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VIE PERSO

Donner ou prêter de l’argent à ses proches dans les règles

- Par Agnès Lambert

Un présent d’usage lors d’un événement particulie­r

Vous pouvez remettre un présent d’usage, qui porte sur tout type de biens (liquidités, bijoux, meubles), à l’exception de l’immobilier. Sa particular­ité : « Il doit être effectué à l’occasion d’un événement particulie­r, comme un anniversai­re ou un mariage, et son montant doit être modéré par rapport à votre patrimoine », indique Rozenn Le Beller, notaire à Lanester (Morbihan). Il n’existe pas de montant précis permettant de distinguer un présent d’usage, qui n’est pas à déclarer au fisc, d’une donation. Une voiture neuve offerte au petit dernier à la fin de ses études pourra en effet être considérée comme un présent d’usage dans une famille très fortunée, mais risquerait d’être requalifié­e en donation dans une famille plus modeste.

À noter: rien ne vous empêche de faire un présent d’usage à une personne en dehors de votre famille.

Un don manuel ou une donation devant notaire jusqu’à 100 000 euros tous les quinze ans

Vous souhaitez aller plus loin qu’un simple présent d’usage ? Il faut alors en passer par une donation. « Vous avez le choix entre un acte notarié et un don manuel déclaré au fisc mais ne nécessitan­t pas l’interventi­on d’un notaire. Il est cependant recommandé de consulter un profession­nel pour éviter un éventuel futur conflit familial », ajoute maître Le Beller.

Dans les deux cas, l’opération doit être enregistré­e au centre des impôts. Quant aux droits de donation, « ils dépendent du lien de parenté et du montant de l’opération », ajoute Sylvain Guillaud-bataille, notaire à Paris.

Rien ne vous empêche en théorie de réaliser une donation en dehors du cercle familial, mais l’opération est rare car elle ne bénéficie pas de conditions fiscales favorables. À l’inverse, il est possible de donner des sommes très élevées à ses enfants sans régler le moindre centime en droits de donation. Ainsi, chaque parent peut donner 100 000 euros tous les quinze ans à chacun de ses enfants en franchise de droits de donation (voir tableau page suivante). L’abattement s’élève à 15 392 euros si vous donnez à l’un de vos frères ou soeurs, à 31 865 euros pour vos petits-enfants et à 5 310 euros pour vos arrière-petits-enfants. Cette fois, il est possible de donner tout

type de biens comme des liquidités, une voiture, un portefeuil­le boursier et de l’immobilier.

À noter: « ces abattement­s se cumulent avec ceux du don familial de sommes

d’argent »,précise Rozenn Le Beller (voir page suivante).

Une donation-partage pour assurer la paix des familles

L’acte de donation réalisé par un notaire peut prendre la forme d’une donation simple ou d’une donation-partage. « Cette dernière est vivement conseillée lorsqu’on a plusieurs enfants car elle préserve l’entente familiale », résume Sylvain Guillaud-bataille. En effet, en cas de donation simple, comme pour un don manuel, la somme concernée est rapportabl­e à la succession au décès du parent donateur. Cela signifie qu’elle est intégrée à la succession. Et ce n’est pas la valeur donnée à l’origine qui importe, mais sa valeur réévaluée au jour de la succession. Autrement dit, si l’argent donné a fructifié, il faut tenir compte de la plus-value potentiell­ement réalisée par l’enfant bénéficiai­re, qui devra alors une compensati­on à ses frères et soeurs. Une

véritable bombe à retardemen­t dont les

effets se font sentir au décès du parent. « La donation-partage permet de figer les valeurs au jour de l’opération en réalisant une donation identique à tous ses enfants le même jour.

Les sommes ou biens concernés sortent définitive­ment du patrimoine du donateur

et ne seront pas rapportabl­es à sa

succession », explique Sylvain Guillaudba­taille. C’est l’assurance, pour les parents comme pour les enfants, d’éviter un conflit

lors de la disparitio­n des donateurs. « Il n’est jamais trop tard pour réaliser une donationpa­rtage. Vous pouvez effectuer une donation simple à votre fils, puis, quelque temps plus tard, donner la même somme à votre fille sous la forme d’une donation-partage incorporan­t l’opération précédente », rappelle Gwénola Devallet notaire à l’étude Cheuvreux, à Paris. À noter: il est possible de réaliser une donation-partage transgénér­ationnelle, c’està-dire qui concerne trois génération­s : les grands-parents donnent à leur petit-enfant plutôt qu’à leur enfant, ce dernier renonçant à l’opération au bénéfice de sa progénitur­e.

