LES DÉCODEURS
2020, une année pour acheter ?
Marc TOUATI Économiste pour le cabinet ACDEFI, auteur d’un monde de bulle (Bookelis) Il n’y a pas de marché global
\\ Compte tenu des taux d’intérêt extrêmement bas qui permettent de limiter le coût de l’endettement des ménages, la tendance reste favorable aux acquéreurs. Comme cette situation ne durera pas éternellement, mieux vaut acheter que de continuer à verser un loyer. En revanche, les prix de l’immobilier sont bien trop élevés actuellement. Dans certains territoires, ils augmentent beaucoup trop vite par rapport aux revenus des ménages, alimentant ainsi un phénomène de bulle immobilière. Cette dernière est particulièrement marquée dans les métropoles où le marché s’avère tendu, comme à Lyon, à Nantes, à Toulouse, à Lille et, bien sûr, à Paris.
La capitale est aujourd’hui plus chère que Londres. Cet emballement gagne également certaines villes de la petite couronne où les prix flambent de manière excessive. Le danger est que plus la bulle gonfle, plus son éclatement risque de faire mal. Certains biens immobiliers pourraient ainsi perdre, à terme, 20 % de leur valeur. Par contre, certaines villes de province, comme Clermontferrand ou Le Havre, voient leurs prix baisser. Il n’y a donc pas de marché global, ni même à Paris où tout dépend des quartiers. Enfin, les locataires tentés par un achat dans les zones rurales ont intérêt à investir, grâce à des taux faibles et des prix bas.
Laurent DEMEURE
Président de Coldwell Banker France & Monaco La forte demande de logements fait monter les prix
\\ L’offre immobilière a connu trois années exceptionnelles en nombre de transactions. En 2017, on a frôlé les 950 000 opérations réalisées et on a dépassé le million l’an dernier, contre 600 000 dix ans plus tôt, et ce, malgré la flambée des prix au mètre carré. En général, le marché est à l’équilibre autour de 800 000 à 850 000 transactions. Au niveau national, la demande de biens explose, boostée par une politique économique favorable, en particulier dans les grandes villes où le plein-emploi pour les cadres est presque atteint. Le potentiel de confiance dans leur job et les hausses de salaire dont ont bénéficié ces derniers favorisent l’investissement. Aujourd’hui, une situation favorable du marché du travail, facteur d’attractivité, accroît la demande de logements, ce qui fait monter les prix. Tout dépend donc de l’activité économique, y compris dans les villes moyennes où le marché de l’immobilier est plus ou moins tendu. Autre élément qui crée la pénurie de biens, la valeur refuge que représente l’immobilier pour préparer sa retraite. La pierre est aujourd’hui perçue comme une sécurité. Avec la durée de vie qui s’allonge, les seniors conservent leur patrimoine plus longtemps. En outre, la France connaît un grave déficit de logements neufs. Il en faudrait 500 000 par an. Seuls 300 000 sortent de terre.
Pierre MADEC Économiste à L’OFCE Le nombre de prêts immobiliers accordés sera plus faible
\\ En fonction des territoires, c’est plus ou moins le moment d’acheter. L’indice de l’évolution des prix est tiré à la hausse dans la plupart des grandes villes françaises. En revanche, dans nombre de villes moyennes, les prix ont tendance à baisser, comme à Reims ou à Saint-étienne où le marché manque de dynamisme. Il y a peu de chance que la situation s’améliore à court terme, sauf si les opérations de redynamisation des coeurs de ville portent leurs fruits. En milieu rural, les prix restent plus ou moins accessibles. Dans les territoires en déshérence, ils ont tendance à s’effondrer alors que dans les zones des littoraux les plus attractifs et où le nombre de biens est limité, la cote augmente fortement. Il faut donc nuancer le propos. Si les conditions des taux d’emprunt restent toutefois favorables, le Haut Comité de stabilité financière (HCSF) a appelé les banques à la prudence en resserrant leur politique d’octroi de crédits immobiliers. L’institution préconise notamment de stopper les prêts de plus de vingt-cinq ans et d’encadrer les mensualités afin que ces dernières n’excèdent pas un tiers du revenu des emprunteurs. Ces recommandations étant plutôt suivies par les établissements financiers, cela devrait se traduire par une sélection plus importante et par une baisse du nombre de crédits accordés. On estime que 100000 à 150000 ménages ne devraient plus pouvoir accéder à l’emprunt immobilier.