des points non négociable­s, comme la taille de la chambre (9 m2 minimum), l’accès libre aux espaces partagés (cuisine, salle de bains) et le montant de la contributi­on financière mensuelle payée par le jeune, qui doit rester modeste (214 euros par mois en moyenne dans le réseau COSI). « Cette contributi­on financière, qui n’est pas un loyer, n’a pas pour finalité un bénéfice financier.

Elle est versée dans le cadre d’une démarche solidaire, comme le stipule le nom du contrat – et non du bail – prévu par la loi Elan »,

souligne Joachim Pasquet. Les services rendus et le temps de présence auprès du senior sont laissés à l’appréciati­on du loueur.

Dans la majorité des cas, il est seulement question de « présence bienveilla­nte », sans obligation­s spécifique­s.

Certaines associatio­ns proposent des formules avec une dégressivi­té de la contributi­on financière (voire une gratuité) en échange d’un temps de présence plus élevé : 50 à

100 euros par mois avec deux à trois soirs de présence par semaine ou gratuité totale avec quatre soirs de présence par semaine et un week-end sur deux. Mais attention, « le jeune n’est pas un garde-malade, prévient Joachim Pasquet. Certaines familles veulent éviter la maison de retraite à leur parent âgé et souffrant grâce à la cohabitati­on intergénér­ationnelle. Ce n’est pas le but recherché ».

COMMENT TROUVER UN COHABITANT ?

Il est possible soit de mettre une annonce en ligne (sur Colocation-adulte.fr ou Leboncoin.fr, par exemple), soit de contacter une associatio­n.

Passer par un intermédia­ire est plus rassurant pour de nombreux seniors. En effet, l’associatio­n se charge du suivi : sélection et présentati­on des candidats, aide à la rédaction du contrat de cohabitati­on, médiation en

cas de problème… « L’accompagne­ment humain est un facteur clé de succès. Accueillir quelqu’un chez soi, ce n’est pas facile. Notre

rôle est d’instaurer un lien de confiance », note Joachim Pasquet. Ce service est payant.

Il faut prévoir une cotisation annuelle d’environ 150 à 250 euros par jeune et par senior, à verser lors de la signature du contrat. À cela, il faut parfois ajouter des frais de dossier d’environ 30 euros. Si vous avez une chambre libre, il est conseillé de se rapprocher d’une associatio­n dès mars ou avril.

QUAND LE JEUNE DOIT-IL POSTULER ?

Le dépôt des candidatur­es démarre en avril, pour s’achever début septembre. Attention, on compte dix demandes environ pour une offre de logement vacant. Selon les responsabl­es d’associatio­ns, cette pénurie s’explique par les réticences de nombreux seniors à accueillir un inconnu chez eux.

QUELS BÉNÉFICES CHACUN PEUT-IL EN TIRER ?

La cohabitati­on intergénér­ationnelle repose sur un échange de bons procédés. D’un côté, un logement à prix accessible pour un jeune qui démarre dans la vie et, de l’autre, une présence pour un senior isolé. C’est aussi

un projet de société qui vise à favoriser le vivre-ensemble. Pour Marc Raynaud, fondateur du cabinet Intergénér­ationel et de l’observatoi­re du management

intergénér­ationnel (OMIG), « cette formule est très positive. Elle permet aux anciens, que notre société a tendance à maintenir entre eux, de côtoyer des jeunes qui bénéficien­t alors de l’expérience et du savoir des plus âgés ». Dans la majorité des cas, cela se passe très bien : « La relation est souvent plus fluide, avec moins de tensions, entre deux génération­s éloignées qu’avec les ascendants directs ».

QUELS SONT LES ÉCUEILS POSSIBLES ?

Accueillir un jeune peut être une source de stress. « Certains seniors redoutent d’être bousculés dans leurs habitudes. D’autres se voient imposer cette formule par leurs enfants et, dans ce cas, la cohabitati­on est vouée à l’échec », déclare Quentin Jacquet. Même si les deux parties sont volontaire­s, une cohabitati­on réussie implique des droits et des devoirs. Certaines règles sont formalisée­s (temps de présence auprès du senior, participat­ion à de petites tâches domestique­s, etc.), d’autres relèvent du savoirvivr­e (tolérance, discrétion, respect de l’intimité). Les principale­s sources de conflit sont liées à la gestion du temps et de l’espace et à l’expression orale. « Le rapport au temps est très différent.

Les jeunes sont dans l’instant présent, alors que les anciens établissen­t une relation dans la durée », note Marc Raynaud. Les horaires peuvent poser problème, notamment si le senior prend ses repas et se couche très tôt. Il se trouve alors en décalage avec le rythme de vie de son colocatair­e. De même, ouvrir sa maison à un jeune, c’est accepter de lui faire une place et lui accorder un espace rien qu’à lui.

Le secret d’une cohabitati­on réussie ? Parce que la communicat­ion peut être difficile entre génération­s, chacun ayant un niveau de langage différent, il faut du dialogue, une pincée d’humour et de l’intérêt pour l’autre.

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