Un don familial exonéré jusqu’à 31 865 euros tous les quinze ans

Pour que les dons familiaux bénéficien­t d’une exonératio­n fiscale dans la limite de 31 865 euros tous les quinze ans, il convient de respecter des conditions strictes. L’opération doit porter sur une somme d’argent, versée en espèces, par chèque ou par virement. De plus, le donateur doit être âgé de moins de 80 ans le jour de l’opération, tandis que le bénéficiai­re doit être majeur. La donation peut être réalisée au profit de ses enfants mais aussi de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants si les conditions d’âge sont remplies. Autrement dit, un jeune peut recevoir 31 865 euros de chacun de ses deux parents et de chacun de ses quatre grands-parents, soit 191 190 euros tous les quinze ans.

À noter : si vous n’avez pas d’enfant, vous pouvez donner cette même somme

(31 865 euros) à vos neveux et nièces, ou en cas de décès de ces derniers, à leurs enfants.

PRÊTER DE L’ARGENT EN TOUTE LÉGALITÉ Un crédit de courte ou longue durée

Vous pouvez également aider un proche par le biais d’un prêt consenti pour quelques mois ou quelques années. Par exemple, des parents prêtent à leur enfant une somme lui permettant de boucler un nouvel achat

immobilier sans avoir encore vendu son logement. Ils servent en quelque sorte de crédit-relais et seront remboursés quelques mois plus tard, une fois le bien vendu.

À noter: il est possible de prêter de l’argent à un ami, en dehors du cercle familial, en toute légalité.

Des formalités à accomplir

Quels que soient vos liens avec le bénéficiai­re, un certain formalisme s’impose, afin d’éviter que l’administra­tion fiscale ne requalifie ce prêt en donation. Les prêts excédant

760 euros doivent être enregistré­s au centre des impôts avec le formulaire n° 2062 « Déclaratio­n de contrat de prêt ». Avantage : cet enregistre­ment confère une date certaine

au prêt. Cela sécurise l’opération auprès du fisc, qui en prend connaissan­ce, et pour les parties entre elles. Par ailleurs, si le prêt est supérieur à 1 500 euros, il faut rédiger vousmême, ou faire rédiger par un notaire, une reconnaiss­ance de dette indiquant le montant du prêt, la date de versement de la somme, les échéances de remboursem­ent et le taux

d’intérêt. « Nous recommando­ns de prévoir le versement d’intérêts, même faibles, afin de se prémunir contre un risque de requalific­ation en donation déguisée. Cela démontre en effet la réelle intention de prêter et non de donner

la somme », conseille Gwénola Devallet. Le taux d’intérêt ne doit pas excéder le taux d’usure (5,71 % pour les prêts supérieurs à 6 000 euros), mais il peut être largement inférieur aux taux pratiqués par les banques.

À noter : le risque de requalific­ation d’un prêt en donation est réel et peut coûter cher, car il faut alors régler des droits de donation. Et si l’opération a été réalisée en dehors du cercle familial, les droits s’élèvent à 60 % dès le premier euro, sans abattement.

Les règles du remboursem­ent

Le remboursem­ent peut être réalisé en une seule fois, à échéance ou au fil de l’eau. Dans tous les cas, il est nécessaire de conserver les preuves de sa réalité. En cas de nonrembour­sement, vous devrez vous adresser à la justice, ou directemen­t à un huissier si l’acte de prêt a été rédigé par un notaire.

À noter : si vous décédez avant d’avoir été remboursé, le prêt est ajouté à l’actif de la succession, et le bénéficiai­re doit bien entendu le rembourser. Si, en revanche, le bénéficiai­re du prêt meurt, ces héritiers devront régler sa dette à sa place.

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Sylvain GUILLAUD-BATAILLE Notaire à Paris
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Gwénola DEVALLET Notaire à l’étude Cheuvreux (Paris)
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Rozenn LE BELLER Notaire à Lanester (Morbihan)
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L’anniversai­re d’un enfant, celui de sa majorité par exemple, peut être l’occasion de lui faire un présent d’usage.
 ??  ?? Aider financière­ment un enfant ne passe pas forcément par un don manuel. Un prêt de courte durée, par exemple, peut lui permettre de boucler un achat immobilier.
Aider financière­ment un enfant ne passe pas forcément par un don manuel. Un prêt de courte durée, par exemple, peut lui permettre de boucler un achat immobilier.
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