Le bêtisier des voisins
En matière de voisinage, les tribunaux sont parfois saisis de cas pas banals. Il leur arrive aussi d’apporter de drôles de réponses à des affaires très sérieuses. Des juristes passionnés en ont fait deux recueils dont voici quelques extraits. Attention, transcriptions sans filtre !
Vous vous souvenez des brèves de comptoir, ces fulgurances pleines de bon sens (ou pas), recueillies par Jean-marie Gourio dans les bars ? Eh bien, les tribunaux aussi ont leurs perles. La lecture des jugements sur les conflits de voisinage est même particulièrement propice au glanage de brèves de prétoires. Ces jurisprudences et décisions de justice surprenantes, Raphaël Costa, codirecteur de la Revue du droit insolite, les traque dans la littérature juridique pour en extraire ses « curiosités juridiques ». Avec son complice Théo Renaudie, juriste en droit des nouvelles technologies, ils les distillent sur un compte Twitter, @Cjuridiques, et ont fait un recueil des meilleures, paru aux éditions Enrick B. Faut-il en rire ? Certainement. Et se dire qu’en termes de bons rapports de voisinage, on pourrait mieux faire ? À n’en pas douter… du moins parfois. Depuis les nuisances dues aux animaux à celles du voisin lui-même, de la maladresse à l’invective en passant par la provocation et l’intimidation, voici en tout cas quelques-unes des curiosités du cabinet de Raphaël Costa et Théo Renaudie. Et autant vous mettre en garde, certaines sont particulièrement gratinées !
L’odyssée de l’étrange
Disposer une assemblée de nains de jardin regardant chez sa voisine est un trouble anormal de voisinage. »
Cour d’appel de Douai, 30 novembre 2012.
Doit être expulsé le locataire du dernier étage qui stocke de l’urine qu’il verse sur le toit ou dans les gouttières et fait des boulettes de ses excréments afin de les projeter. »
Cour d’appel de Metz, 8 mars 2012.
Ne commet pas de faute le voisin qui, intervenant sur demande de la mère, crève l’oeil d’un enfant en brisant la vitre opaque de la porte des toilettes dans lesquelles il s’est enfermé en ne faisant plus aucun bruit. »
Cour de cassation, 8 avril 1970.
Nos amis les bêtes
Subit un trouble anormal de voisinage celui qui est contraint de supporter l’odeur et la vue d’un important tas de fumier à une dizaine de mètres de ses fenêtres. »
Cour d’appel de Poitiers, 25 janvier 2006.
Commet un trouble anormal de voisinage celui qui fait creuser une mare aux grenouilles à moins de 10 mètres de chez son voisin, lequel subit les croassements incessants des batraciens. »
Cour de cassation, 14 décembre 2017.
Sont des troubles anormaux du voisinage les nuisances nombreuses provenant des animaux de compagnie du voisin : deux coqs, quatorze poules, six lapins, quatre oies, une chèvre, deux chats, un chien, un cochon, des oiseaux et un serpent. »
Cour d’appel de Douai, 24 septembre 2009.
N’est pas interdite la pose de pièges sur son propre terrain suite aux nombreuses intrusions des chiens du voisin. »
Cour d’appel de Dijon, 19 mai 2009.
Silence, s’il vous plaît !
Est justifiée la rupture du bail du locataire qui tape sur la tuyauterie et hurle à la fenêtre la nuit, met le feu aux poubelles et aux boîtes à lettres, urine dans les parties communes, s’y promène sexe à l’air et jette de l’huile sur les marches. »
Cour d’appel de Versailles, 1er décembre 2009.
N’est pas une raison permettant de frapper son voisin le fait qu’il "casse les couilles à passer l’aspirateur à 8 heures du matin". »
Tribunal correctionnel de Nantes, 21 août 2020.
Chacun chez soi…
Doit effectuer des heures de travaux d’intérêt général celui qui défonce la porte de son voisin avec un marteau puis répond au juge lui demandant des explications : "Mais vous trouvez ça normal qu’il me fasse chier H24 ? " »
Tribunal de Caen, 20 novembre 2019.
Constitue un trouble anormal de voisinage le fait d’ériger des sommiers à titre de clôture. »
Cour de cassation, 19 novembre 2015.
Constitue un exhibitionnisme sexuel le fait de se promener nu dans son jardin en étant visible depuis la rue, même en dehors de "toute intention lubrique". »
Cour de cassation, 26 mai 1999.