Collecter les preuves
Pour obtenir gain de cause en justice, vous devez disposer d’un dossier solide à présenter au magistrat, ce qui impose de réunir des preuves. Les clés pour en recueillir le maximum.
LE PRINCIPE DE LA PREUVE EST LIBRE
Musique intempestive qui vous empêche de dormir, mur qui menace de s’effondrer sur votre propriété, branches qui privent votre logement de luminosité… quelle que soit la raison du litige qui vous oppose à votre voisin ou à votre copropriété, « c’est à vous d’apporter au juge la preuve des nuisances dont vous estimez être victime », insiste Marie-christine Gette-pene, huissier à Tartas, dans les Landes. Autrement dit, de démontrer la réalité du préjudice subi. Et pour cela, vous avez l’embarras du choix.
« En matière extracontractuelle, le principe de la preuve est libre », confirme Matthias Darracq, directeur projets chez Litige.fr, site internet spécialisé dans la gestion et la résolution des litiges du quotidien. « Vous pouvez apporter tous types d’éléments qui vous semblent probants », ajoute-t-il.
MAIS TOUTES LES PREUVES N’ONT PAS LA MÊME FORCE
Du simple témoignage d’un tiers au constat d’huissier, en passant par les courriers échangés avec la personne incriminée ou encore un procès-verbal de plainte, libre à vous de verser au dossier ce que vous voulez. Mieux vaut multiplier les preuves et essayer d’en collecter le maximum afin de constituer le dossier le plus solide possible. Toutes, néanmoins, ne se valent pas, prévient Nicolas Roussel, huissier à Paris : « Ou, du moins, n’ont pas la même force. Un témoignage isolé est certes intéressant mais l’est beaucoup moins que plusieurs attestations ou une pétition allant dans le même sens. Dès lors qu’une preuve est collective, elle gagne du poids car elle crée un faisceau d’indices quant à l’existence réelle des nuisances rencontrées. »
À condition bien sûr que les témoignages recueillis n’émanent pas de vos éventuels colocataires ni de proches vivant sous le même toit que vous. Auquel cas, leur partialité pourrait être mise en doute. Concrètement, pouvoir démontrer que plusieurs voisins au sein d’un même
immeuble mais à des étages différents subissent par exemple les désagréments des odeurs émanant du restaurant installé au rez-de-chaussée a donc plus de valeur que votre seule déclaration. Même chose quand il s’agit de nuisances sonores. De manière générale, poursuit Mariechristine Gette-pene, « dans les dossiers de trouble de voisinage, c’est le constat d’huissier qui pèse le plus au sens où il représente la photographie juridique objective d’une situation litigieuse à un moment précis ». Mieux encore, « à la différence des autres éléments que vous avez pu réunir à l’appui de votre demande, le document ne peut pas être écarté du débat par le magistrat chargé de l’affaire. Excepté si la partie adverse dispose elle-même d’un constat d’huissier apportant la preuve inverse », détaille Nicolas Roussel.
TÉMOIGNAGES SUR FORMULAIRE OU PAPIER LIBRE
Commencez par faire le tour de vos voisins pour savoir si eux aussi sont victimes des mêmes nuisances de la part de votre « adversaire ». Dans l’affirmative, n’hésitez
pas à leur demander de vous remettre un écrit mentionnant en détail les problèmes rencontrés. Pour cela, ils ont le choix entre le formulaire Cerfa n° 11527*03 disponible sur le site Servicepublic.fr ou la rédaction d’une attestation sur papier libre. Afin que celle-ci puisse être prise en compte, elle doit comporter les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession du témoin ainsi que, s’il y a lieu, son lien avec vous (parenté, alliance, subordination,etc.). Elle doit être datée et signée de sa main et accompagnée d’une copie de sa pièce d’identité. « Vous pouvez aussi, si vous êtes plusieurs riverains dans le même cas, signer une pétition commune », indique Matthias Darracq.
DES PHOTOS ET DES VIDÉOS PRISES HONNÊTEMENT
Pas question de jouer les paparazzi ! Afin que ces éléments puissent s’avérer pertinents pour attester de l’existence des troubles dont vous êtes victime, ils doivent avoir été obtenus honnêtement. Ainsi, imaginons que les racines d’un arbre planté chez votre voisin dégradent le mur de votre propriété. Rien ne vous empêche de photographier les dégâts causés de votre côté du mur. En revanche, vous ne pouvez pas prendre de photos depuis le jardin de votre voisin sans que celui-ci vous en ait préalablement donné l’autorisation et surtout accepté que vous pénétriez sur son terrain. Même chose en cas de nuisances sonores : interdiction de filmer depuis vos fenêtres la fête qu’il organise sans qu’il vous y ait autorisé.
DEMANDER UN CERTIFICAT MÉDICAL PRÉCIS
Vous ne dormez plus à cause du bruit qui s’échappe chaque nuit de l’appartement de votre voisin ? Vous êtes sujet à des migraines du fait des odeurs de produits chimiques qui émanent du chantier qui jouxte votre propriété ? Si votre état se dégrade à la suite des nuisances que vous reprochez à la partie adverse, prenez immédiatement rendez-vous avec votre médecin afin qu’il vous délivre un certificat médical attestant des répercussions sur votre santé des troubles rencontrés. Pour donner plus de poids à ce courrier, veillez à lui demander de décrire précisément les raisons de l’aggravation de votre état de santé.
CONSTAT D’HUISSIER : LA VENUE DU PROFESSIONNEL SE PRÉPARE
C’est LA preuve par excellence… Gare cependant au constat d’huissier qui n’irait pas dans votre sens ! « L’huissier doit constater lui-même les faits et leur réalité », rappelle Nicolas Roussel. Or, selon les nuisances que vous souhaitez faire observer, elles ne durent pas forcément toute la journée. Elles peuvent même se déclencher à des moments imprévisibles. Pour éviter d’être déçu, mieux vaut donc s’organiser et convenir avec lui auparavant d’un certain nombre de passages à votre domicile. À noter : si vous avez besoin d’un professionnel en pleine nuit, des permanences existent. Renseignez-vous au préalable auprès de la Chambre des huissiers de justice de votre département.