Choisir la cohabitation intergénérationnelle
LA LOI ELAN, PUBLIÉE LE 24 NOVEMBRE DERNIER, CHERCHE À ENCOURAGER LE PARTAGE D’UN TOIT ENTRE UN ÉTUDIANT ET UN SENIOR, AFIN DE RÉPONDRE À LA CRISE DU LOGEMENT CHEZ LES JEUNES ET DE ROMPRE L’ISOLEMENT DES PLUS ÂGÉS. DÉCRYPTAGE.
DE QUOI S’AGIT-IL ?
La cohabitation intergénérationnelle, prévue par la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), permet à un senior qui dispose d’une chambre libre de la louer, ou de la sous-louer, à un jeune de moins de 30 ans.
« On parle de cohabitation et non de colocation car il s’agit d’un échange: un senior ouvre sa porte à un jeune qui s’engage à partager des moments avec lui et à lui rendre de menus services », explique Joachim Pasquet, directeur de Cohabitation solidaire intergénérationnelle (COSI), réseau qui regroupe une vingtaine d’associations spécialisées dans toute la France (coordonnées sur Reseau-cosi.org/annuaire/). La cohabitation est formalisée par un
« contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire », établi avec l’aide de l’association (voir encadré). Ce dernier, signé pour une année scolaire (de septembre à mai ou juin), est « suffisamment souple dans son contenu pour laisser une marge de manoeuvre aux deux parties. On doit pouvoir l’adapter au cas par cas », indique Quentin Jacquet, chargé de développement à l’association Un Toit 2 Générations.
QUELLES SONT LES RÈGLES À RESPECTER ?
Il existe des points non négociables, comme la taille de la chambre (9 m2 minimum), l’accès libre aux espaces partagés (cuisine, salle de bains) et le montant de la contribution financière mensuelle payée par le jeune, qui doit rester modeste (214 euros par mois en moyenne dans le réseau COSI). « Cette contribution financière, qui n’est pas un loyer, n’a pas pour finalité un bénéfice financier.
Elle est versée dans le cadre d’une démarche solidaire, comme le stipule le nom du contrat – et non du bail – prévu par la loi Elan »,
souligne Joachim Pasquet. Les services rendus et le temps de présence auprès du senior sont laissés à l’appréciation du loueur.
Dans la majorité des cas, il est seulement question de « présence bienveillante », sans obligations spécifiques.
Certaines associations proposent des formules avec une dégressivité de la contribution financière (voire une gratuité) en échange d’un temps de présence plus élevé : 50 à
100 euros par mois avec deux à trois soirs de présence par semaine ou gratuité totale avec quatre soirs de présence par semaine et un week-end sur deux. Mais attention, « le jeune n’est pas un garde-malade, prévient Joachim Pasquet. Certaines familles veulent éviter la maison de retraite à leur parent âgé et souffrant grâce à la cohabitation intergénérationnelle. Ce n’est pas le but recherché ».
COMMENT TROUVER UN COHABITANT ?
Il est possible soit de mettre une annonce en ligne (sur Colocation-adulte.fr ou Leboncoin.fr, par exemple), soit de contacter une association.
Passer par un intermédiaire est plus rassurant pour de nombreux seniors. En effet, l’association se charge du suivi : sélection et présentation des candidats, aide à la rédaction du contrat de cohabitation, médiation en
cas de problème… « L’accompagnement humain est un facteur clé de succès. Accueillir quelqu’un chez soi, ce n’est pas facile. Notre
rôle est d’instaurer un lien de confiance », note Joachim Pasquet. Ce service est payant.
Il faut prévoir une cotisation annuelle d’environ 150 à 250 euros par jeune et par senior, à verser lors de la signature du contrat. À cela, il faut parfois ajouter des frais de dossier d’environ 30 euros. Si vous avez une chambre libre, il est conseillé de se rapprocher d’une association dès mars ou avril.
QUAND LE JEUNE DOIT-IL POSTULER ?
Le dépôt des candidatures démarre en avril, pour s’achever début septembre. Attention, on compte dix demandes environ pour une offre de logement vacant. Selon les responsables d’associations, cette pénurie s’explique par les réticences de nombreux seniors à accueillir un inconnu chez eux.
QUELS BÉNÉFICES CHACUN PEUT-IL EN TIRER ?
La cohabitation intergénérationnelle repose sur un échange de bons procédés. D’un côté, un logement à prix accessible pour un jeune qui démarre dans la vie et, de l’autre, une présence pour un senior isolé. C’est aussi
un projet de société qui vise à favoriser le vivre-ensemble. Pour Marc Raynaud, fondateur du cabinet Intergénérationel et de l’observatoire du management
intergénérationnel (OMIG), « cette formule est très positive. Elle permet aux anciens, que notre société a tendance à maintenir entre eux, de côtoyer des jeunes qui bénéficient alors de l’expérience et du savoir des plus âgés ». Dans la majorité des cas, cela se passe très bien : « La relation est souvent plus fluide, avec moins de tensions, entre deux générations éloignées qu’avec les ascendants directs ».
QUELS SONT LES ÉCUEILS POSSIBLES ?
Accueillir un jeune peut être une source de stress. « Certains seniors redoutent d’être bousculés dans leurs habitudes. D’autres se voient imposer cette formule par leurs enfants et, dans ce cas, la cohabitation est vouée à l’échec », déclare Quentin Jacquet. Même si les deux parties sont volontaires, une cohabitation réussie implique des droits et des devoirs. Certaines règles sont formalisées (temps de présence auprès du senior, participation à de petites tâches domestiques, etc.), d’autres relèvent du savoirvivre (tolérance, discrétion, respect de l’intimité). Les principales sources de conflit sont liées à la gestion du temps et de l’espace et à l’expression orale. « Le rapport au temps est très différent.
Les jeunes sont dans l’instant présent, alors que les anciens établissent une relation dans la durée », note Marc Raynaud. Les horaires peuvent poser problème, notamment si le senior prend ses repas et se couche très tôt. Il se trouve alors en décalage avec le rythme de vie de son colocataire. De même, ouvrir sa maison à un jeune, c’est accepter de lui faire une place et lui accorder un espace rien qu’à lui.
Le secret d’une cohabitation réussie ? Parce que la communication peut être difficile entre générations, chacun ayant un niveau de langage différent, il faut du dialogue, une pincée d’humour et de l’intérêt pour l’autre.