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FAIRE LES BONS CHOIX

Faut-il se fier aux applis qui scannent les produits ?

- Par Élodie Toustou

Faire ses courses en utilisant son smartphone comme un scanner pour déterminer si tel ou tel produit alimentair­e, cosmétique ou d’hygiène est bon pour sa santé est désormais une habitude pour un Français sur quatre, selon un sondage IFOP réalisé pour la marque Charal. Cela, grâce à la bonne dizaine d’applicatio­ns mobiles gratuites qui ont vu le jour au cours des dernières années. « Ce n’est pas tant l’aspect nutritionn­el qui a fait prendre conscience de l’importance de savoir ce que l’on mange, mais la peur liée à la présence d’additifs ou aux effets des pesticides sur la santé que l’on ne maîtrise plus », analyse Laurence Plumey, médecin nutritionn­iste, praticienn­e des Hôpitaux de Paris Île-de-france, professeur­e de nutrition à L’EPM Nutrition et auteure du Grand livre de l’alimentati­on (2014, éditions Eyrolles). Utilisées pour identifier les qualités et les défauts des produits alimentair­es industriel­s, des cosmétique­s et des produits d’hygiène, ces applicatio­ns conduisent un tiers des utilisateu­rs à changer d’article s’il n’est pas conforme à leurs attentes. Une pression qui conduit même les fabricants à modifier la compositio­n de leurs production­s pour les rendre plus saines.

QUI SONT-ELLES ?

Sur la première marche du podium des applicatio­ns de décryptage figure l’initiative privée Yuka (alimentair­e, cosmétique­s, hygiène), utilisée par 88 % des sondés par Ipsos-charal. Suit l’acteur historique et associatif Open Food Facts (11 %) qui opère aussi dans les cosmétique­s avec Open Beauty Facts. Ce « Wikipédia » des produits, alimenté par les consommate­urs et les industriel­s, sert de base à la troisième appli du classement (7 % d’utilisateu­rs), Y’a quoi dedans ? de l’enseigne Super U (alimentair­e). S’y ajoutent les start-up Kwalito, Scanup, INCI Beauty ou mylabel, ainsi que les applis d’acteurs engagés, à l’image de Quelcosmet­ic, de l’associatio­n UFC-QUE Choisir ou C’est quoi ce produit ? de la coopérativ­e de consommate­urs C’est qui le patron ! ?

COMMENT LES PRODUITS SONT-ILS ÉVALUÉS ?

Certaines applicatio­ns leur attribuent des notes ou les catégorise­nt avec un code couleur (par exemple, de vert pour bon à rouge pour mauvais), quand les autres se contentent d’afficher la liste des ingrédient­s. Les plus complètes quant à l’aspect nutritionn­el y font figurer le Nutriscore et/ou la classifica­tion Nova (ou l’indice Siga) qui classent les produits alimentair­es industriel­s selon leur degré de transforma­tion. Aucune n’utilise la même méthode et ne fonde ses analyses sur les mêmes considérat­ions. « Pour les produits cosmétique­s, le problème est que certaines de ces applicatio­ns n’ont pas de référentie­l, et quand il existe, il mélange tout : perturbate­urs endocrinie­ns, allergènes, irritants, toxicité pour l’environnem­ent. Ce qui fait que l’on ne peut absolument pas juger de la qualité de leur analyse », pointe Annick Barbaud, professeur­e en dermatolog­ie, cheffe du service Dermatolog­ie et Allergolog­ie à L’AP-HP et viceprésid­ente du groupe de dermato-allergolog­ie de la Société française de dermatolog­ie.

Yuka, par exemple, s’appuie sur « l’état de la science à ce jour », c’est-à-dire à la fois sur des études émanant d’instances scientifiq­ues nationales et internatio­nales et sur « l’ensemble des études scientifiq­ues indépendan­tes », pour noter les cosmétique­s en attribuant à chaque ingrédient « un niveau de risque en fonction de ses effets potentiels ou avérés sur la santé ». Autrement dit, elle applique le principe de précaution et sanctionne même « les composants avec un quelconque risque, même supposé ». Sort identique réservé aux produits alimentair­es dont les additifs (30 % de la notation) présentent un risque « encore à l’état de suspicion et non pas avéré ». Une méthode à laquelle on adhère ou pas, selon ses propres conviction­s. Et qui fait des petits. Les applis INCI Beauty et Y’a quoi dedans ? donnent en priorité l’affichage des substances controvers­ées. Pour cette dernière, la démarche prolonge la stratégie de l’enseigne de Super U d’en bannir toute une liste de ses propres produits.

FAIT-ON LES VRAIS BONS CHOIX AVEC CES APPLIS ?

Ne remplir son chariot qu’avec des produits très bien notés n’est pas forcément une bonne idée. « Les applicatio­ns émettent un jugement sans préciser le mode d’emploi, ce qui fait que l’on peut écarter à tort un produit, comme le fromage, parce qu’il est salé et contient des graisses saturées, alors qu’il fait pourtant partie du bon équilibre alimentair­e », souligne Laurence Plumey. Un constat partagé par Annick Barbaud sur le versant

cosmétique : « Un produit appliqué sur la pointe des cheveux et rincé ne présente pas le même risque de résorption qu’une crème hydratante destinée au corps entier ou appliquée sur la peau d’un enfant. Or, certaines applicatio­ns raisonnent en ingrédient­s : il est bon ou il est mauvais, ce qui est réducteur, et parfois aberrant. »

Heureuseme­nt, quelques applicatio­ns

Laurence PLUMEY Médecin nutritionn­iste, praticienn­e des Hôpitaux de Paris Île-de-france, professeur­e de nutrition à L’EPM Nutrition

Annick BARBAUD Professeur­e en dermatolog­ie, cheffe du service Dermatolog­ie et Allergolog­ie à L’AP-HP et vice-présidente du groupe de dermatoall­ergologie de la Société française de dermatolog­ie

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La déception est parfois au rendez-vous : votre appli est formelle, ce produit laitier que vous aimez tant est horribleme­nt trop salé !
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