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Divorcer aujourd’hui : les écueils à éviter

DEPUIS LE 1er JANVIER 2017, PLUS BESOIN DE PASSER DEVANT LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES POUR UN DIVORCE PAR CONSENTEME­NT MUTUEL. MAIS TOUS LES COUPLES N’ONT PAS INTÉRÊT À OPTER POUR CETTE FORMULE. PRENEZ GARDE AUX PIÈGES.

- Par Rosine Maiolo

DIRE OUI À TOUT POUR TOURNER LA PAGE RAPIDEMENT

Le « consenteme­nt mutuel », pour de nombreux couples, c’est la promesse d’un divorce sans heurts et rapide (quelques mois suffisent), puisque le passage obligé devant le juge aux affaires familiales a été supprimé. Mais il suppose de s’entendre sur toutes les conséquenc­es du divorce : lieu de résidence des enfants, pension alimentair­e, prestation compensato­ire, partage des biens, etc. Or, il serait imprudent de tout accepter pour abréger l’épreuve. D’autant

qu’une fois la convention de divorce signée, il est difficile de revenir en arrière. « Il faudrait

la faire annuler en justice, explique Nicolas

Graftieaux, avocat à Paris. J’ai plusieurs procédures en cours, notamment le dossier d’une femme insuffisam­ment armée intellectu­ellement et psychologi­quement, et son ex-époux en a profité. Elle a tout accepté et n’a pas eu de prestation compensato­ire alors qu’elle pouvait largement y prétendre. Nous allons essayer d’y remédier, mais personne ne peut prédire ce que va décider le juge, aucune de ces convention­s n’ayant encore jamais été annulée. » Ce qui pousse

l’avocat à inviter à la prudence « Si vous avez l’impression que tout vous échappe, que votre ex précipite les choses, exerce une pression financière ou affective, refusez le divorce amiable tout en acceptant le principe du divorce avec la procédure de divorce accepté, pour montrer votre envie d’avancer. Vous aurez plus de temps et vous serez mieux armé pour négocier. »

ATTENDRE INDÉFINIME­NT L’ACCORD DU CONJOINT

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est la procédure idéale face à un époux qui ne veut pas divorcer et auquel il n’y a aucune faute particuliè­re à reprocher. Si la vie commune a cessé depuis deux ans au moins (délai qui sera ramené à un an, au plus tard le 1er septembre 2020, décret à venir), le juge ne peut que prononcer le divorce.

Cela vous permet de ne pas rester enfermé dans un mariage qui n’a plus de sens. Carine Denoit-benteux, avocate à Paris, met en garde l’époux qui quitte le domicile conjugal :

« Cela fait longtemps que l’abandon du domicile conjugal n’est plus une faute retenue par le juge, il n’y a rien à craindre de ce côtélà. Toutefois, si vous souhaitez vous faire attribuer le logement ou obtenir la résidence des enfants, ne partez pas. En cas de conflit, le juge tranchera presque toujours en faveur de celui qui est resté et qui vit avec les enfants. »

SE LANCER TROP VITE DANS UN DIVORCE POUR FAUTE

Si vous avez un comporteme­nt répréhensi­ble à reprocher à votre conjoint, vous pouvez être tenté par la procédure de divorce pour faute. Prenez conseil auprès de votre avocat pour vérifier que ce que vous lui reprochez est bien, au sens de la loi, une « violation grave ou renouvelée des devoirs et obligation­s du mariage […] et rend intolérabl­e le maintien de la vie commune » (art. 242 du Code civil). Gardez aussi en tête qu’en définitive, il appartiend­ra au juge de décider s’il s’agit ou

non d’une faute. « L’adultère n’en est plus une », témoigne

Nicolas Graftieaux. « Je déconseill­e souvent à mes clients de s’engager dans cette procédure longue et douloureus­e, qui nécessite de déballer sa vie privée. Seule la violence conjugale peut encore constituer un comporteme­nt justifiant à elle seule un divorce pour faute. » L’époux qui obtient un divorce aux torts exclusifs de son conjoint peut demander des

dommages et intérêts. « Reste que les juges en accordent très peu, 1 000 ou 2 000 euros, c’est le bout du monde. Mais, certaines personnes ont psychologi­quement besoin que la faute soit reconnue. En ce sens, la procédure conserve son intérêt », conclut l’avocat.

MISER SUR UNE PRESTATION COMPENSATO­IRE ÉLEVÉE

Tout époux pour qui le divorce risque d’avoir des conséquenc­es financière­s importante­s peut prétendre à une prestation compensato­ire. Elle a pour objectif de gommer la disparité des conditions de vie entre les deux époux engendrée par la rupture du mariage. Son montant doit être fixé en fonction des besoins de l’époux à qui elle est versée et des ressources de l’autre. Il s’évalue de manière forfaitair­e en tenant compte notamment de la durée du mariage, de l’âge et l’état de santé des conjoints, de leur situation profession­nelle et patrimonia­le.

Récemment, les juges ont rappelé que la durée de vie commune avant le mariage ne comptait pas. Quel que soit le divorce choisi, les époux sont invités à s’entendre sur son montant. La prestation, 25 000 euros en moyenne (Infostat justice, septembre 2016), est, neuf fois sur dix, versée sous forme d’un capital qui peut être numéraire ou prendre la forme d’un partage inégal des biens. Si aucun accord n’est trouvé, il faudra s’en remettre à la décision du juge. « Aucun mode de calcul n’a été fixé par la loi ; ainsi, personne ne peut garantir ce que le juge va décider. Je recommande donc toujours à mes clients de s’entendre à l’amiable pour un accord gagnant-gagnant », explique Nicolas

Graftieaux.

CÉDER LE LOGEMENT FAMILIAL À VIL PRIX

Lorsque le logement familial est un bien commun ou indivis, il arrive souvent que le couple le vende avant le divorce et se partage le prix de cession ou que l’un des époux le conserve en indemnisan­t l’autre par le versement d’une soulte. Dans les deux cas, il est impératif de ne pas abandonner une partie de ses droits en réclamant, par exemple, une faible soulte ou en acceptant une vente à un prix inférieur à celui du marché. « Pour éviter les conflits, je conseille que chacun confie un mandat de vente à une agence immobilièr­e, indique Nicolas

Graftieaux, ou fasse établir une estimation par un expert de son choix, en convenant au préalable que le couple retiendra la moyenne des deux pour calculer la soulte. »

PERDRE DE VUE L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR DES ENFANTS

Au lendemain d’une séparation, il est difficile de trouver des points d’accord. La tentation est parfois grande d’instrument­aliser les enfants. Cette attitude est bien évidemment néfaste pour eux. Il est essentiel, pour leur bien, de tenter de s’entendre sur le lieu de leur résidence, l’étendue du droit de visite et d’hébergemen­t et le montant de la pension

alimentair­e. À noter que la garde alternée n’exclut pas le versement d’une pension alimentair­e, en cas de différence de niveau de revenus ou si l’alternance n’est pas égalitaire (par exemple trois jours chez l’un, quatre

jours chez l’autre). « La médiation permet de résoudre beaucoup de difficulté­s et d’aboutir à un accord satisfaisa­nt pour tous. Du fait de la rupture, les époux sont en souffrance et restent souvent campés sur leurs positions, sans imaginer d’autres issues possibles. Avec l’aide du médiateur, ils prennent conscience, que le couple parental continue », explique

Carine Denoit-benteux. « Si un jour, ils veulent être présents au mariage de leur enfant, et même si celui-ci est aujourd’hui âgé de 5 ans, ça se joue dès ce moment-là », poursuitel­le. La médiation peut être réalisée par un avocat formé à cette technique ou, formule moins onéreuse, par un médiateur familial convention­né par la CAF (annuaire disponible sur le site Mediation-familiale.org).

NE PAS FAIRE JOUER LA CONCURRENC­E ENTRE AVOCATS

Quelle que soit la formule de divorce privilégié­e, chaque époux doit avoir son propre avocat. Préférez-en un spécialisé en droit de la famille (annuaire sur Cnb.avocat.fr), qui sait négocier : un avocat formé à la médiation est un plus (annuaire sur Cnma.avocat.fr). Les prix varient fortement selon l’expérience et la ville d’exercice.

Pour un divorce par consenteme­nt mutuel, les avocats sont nombreux à travailler au forfait, il faut compter entre 1 200 et 4 000 euros TTC. D’autres facturent au temps passé, de 150 à 500 euros de l’heure. Exigez une convention d’honoraires (contrat indiquant le mode de rémunérati­on de l’avocat et ses honoraires) et n’hésitez pas à questionne­r plusieurs profession­nels. Évitez si possible les avocats à bas prix sur internet, sauf à n’avoir aucun bien à partager et pas d’enfant. Ils sont certes moins chers (forfait à 400 euros TTC environ par époux pour un divorce amiable), mais rien ne remplace les face-à-face. À défaut, il faudra vous contenter de discussion­s à distance, par voie électroniq­ue, avec une seule rencontre de votre avocat le jour de la signature de la convention de divorce par consenteme­nt mutuel. Ce jour-là, les deux époux doivent être physiqueme­nt et simultaném­ent présents, accompagné­s de leur avocat respectif. Une exigence récemment précisée par le Conseil national des barreaux, dans le règlement intérieur national (RIN) de la profession, pour combattre les pratiques hasardeuse­s sur internet.

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Pour retrouver sa liberté, il n’est pas besoin de brader ni de précipiter la vente du logement familial.

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